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Friday, February 22, 2008

Le Kosovo, la Palestine et la "communauté internationale"

Affrontements au nord du Kosovo à la frontière avec la Serbie, attaque par la foule des manifestants de l’ambassade américaine à Belgrade causant un mort et plusieurs blessés, manifestations violentes devant les ambassades de Grande Bretagne, d'Allemagne, de Turquie, de Croatie et de Bosnie dans la capitale serbe, forces de l’ordre locales débordées et forces de l’Otan en état d’alerte maximale, bref une grande crise enfle dans les Balkans et menace de replonger la région dans le cycle horrible des violences qui avaient accompagné le démembrement de l’ex-Yougoslavie dans les années 1990.
Beaucoup se demandent quels intérêts majeurs Américains et Européens sont en train de défendre en poussant obstinément les Albanais du Kosovo à déclarer leur indépendance et à prendre ainsi le risque d’une nouvelle guerre dans une région où les rancoeurs sont toujours vives et les blessures encore ouvertes ? Pourquoi le statu quo au Kosovo, administré par l’ONU depuis 9 ans, est-il devenu subitement « intolérable », alors que le statu quo en Palestine qui endure une occupation impitoyable depuis plus de quarante ans est toujours tolérable aux yeux des Européens et des Américains ?
La répression lancée par l’ancien président serbe, Slobodan Milosevic, contre les Albanais du Kosovo en 1997-98 est un fait divers comparée au calvaire de l’occupation et de la répression israéliennes que vivent les Palestiniens depuis des décennies. Pourtant, Américains et Européens n’avaient pas hésité alors à mobiliser leurs troupes et à bombarder intensivement les villes serbes pendant 78 jours d’affilée, obligeant Milosevic à retirer ses troupes du Kosovo. Pourtant le Kosovo est considéré par les Serbes comme le berceau de leur civilisation et le foyer de leur héritage religieux et spirituel. La province fait partie de la Serbie depuis des siècles et la rage exprimée par les manifestants à Belgrade est de même nature que celle exprimé par tout être humain qui se voit dépossédé par la force de son bien et qui se trouve dans l’incapacité de le récupérer.
Le traitement de la question du Kosovo par le couple Amérique-Europe amplifie le sentiment d’injustice vécu dans le monde arabe face au traitement de la question palestinienne. Il pousse à des niveaux extrêmes la consternation ressentie un peu partout dans le monde arabe face au critère des deux poids et deux mesures employé par la « communauté internationale » dans la gestion des grandes affaires internationales.
Il est d’autant plus consternant de voir la rapidité avec laquelle le Kosovo a accédé à l’indépendance que l’appartenance séculaire de cette province à la Serbie n’a jamais menacé ni de près ni de loin la sécurité mondiale. Il est d’autant plus consternant de voir l’aide américaine et la complaisance européenne se perpétuer en faveur de l’occupant israélien que la résolution de la question palestinienne est vitale pour la sécurité du monde.
Les historiens qui se pencheront plus tard sur la gestion par « la communauté internationale » des crises du début du 21eme siècle seront sans doute déboussolés. Ils ne trouveront aucune logique dans la hiérarchie des priorités établie par les acteurs principaux de la scène internationale pour résoudre les crises qui secouent la planète depuis le début du troisième millénaire.
La question qui se pose aujourd’hui pour nous et qui se posera demain pour les historiens est la suivante : ceux qui se prennent pour la communauté internationale, c'est-à-dire en gros les Etats-Unis, certains pays influents de l’Union Européenne et l’Otan, sont-ils en train de résoudre les crises internationales ou d’en créer davantage ?
Après les désastres irakien et afghan, « la communauté internationale » aurait dû entamer aussitôt l’allumage de contre-feux pour limiter la propagation des incendies qui ravagent la planète. Le principal contre-feu à allumer aurait dû consister en une résolution à la manière kosovare de la question palestinienne en imposant à Israël l’indépendance d’un peuple sous occupation depuis plus de quarante ans.
Or, non seulement la question palestinienne continue d’être négligée, mais, plus grave encore, nous assistons depuis quelque temps à une campagne de presse internationale qui tente d’accréditer l’idée que « la solution de deux Etats en Palestine n’est plus viable », que l’Egypte devrait tôt ou tard « absorber Gaza » et la Jordanie, de son côté, devrait aussi tôt ou tard « absorber la Cisjordanie » C’est le sujet, par exemple, d’un long article publié le 22 février 08 par le New York Times. Pour Israël, une telle perspective est un pain béni puisqu'elle lui permettra de "digérer" Jérusalem-Est et les colonies qui surplombent les grandes villes palestiniennes, "absorbés" depuis des décennies.
On reste pantois face à l’ampleur du cynisme et de l’absurdité qui marque de plus en plus l’approche avec laquelle « la communauté internationale » gère les crises du monde. La Serbie est empêchée par les armes d’ « absorber » le Kosovo qui lui appartient depuis des siècles, et, pour empêcher l’émergence d’un Etat palestinien, on commence les grandes manœuvres pour presser à l’Egypte et à la Jordanie d’ « absorber » des territoires qu’ils ne veulent à aucun prix accueillir sous leur souveraineté.

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