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Tuesday, April 01, 2008

Irak: encore une guerre pour rien

Le 29 Août dernier, Moqtada Sadr, le jeune chef des puissantes milices sadristes, avait annoncé une trêve de six mois qu'il renouvela pour six mois supplémentaires en février. Il était clair pour tout le monde que la baisse de la violence, dont se targuait le président américain, l'attribuant à sa décision d'envoyer trente mille trente mille soldats supplémentaires en décembre 2006, est due plutôt dans une large mesure à cette trêve décrétée par le dirigeant chiite, Moqtada Sadr.
En fait si Moqtada Sadr avait décrété cette trêve, c'est parce que ses puissantes milices dominaient Basra, Nassirya, Hilla, Najaf, sans oublier bien sûr Sadr City, (ancienne Saddam City), une immense banlieue de Bagdad composée essentiellement de bidons villes où s'entassent deux millions de personnes. En décrétant sa trêve, Moqtada Sadr voulait de toute évidence gagner du temps et renforcer ses positions dans les villes où ses milices dominent et, éventuellement, en gagner d'autres.
Les milices sadristes sont un véritable Etat dans l'Etat, notamment à Basra et à Sadr City, leurs deux principaux bastions où ils tiennent les rênes du pouvoir à la fois par la force et par un réseau de solidarité qui leur assure l'allégeance de millions de déshérités parmi les masses chiites. Le détournement d'une bonne partie du pétrole exporté par le terminal de Basra, assure aux milices sadristes l'argent nécessaire pour l'armement et pour le financement des réseaux de solidarité.
En plus de l'argent détourné, les milices sadristes ont institué de véritables "tribunaux populaires" où sont jugés les "criminels", les "offenses contre la religion" et même les femmes qui ne portent pas "l'habit islamique". Les exactions de ces milices sont monnaies courantes. Récemment, par exemple, elles ont mené une étrange campagne d'intimidation et d'assassinat, dont les mobiles restent mystérieux, contre les médecins de la ville de Basra. La plupart d'entre eux se sont enfuis vers l'étranger ou vers d'autres régions moins dangereuses de l'Irak, notamment dans le Nord kurde.
Apparemment, c'est pour mettre un terme à toutes ces exactions que le gouvernement irakien du premier ministre Nouri al-Maliki a décidé d'en finir avec l'armée du Mahdi. La guerre engagée contre celle-ci la semaine dernière vise à la désarmer et à reprendre le contrôle des villes sous sa domination, essentiellement Basra et Sadr City.
Bien qu'il doive, en partie au moins, son poste au courant chiite représenté par Moqtada Sadr, et bien qu'il ait laissé l'armée du Mahdi des années durant imposer sa loi et rivaliser impunément avec les forces gouvernementales dans plusieurs villes irakiennes, le Premier ministre a subitement décidé d'en finir avec l'une des principales forces politiques et militaires qui ont émergé en Irak à la faveur du renversement du régime de Saddam par les forces d'occupation américaines.
La démonstration de force de Nouri al-Maliki a tourné à la démonstration de faiblesse. En voulant démontrer qu'il est le maître en Irak, le Premier ministre irakien n'a réussi qu'à mettre à nu la fragilité de sa position et à démontrer aux Irakiens et aux étrangers qu'il n'a pas les moyens de sa politique, qu'il connaît mal la réalité des rapports de force et leur complexité sur la scène irakienne et que, pour une fois qu'il décide de faire quelque chose, sa décision se retourne contre lui. En d'autres termes, la décision de Nouri al-Maliki de désarmer l'armée du Mehdi, a affaibli le gouvernement irakien et renforcé la position politique de Moqtada Sadr et la position militaire de ses milices.
Au départ, al-Maliki se croyait en position de lancer des ultimatums en donnant l'ordre aux milices sadristes de rendre leurs armes dans les 72 heures. Ne voyant rien venir, il a prolongé ce délai jusqu'au 8 avril. Ne voyant rien venir encore, il a eu recours à l'argent, promettant des sommes alléchantes à ceux qui acceptent de rendre leurs armes. Non seulement aucun milicien de l'armée du Mahdi ne rendit les armes, mais les télévisions montrèrent des soldats et des policiers envoyés à Basra pour combattre les milices sadristes déposer elles leurs armes au quartier général de Moqtada Sadr, refusant de tirer une seule cartouche contre « les frères chiites ». Les menaces de jugement en cour martiale contre ceux qui refusaient de se battre contre les miliciens sadristes n’ont inquiété personne, ce qui est révélateur du degré de crainte et de respect qu’inspire aux uns et aux autres le gouvernement de Nouri al-Maliki. Pire les manifestations anti-gouvernementales à Basra et Sadr City, caricaturaient le Premier ministre irakien en « laquais de Bush et Cheney » et exigeaient sa démission.
Certes une guerre sanglante a eu lieu et des centaines de victimes sont tombés sous les bombes des forces américaines venues au secours des forces gouvernementales. Mais celles-ci n'ont pu l'emporter militairement, en dépit des forts soutiens logistiques et militaires dont elles ont bénéficié de la part des forces américaines et britanniques. Les combats ne se sont arrêtés qu'après que Moqtada Sadr ait donné l'ordre à ses troupes de quitter les rues de Basra et de Sadr City.
Les combats ont donc cessé, et le plus extraordinaire est que le gouvernement qui a déclenché la guerre pour désarmer l'armée du Mahdi a couvert d'éloges Moqtada Sadr pour sa décision. L'auto-humiliation infligée par Nouri al-Maliki à lui-même et à son cabinet aura des conséquences néfastes sur la marche du gouvernement qui n'a vraiment jamais fonctionné convenablement depuis sa formation puisqu'il n'a pas pris une seule décision de nature à faciliter la réconciliation nationale en Irak.
Encore une guerre pour rien dans ce pays en proie à l’anarchie depuis l’arrivée des troupes américaines. Encore des centaines de victimes tombées gratuitement dans un pays où aussi bien les responsables des forces d’occupation que les responsables locaux regardent, impuissants, le pays s’enfoncer chaque jour un peu plus dans l’impasse.

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