airelibre

Wednesday, February 13, 2008

L'éléphant est dans la chambre...

Depuis des semaines les appels d’offres se succèdent dans les journaux israéliens pour la construction de nouvelles colonies de peuplement dans les territoires palestiniens occupés depuis plus de quarante ans. Il y a deux jours, le ministre israélien de l’habitat a confirmé pour la nième fois, comme pour narguer les opposants à la politique de son gouvernement, que des centaines de logements seront construits à Djebel Abou Ghneim (Har Homa pour les Israéliens), qui se trouve à Jérusalem-est occupée en 1967 avec la Cisjordanie, Gaza et le Golan syrien.
Ce qui est étonnant, ce ne sont pas les appels d’offres, ni les déclarations de tel ou tel ministre israélien ni les tentatives incessantes de judaïsation de la ville sainte que l’Etat d’Israël avait annexée unilatéralement en 1981 par un simple vote de la Knesset pour en faire sa « capitale indivisible et éternelle ». Ce qui est étonnant, c’est le silence avec lequel sont toujours accueillies dans le monde les politiques de colonisation des territoires occupés et de répression de leurs habitants palestiniens. Ce qui est étonnant, c’est la facilité avec laquelle la communauté internationale continue depuis plus de quarante ans à traiter Israël comme « un Etat anormal », c'est-à-dire différent des autres, doté de privilèges qui lui permettent de violer, dans l’impunité la plus totale, autant de lois internationales qu’il désire, de bombarder, de tuer, de déclencher des guerres meurtrières contre ses voisins autant de fois qu’il le désire.
Il y a un proverbe arabe intéressant qui dit : « - Ô Pharaon, pourquoi tu sévis toujours ? - Parce que personne n’a eu le courage de me retenir ! » Cela s’applique parfaitement à Israël qui peut infliger tous les malheurs possibles à ses voisins en étant assuré que la communauté internationale regarderait ailleurs dès que les bombardiers et les missiles israéliens entreprennent de semer la mort et la destruction chez les Palestiniens ou les Libanais. Il est vrai que dans les cas extrêmes, on a droits à quelques condamnations européennes aussi molles que stériles, mais, côté américain, la réaction rappelle toujours le titre de l’un de ces films hollywoodiens : « Silence, on tue ».
En fait, la politique officielle américaine a toujours été contre la colonisation des territoires palestiniens. Tous les présidents américains, de Lyndon Johnson à George W. Bush, ont, à un moment ou un autre, exprimé le désir de voir Israël arrêter la construction des colonies sur les collines surplombant Jérusalem-est et la Cisjordanie. Aucun d’eux n’a réussi à forcer l’un ou l’autre des gouvernements successifs israéliens à mettre un terme à leur politique de colonisation et de répression des Palestiniens. La dernière manifestation en date de cette impuissance remonte à la conférence d’Annapolis de novembre dernier. Seulement deux jours après la clôture de cette conférence et avec l’arrogance dont ils sont coutumiers, les Israéliens ont annoncé la construction de nouvelles colonies à Jérusalem-est, infligeant ainsi une humiliation aux Américains qui avaient préparé avec fanfare le forum d’Annapolis en souhaitant en faire le socle sur lequel serait bâtie la paix.
Pourquoi tous les présidents américains se sont-ils avérés impuissants à infléchir la politique israélienne ou à l’influencer dans le sens d’un simple respect de la loi internationale qui interdit la confiscation des terres des autres et leur colonisation ?
La société américaine est particulière. Les deux immenses océans qui longent le pays à l’est et à l’ouest la protègent, mais aussi l’éloignent des points chauds de la planète et réduisent au minimum son intérêt pour les affaires du monde. Elle constitue de ce fait le terrain fertile par excellence pour le travail des groupes d’intérêt qui, comme le lobby israélien, disposent d’importants moyens humains et financiers leur permettant d’orienter la politique étrangère américaine dans le sens désiré par eux, même si cette politique n’est pas dans l’intérêt des Etats-Unis.
Le lobby pro-israélien aux Etats-Unis a, dès le départ, basé sa stratégie de soutien aveugle à Israël sur la fraude et la manipulation. Il est arrivé à convaincre l’Américain moyen qu’Israël est le bon petit David entouré de méchants Goliaths arabes prêts à le mettre en pièces à l’instant même où les Américains cessent de le soutenir. Toutes les guerres d’agression israéliennes sont présentées comme des complots fomentés par les Arabes pour anéantir Israël et que celui-ci ne fait que se défendre. Il en est de même des bombardements quotidiens de Gaza et de Cisjordanie qui sont invariablement présentés par les grands médias américains comme des actions légitimes d’auto-défense d’Israël contre « le terrorisme palestinien ». Pas un mot dans ces mêmes médias sur les 200 têtes nucléaires entreposés quelque part dans le désert du Néguev, sur la puissante armée israélienne qui dispose des armes conventionnelles les plus puissantes et les plus sophistiquées au Moyen-Orient, sur le rejet systématique par les Israéliens des innombrables initiatives de paix arabes, sur les souffrances bibliques des Palestiniens etc.
Face à des électeurs américains manipulés à outrance, les représentants et les sénateurs au Congrès ou les candidats qui aspirent y siéger, se trouvent dans une situation de surenchère où celui qui fait preuve du soutien le plus ardent à Israël a le plus de chances de se faire élire ou réélire. Et les choses sont identiques dans les campagnes pour l’élection présidentielle. Les primaires et les caucus qui se déroulent actuellement à un rythme effréné nous donnent tous les jours des exemples vivants.
Mais si l’Américain moyen est facilement manipulable, on ne peut pas en dire autant des intellectuels, des académiciens, des politiciens et des journalistes. Ces différentes catégories d’Américains savent parfaitement de quoi il retourne. La vérité ne peut pas leur échapper pour une raison très simple : ils savent exactement ce qui se passe au Moyen-Orient et ont les moyens intellectuels nécessaires pour faire les analyses appropriées. Mais ils ne le font pas parce qu’ils ont peur de perdre un poste, un privilège ou une élection.
Sans doute il y a quelques intellectuels courageux qui, comme les auteurs de la célèbre étude sur le lobby israélien, John Mearsheimer et Stephen Walt, s’efforcent de débattre de la question et d’attirer l’attention des Américains sur le danger que constitue ce lobby pour les intérêts stratégiques des Etats-Unis. Mais le gros des intellectuels, des académiciens et des politiciens américains continue d’ignorer superbement le sujet. Pour eux, comme l’ont si bien exprimé Mearsheimer et Walt dans une longue interview publiée par le journal américain « Counterpunch » (http://www.counterpunch.com/), la question israélienne aux Etats-Unis, c’est « l’éléphant dans la chambre dont personne ne veut parler ».

1 Comments:

Blogger Unknown said...

Israel pratique la politique du fait accompli;il est dans une course contre la montre pour une colonisation de peuplement.
L'histoire est là pour nous enseigner qu'aucun mur n'a tenu...

5:46 PM  

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