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Tuesday, February 19, 2008

La problématique indépendance du Kosovo

Dans l’histoire, il y a toujours eu des hommes dont l’aura et le charisme sont plus efficaces que les forces armées pour maintenir ensemble dans un cadre institutionnel unique des territoires et des peuples différents les uns des autres, voire hostiles les uns aux autres. C’est le cas de Josip Broz Tito, créateur de la république fédérale de Yougoslavie en 1946, décédé en 1980. A la mort de Tito, la Yougoslavie était formée de six républiques (la Serbie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la Slovénie, la Macédoine et le Monténégro), et de deux régions autonomes (le Kosovo et la Voïvodine).
La disparition de Tito avait entraîné aussitôt le réveil des tendances sécessionnistes et séparatistes de peuples ayant vécu ensemble pendant un certain temps dans le cadre d’un mariage circonstanciel de raison plutôt que par amour et affinités mutuelles. Les dirigeants serbes qui avaient succédé au Croate Tito avaient tout fait pour lutter contre ces tendances séparatistes, mais le mouvement était irréversible et rien ne pouvait s’opposer aux forces irrédentistes qui sciaient lentement mais sûrement les bases de la Yougoslavie.
Le processus de désintégration entamé par les Croates qui, les premiers, avaient demandé le divorce, était d’une violence inouïe. Deux éléments principaux expliquaient l’extraordinaire violence qui avait accompagné ce processus de désintégration : la détermination des nationalistes serbes à sauver coûte que coûte la fédération yougoslave, et leur rancœur contre les Croates qu’ils accusaient d’être tous des « Oustachis » (collaborateurs des Nazis) et contre les Musulmans qu’ils accusaient d’être « des traîtres » ayant « abandonné leur religion et embrassé celle de l’occupant ottoman. »
Les années 1990 du siècle dernier ont été marquées en particulier par les guerres balkaniques qui ont provoqué la mort et le déplacement forcé de millions de personnes. La destruction de Vukovar en Croatie, l’embargo impitoyable imposé contre Sarajevo en Bosnie-Herzégovine, le massacre de 8000 Musulmans à Srebrenica demeurent à jamais vissés à la mémoire de tous ceux qui avaient suivi les événements dramatiques des Balkans pendant ces années de braise.
La proclamation de l’indépendance, dimanche 17 février 2008, par les dirigeants kosovars est le dernier épisode dans le long, douloureux et violent processus de démantèlement de l’ex-Yougoslavie. Pour les Serbes, la perte du Kosovo est plus douloureuse encore et est ressentie comme une humiliation plus grande que celle qu’ils ont vécue lors de la sécession des cinq républiques ex-yougoslaves. D’abord, le Kosovo n’avait pas le statut de république dans la fédération yougoslave, mais celui de région autonome que les Serbes ont toujours considéré comme faisant partie intégrante de leur territoire ; ensuite, en 1389, le Kosovo était au centre d’un événement dramatique pour les Serbes qui avait scellé leur histoire pour cinq siècles.
En effet, le 28 juin 1389, les Serbes étaient battus par les Ottomans dans la célèbre bataille du Kosovo. Les deux chefs de guerre, le prince serbe, Lazare de Raska et le sultan Mourad 1er étaient tués dans l’affrontement. Les janissaires turcs remportèrent la guerre du Kosovo et la Serbie intégra de force l’empire ottoman pendant des siècles. Plus récemment encore, la Serbie, et Belgrade en particulier, avaient subi des bombardements intensifs pendant 78 jours par les forces de l’Otan au printemps 1999, pour avoir tenté de s’opposer par la force aux tendances séparatistes de la province du Kosovo dont la population ne dépasse guère les deux millions (90% sont des Musulmans albanophones et 10% de Serbes orthodoxes.)
Le 10 juin 1999, le Conseil de sécurité de l’ONU adopta la résolution 1244 décidant d’un déploiement d’une force internationale au Kosovo et établissant « une administration intérimaire dans le cadre de laquelle la population du Kosovo pourra jouir d’une autonomie substantielle au sein de la république fédérale de Yougoslavie » (formée à l’époque par la Serbie et le Monténégro).
La question du Kosovo a divisé la société internationale en deux camps opposés l’un pour et l’autre contre l’indépendance. Les Etats-Unis, l’Allemagne, la Grande Bretagne, la France, l’Italie et la Croatie ont tout fait pour pousser le Kosovo à déclarer son indépendance. De leur côté, la Serbie et la Russie et, dans une moindre mesure, la Grèce, l’Espagne, Chypre, la Roumanie, la République tchèque et la Slovaquie sont opposés à l’idée même d’indépendance du Kosovo. Ces oppositions ont été claires dans la réunion du Conseil de sécurité à laquelle les Russes ont appelé d’urgence dimanche dernier.
Les pays membres de l’Union européenne ont quelque raison de s’opposer à l’indépendance du Kosovo. Outre l’argument de la Russie et de la Serbie consistant à dire que la déclaration d’indépendance est une « violation de la résolution 1244 » et donc « nulle et non avenue », certains pays européens redoutent la contagion et l’effet boule de neige. D’ailleurs l’Espagne n’a pas tardé à être édifiée dans ses craintes puisque le porte parole du gouvernement basque, Miren Azkarate, a sauté sur l’occasion en affirmant aussitôt que la déclaration d’indépendance du Kosovo est « une leçon à suivre sur la manière de résoudre pacifiquement et démocratiquement les conflits d’identité et d’appartenance ». Ceci n’a rien de rassurant en effet pour l’Espagne, confronté depuis des décennies aux tendances séparatistes dans le Pays basque et en Catalogne.
Le Kosovo semble irrémédiablement perdu pour les Serbes. Leurs dirigeants reconnaissent en privé cette réalité, même si en public ils jurent de ne jamais reconnaître cette indépendance. Le processus est irréversible parce que les Serbes, encore sous le choc des 78 jours de bombardements de l’Otan de 1999, ne peuvent pas ramener par la force le Kosovo dans leur giron. Mais une chose est sûre : le bras de fer international entre les pour et les contre l’indépendance du Kosovo continuera sans doute à faire les titres de l’actualité pour les mois à venir, et le Kosovo, compte tenu du veto russe, ne sera pas de sitôt le 193eme pays membre de l’ONU.

1 Comments:

Blogger Unknown said...

Aprés la chute de l'Empire Ottoman,nous avons assisté à ce que à l'époque nous avions appellé la balkanisation de la région.
Aujourd'hui la disparition de l'URSS a ramené cette région à son point de départ.
Il est surprenant que l'UE elle meme,à défaut d'unir sème la division et fasse le lit des Etats-Unis.

5:12 PM  

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