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Wednesday, March 12, 2008

Une guerre contre l'Iran? "Ridicule"

Dans un article publié en 2006 dans le magazine « The New Yorker », Seymour Hersh se montrait presque sûr que George Bush lancerait une troisième guerre contre un troisième pays musulman, l’Iran en l’occurrence, avant de rejoindre définitivement le 20 janvier 2009 son ranch texan.
L’article a fait beaucoup de bruit à l’époque et soulevé beaucoup d’inquiétude aussi, pas seulement dans la région du Golfe et du Moyen-Orient, mais également aux Etats-Unis où beaucoup pensent que l’armée américaine, en difficulté en Afghanistan et en Irak, ne pourrait pas supporter une guerre contre l’Iran.
Depuis, beaucoup d’événements se sont succédé. L’administration américaine a envoyé 30.000 soldats supplémentaires en Irak et, plus décisif encore, s’est alliée aux tribus sunnites des provinces d’Al Anbar et de Salaheddine contre l’organisation terroriste d’Al Qaida. Ces deux développements sur la scène irakienne ont aidé l’armée américaine à enregistrer quelques maigres succès après une longue série de lourds échecs.
Un autre événement important a eu lieu en janvier 2007 : l’amiral William Fallon a remplacé le général John Abizaid à la tête du Central Command (Centcom), responsable des opérations en Irak et en Afghanistan. La nomination de l’amiral Fallon à ce poste avait alors suscité étonnement et inquiétude. Etonnement, parce qu’un amiral était nommé à la tête d’une force militaire imposante, composée essentiellement de troupes terrestres. Inquiétude, parce que beaucoup d’analystes voyaient déjà cette nomination comme un pas vers la guerre contre l’Iran du fait du lien établi entre l’expérience maritime de général Fallon (il était le commandant des forces du Pacifique jusqu’en janvier 2007), et l’importance stratégique du détroit d’Hormuz non seulement en tant que voie maritime vitale pour les pétroliers, mais aussi comme espace maritime incontournable dans un éventuel conflit armé avec Téhéran.
L’amiral Fallon allait se révéler être un tout autre personnage et provoquer la consternation à la Maison blanche et l’étonnement chez ceux qui se sont inquiétés de sa nomination à la tête du Centcom. Fallon n’aura pas sa langue dans sa poche et ne respectera pas le devoir de réserve qui lui impose sa fonction. En d’autres termes il s’impliquera, discutera et critiquera la politique étrangère de Washington, non pas discrètement, mais ouvertement.
Le raisonnement fait par l’amiral Fallon est simple. L’armée américaine est à bout de forces. Les deux guerres qu’elle mène depuis sept ans en Afghanistan et cinq ans en Irak l’ont exténuée. Pendant ces longues années, elle a été sollicitée au-delà de ses capacités de combat et d’endurance. Dans le même temps, le président George Bush et son vice-président Dick Cheney n’arrêtent pas de lorgner vers l’Iran en proférant menace sur menace. Il n’en faut pas plus pour que l’amiral Fallon franchisse la ligne rouge et s’immisce dans les choix stratégiques des Etats-Unis qui sont du seul ressort de la hiérarchie civile.
Face au danger de voir l’armée américaine engagée dans une troisième guerre contre un troisième pays musulman, Fallon n’était pas le seul à franchir la ligne rouge. En novembre dernier, les quatorze services de renseignements que compte l’Amérique, supervisés par Michael McConnell, ont publié un rapport qui a fait beaucoup de bruit et provoqué beaucoup de fureur aux Etats-Unis et en Israël. Ce rapport certifie que l’Iran a arrêté son programme nucléaire militaire en 2003, coupant ainsi l’herbe sous les pieds de tous ceux qui, aux Etats-Unis et en Israël, poussaient de toutes leurs forces vers une attaque militaire contre l’Iran. Le message des services de renseignement aux responsables de la Maison blanche était clair et limpide : « vous nous avez utilisés dans votre guerre contre l’Irak, vous ne nous utiliserez pas dans la guerre que vous préparez contre l’Iran ». Selon certains rapports de presse, l’amiral Fallon a fermement encouragé Michael McConnell à rendre public son rapport.
L’on se rappelle la fureur avec laquelle la vice-présidence et les milieux néoconservateurs aux Etats-Unis ont répondu à ce rapport. Pour eux, il était intolérable que les services de renseignements, censés être au service de l’autorité politique, se transforment en une force influant et déterminant même les choix stratégiques du pays. Mais si les néoconservateurs ne peuvent pas pousser à la démission les responsables de quatorze services de renseignements, ils ont apparemment mis la pression nécessaire pour obtenir la démission de l’amiral William Fallon. En effet, celui-ci a présenté mardi dernier sa démission qui a été accepté « avec réticence et regret » par le chef du Pentagone, Robert Gates.
La démission de Fallon intervient une semaine après la parution dans le magazine « Esquire » d’un article signé par Thomas Barnett, un commentateur respecté aux Etats-Unis. Dans son article, Barnett confirme que Fallon a, depuis sa nomination à la tête du Centcom, toujours combattu l’idée d’une guerre avec l’Iran. Mais Barnett écrit surtout que « si l’amiral Fallon était poussé vers la démission, cela voudrait dire que le président et le vice-président ont l’intention de décider une action militaire contre l’Iran avant la fin de cette année et ne veulent pas qu’un commandant se tienne sur leur route. »
Il semble que l’article de Thomas Barnett dans « Esquire » était la goutte qui avait fait déborder le vase et consumer le peu de patience que la Maison blanche gardait encore face à l’ « insoumission » de l’amiral Fallon qui avait finalement été remercié mardi. Au journaliste qui demandait à Robert Gates si la démission du chef du Centcom voulait dire que les préparatifs d’une guerre contre l’Iran ont commencé, le patron du Pentagone a répondu : « c’est ridicule ». Compte tenu de l’état peu enviable où se trouve l’armée américaine en Irak et en l’Afghanistan, il est en effet ridicule de l’envoyer guerroyer contre un pays autrement plus puissant et plus dangereux que l’Irak et l’Afghanistan réunis.

1 Comments:

Blogger Unknown said...

La liberté de la presse aux Etats-Unis n'est plus ce qu'elle etait.La démission de Fallon en est vraiment l'illustration.La presse de plus en plus muselée par les lobbys passe sous silence des contre-choix stratégiques et fairas le meme faux parcours que celui qui a precedé et accompagné la guerre d'Irak;
Si Fallon avait été Russe,il aurait été presenté par la presse americaine comme un héros.
Décidement la fin de la guerre ideologique ,tant décriée au moment de l'implosion de l'ex URSS n'est pas pour demain.

5:46 PM  

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