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Tuesday, March 04, 2008

Le peuple de Gaza entre deux feux

Cent morts d’un côté, un mort de l’autre. Aucune destruction d’un côté, des dizaines de maisons en ruine de l’autre. Des enfants choqués par des roquettes artisanales d’un côté, des enfants défigurés, mutilés et massacrés à coups de missiles, conçus pour combattre des armées et non des civils, de l’autre. Voici la réalité dans toute son horreur de l’agression à grande échelle perpétrée par l’occupant israélien contre une population sans défense.
Au regard du droit international, les violences extrêmes déclenchées par l’armée israélienne contre des civils désarmés sont des crimes de guerre punissables par les tribunaux internationaux. Mais, la justice n’étant pas de ce monde, Israël trouve le moyen d’agresser, de massacrer les civils, dont des enfants et des bébés, de détruire les maisons sur la tête de leurs habitants et, dans le même temps, se présenter en tant que « victime du terrorisme palestinien ».
Nul ne s’étonnera d’un tel travestissement de la réalité s’il ne provenait que de la partie israélienne. Mais l’étonnant est qu’Israël trouve toujours le soutien inconditionnel des Etats-Unis, même quand il commet des crimes de guerre. Cette fois, le monde entier a pointé un doigt accusateur vers Israël. Du secrétaire général de l’ONU à l’Union européenne, en passant par les différents gouvernements, tous ont dénoncé « l’usage disproportionné de la force ». Même si cette critique est timorée, même si elle faite avec des gants et que ses auteurs ont pris soin de peser les mots, elle comporte tout de même une certaine dénonciation des exactions israéliennes.
Le monde entier sauf, bien sûr, les Etats-Unis. Ce pays n’arrête pas d’étonner le monde par son alignement systématique sur Israël quel que soit le crime commis par ce dernier en tant que puissance occupante contre la population occupée. On se demande quel intérêt américain aurait été mis en danger si Washington s’était aligné cette fois sur le secrétaire général de l’ONU et sur l’Union européenne pour dénoncer comme eux « l’usage disproportionné de la force » par Israël ? Aucun.
Les crimes de guerre perpétrés par l’armée israélienne étaient pourtant une occasion pour Washington de se mettre du côté de la justice et de dénoncer un comportement condamnable par toutes les lois et toutes les morales. Au lieu de quoi, les Etats-Unis ont, encore une fois, choisi de soutenir l’agresseur contre la victime. Cette triste vérité se trouve dans la réaction de la Maison blanche formulée par son porte-parole, Gordon Johndroe. Celui-ci a affirmé samedi dernier à la presse : « Nous appelons à l’arrêt de la violence et de tous les actes de terrorisme dirigés contre les civils innocents. » Si Johndroe s’était arrêté là, on aurait interprété cette position comme un progrès de la part de Washington. On aurait fait l’effort de comprendre que les Etats-Unis s’inquiétaient à la fois de la violence israélienne et de celle de Hamas contre les civils innocents de part et d’autre. Mais le porte-parole de la Maison blanche ne s’était pas arrêté là. Il a ajouté : « Il y a une distinction claire entre les attaques terroristes à la roquette qui visent les civils et les actions d’auto-défense ».
Il y a effectivement une distinction à faire entre les « attaques terroristes à la roquette » qui ont fait un mort et presque pas de dégâts et « les actions d’auto-défense » qui ont fait cent morts, des milliers de blessés et de traumatisés, un nombre élevé de familles sans abri suite à la destruction de leurs maisons par les bombardiers F 16, sans parler du chaos généralisé infligé à toute une population qui souffre depuis des mois d’un blocus impitoyable.
Mais les exactions israéliennes et le sempiternel alignement des Etats-Unis sur Israël quels que soient les crimes que ce pays commet, ne peuvent pas occulter la responsabilité du mouvement Hamas dans la situation de plus en plus désastreuse de la bande de Gaza. Il est clair que tout ce que ce mouvement a entrepris depuis juin dernier, après la guerre qui l’a opposé à Fatah, n’a eu pour effet que d’accroître les difficultés de la population palestinienne.
Les dirigeants de Hamas crient haut et fort qu’ils sont en train de défendre le peuple palestinien. La question qui se pose ici est la suivante : quelle défense et quelle protection Khaled Mechaal et Ismaïl Haniya sont-ils en train d’assurer au peuple palestinien si pour chaque roquette artisanale lancée sur la ville israélienne de Sderot, Israël envoie dix missiles meurtriers sur Gaza ? Si pour chaque Israélien tué, Israël tue cent Palestiniens ? Si pour quelques vitres brisées à Sderot, Israël transforme en ruines des dizaines de maisons à Gaza, augmentant ainsi dramatiquement le nombre des sans-abri ?
Le pire est que les dirigeants de Hamas semblent totalement déconnectés de la réalité. Ils vivent dans leur monde à eux où ils égrènent « les victoires ». A une question posée lundi matin par la BBC sur le retrait des forces israéliennes de Gaza après une brève incursion terrestre, l’un des dirigeants du Hamas à Gaza a répondu ceci : « Grâce à Dieu d’abord, et à la résistance du peuple palestinien ensuite, Israël s’est retiré traînant derrière lui sa défaite honteuse »…
Le peuple de Gaza se trouve pris en tenailles entre deux feux : une force d’occupation surarmée et d’une agressivité extrême d’un côté, et un mouvement intégriste qui, tout en étant déconnecté de la réalité, s’accroche maladivement au pouvoir et prétend être le défenseur du peuple palestinien. En attendant un miracle qui les sortirait de l’enfer dans lequel ils sont enfermés, les habitants de Gaza n’ont plus qu’un seul souci : se procurer de la nourriture et du carburant et, bien sûr, un peu de sécurité. Ce ne sont sûrement pas Khaled Mechaal, de son exil à Damas, ou Ismaïl Haniya, de sa cachette à Gaza qui vont leur offrir ces choses si simples, mais si difficiles à trouver à Gaza.

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