airelibre

Friday, March 07, 2008

Deux poids et deux mesures en direct

L’attaque perpétrée dans une école religieuse à Jérusalem le jeudi 6 mars est une réponse quasi-immédiate à la guerre asymétrique qu’a livrée quelques jours plutôt Israël contre les Palestiniens. Asymétrique, la guerre l’est incontestablement dans la mesure où elle a opposé des bombardiers F 16 et des hélicoptères de combat contre un peuple qui non seulement manque d’armes, mais de nourriture, d’eau, d’électricité, de carburant etc… Asymétrique, cette guerre l’est dans ses résultats aussi : 127 morts et des destructions de grande ampleur d’un côté, un mort et quelques vitres brisées de l’autre.
Face à cette nième injustice commise contre les Palestiniens, les Etats-Unis n’y ont vu qu’une simple « autodéfense » de la part d’un pays dont les arsenaux conventionnels et nucléaires terrifiants sont gravement menacés par les fusées artisanales « Al Qassam » dont certaines, selon les Israéliens eux-mêmes, n’atteignent même pas Israël mais atterrissent et explosent à Gaza. Les 120 morts palestiniens dont un bébé de 20 jours ? « C’est Hamas qui assume la responsabilité de leur mort et non Israël qui ne fait que s’auto-défendre », entend-on çà et là, en Israël et aux Etats-Unis.
Puis vint l’attaque de jeudi dernier contre une école religieuse, « fortement liée aux colons », à Jérusalem ouest faisant huit morts et une douzaine de blessés. Le peu de temps qui sépare les événements de Gaza et de Jérusalem a offert au monde une image claire, limpide et en direct de la politique des deux poids et deux mesures dont les gens entendent souvent parler mais ont rarement l’occasion d’observer concrètement comme on a pu l’observer ces derniers jours à travers les deux réactions américaines aux antipodes l’une de l’autre selon qu’il s’agisse des massacres de Gaza ou de Jérusalem.
Dans le cas des massacres de Gaza, la machine diplomatique américaine s’est mise en branle pour convaincre le monde entier qu’Israël est dans « une position défensive », que la responsabilité incombe aux Palestiniens eux-mêmes qui n’arrêtent pas de lancer leurs fusées sur Sderot et que s’il y a autant de morts c’est que la plupart sont « des terroristes » et que les autres sont des victimes de « dommages collatéraux » qu’Israël, de toute manière, n’avait aucune intention de tuer. Le Conseil de sécurité ? Washington s’est chargé de le convaincre qu’il n’y avait aucune raison de fouetter un chat et qu’il peut continuer tranquillement à regarder ailleurs. Les 127 Palestiniens morts et les dizaines de maisons détuites ? On en voit tous les jours. Israël qui envoie ses bombardiers contre une population civile désarmée ? De l’ « auto-défense »…
Dans le cas du massacre de Jérusalem, bien que le nombre des victimes israéliennes soit bien inférieur à celui des victimes palestiniennes, la machine diplomatique américaine s’est aussitôt mise en branle pour crier son horreur, dénoncer « les barbares » et souligner que « les assassins n’ont pas leur place parmi les nations civilisées ». Mme Condoleezza Rice, la secrétaire d’Etat américaine, qui a fait des dizaines de milliers de kilomètres pour aller convaincre les Arabes qu’Israël n’a fait que « se défendre » à Gaza, a réagi en ces termes à la mort des huit israéliens de l’école talmudique de Jérusalem : « Les Etats-Unis condamnent l’acte de terreur et de dépravation commis ce soir. Cet acte barbare n’a pas de place parmi les peuples civilisés et choque la conscience de toutes les nations éprises de paix. » Parmi les nations « éprises de paix » que Mme Rice a en tête figurent bien sûr Israël qui, depuis quarante ans, ne cesse de démontrer son « amour pour la paix », et les Etats-Unis qui, de leur côté, ont amplement démontré leur « amour pour la paix » en Irak où, au moment même où la secrétaire d’Etat parlait à la presse, un double attentat dans le quartier de Karrada à Bagdad a fait 55 morts…
Dans le cas de Gaza, comme on l’a dit, le Conseil de sécurité, dormait sur ses deux oreilles comme si de rien n’était. Dans le cas de Jérusalem, les victimes de l’école talmudique n’étaient même pas évacuées que le Conseil de sécurité était déjà en place, convoqué de toute urgence par Zalmay Khalilzad, représentant US à l’instance onusienne. La réaction du secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon est tout aussi prompte et tranche nettement avec ses hésitations et son ton exagérément mesuré qui ont empreint sa réaction aux événements de Gaza. La différence est claire. Voici la réaction officielle de l’ONU aux événements de Jérusalem : « Le secrétaire général condamne dans les termes les plus énergiques l’attaque sauvage d’aujourd’hui commise contre un séminaire à Jérusalem ouest et le massacre délibéré commis contre des civils. Il présente ses condoléances aux familles des victimes ». Nous n’avons entendu rien de tel lors des massacres beaucoup plus sauvages commis par les bombardiers F 16 contre les civils palestiniens, et, à notre connaissance, aucune condoléance n’a été présentée aux familles palestiniennes. Ban Ki-moon n’a même pas déploré la mort du bébé de 20 jours.
La Libye a eu parfaitement raison de bloquer l’adoption d’une résolution biaisée qui, si elle était adoptée, aurait officialisé en direct la politique des deux poids et deux mesures suivie, on le sait, depuis longtemps, mais qui ne s’est jamais manifestée avec autant de cynisme que jeudi dernier. Si, pour les Etats-Unis, la vie d’un Juif est beaucoup plus précieuse que celle d’un Arabe, comme viennent de le démontrer clairement leurs réactions aux événements de Gaza et de Jérusalem, ils ne peuvent pas imposer à un pays arabe d’adopter une position biaisée basée sur le critère immoral des deux poids et deux mesures.

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