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Saturday, February 16, 2008

Du blocage à l'espoir

Cet article a été écrit au lendemain du changement politique du 7 novembre 1987 en Tunisie et publié dans le quotidien « La Presse » du lundi 9 novembre 1987.

Pendant des années, la Tunisie a vécu dans l’expectative, dans l’incertitude du lendemain. Paralysie, angoisse, sentiment d’impuissance, dépit murmuré mais vite refoulé étaient entretenus par les scénarios les plus invraisemblables. On prédisait le pire pour ce cher pays en cas de vacance subite du pouvoir. Il serait mis à feu et à sang, entendait-on dire ici et là. Il serait le « Liban du Maghreb » !...On était au bord de l’asphyxie, de l’étouffement. Les mécanismes psychologiques qui commandaient le refoulement s’essoufflaient chaque jour un peu plus. Les Tunisiens se regardaient hébétés. Ils étaient réduits à réagir au sort qui leur fut réservé par des sourires ironiques, des rictus, des hochements de tête suivis de soupirs… Comment en étions-nous arrivés là ?
La fin de règne exagérément longue était aggravée ces derniers mois par une incohérence déroutante. L’incohérence était telle qu’on était arrivé au sommet de l’Etat à décider une chose aujourd’hui et son contraire demain, le tout dans une atmosphère de confusion, d’intrigues et de manipulations souterraines. Si en Tunisie on ne savait plus sur quel pied danser, à l’étranger on nous scrutait avec un étonnement teinté de commisération.
Pourtant, notre peuple, dont les deux tiers ont moins de 30 ans ne mérite pas cela. Il ne mérite certainement pas qu’on le maintienne à longueur d’années accroché malgré lui à un passé révolu. Il ne mérite pas qu’on hypothèque son avenir au profit d’un passé aussi glorieux et aussi prestigieux fût-il.
Alors que plusieurs peuples sur terre regardaient devant eux et avançaient à pas de géants, on nous sollicitait chaque jour de regarder derrière nous au risque de nous retrouver figés.
L’incertitude face à l’avenir entretenait les appréhensions des entrepreneurs tunisiens et des investisseurs étrangers. Elle constituait un élément fondamental du blocage et enserrait les Tunisiens dans la routine des tâches quotidiennes accomplies sans véritable conviction, en tout cas sans espoir. Aucun espoir n’est perceptible pour ceux qui regardent derrière eux. C’était un peu notre cas. Le cas du peuple tunisien. Une situation d’autant plus intenable et paradoxale que nous avons atteint un niveau d’instruction et un niveau de scolarisation comparable à ceux des pays développés.
En accédant constitutionnellement à la magistrature suprême, le président Ben Ali vient d’ouvrir une large brèche dans l’impasse dans laquelle nous étions enfermés. Une formidable masse d’oxygène a aussitôt pénétré à travers cette brèche, mettant fin à l’étouffement, à l’angoisse, à l’incertitude. Du coup, comme si nous étions touchés par une baguette magique, nous nous sommes faufilés à travers cette brèche au grand air pour respirer à pleins poumons, et surtout nous nous sommes retournés pour regarder devant nous, fixer les horizons, scruter l’avenir.
La Tunisie a un nouveau président. Un jeune président. Même s’il n’avait rien promis, il aurait eu droit au préjugé favorable. Il se trouve que, dans sa première déclaration, le nouveau chef de l’Etat a fait des promesses capitales pour la vie de notre peuple :
- Un projet de loi sur les partis politiques. Cette promesse vise à faire participer les catégories sociales, jusque là exclues, à l’effort de développement du pays.
- Une réforme du Code de la presse. Cela permettra au peuple tunisien d’avoir à sa disposition une presse conforme à sa maturité et à son niveau d’instruction. Une réforme qui, nous l’espérons, permettra également à la presse d’oublier ses vieilles habitudes et d’enterrer ses réflexes, et surtout de devenir le fer de lance du développement politique et démocratique de la Tunisie.
Ces promesses se trouvent confortés par les propos encourageants du président Ben Ali : « L’époque où nous vivons ne peut plus souffrir ni présidence à vie, ni succession automatique à la tête de l’Etat desquelles le peuple tunisien se trouve exclu. Notre peuple est digne d’une vie politique évoluée et institutionnalisée, fondée réellement sur le multipartisme et la popularité des organisations de masse. »
Une chance dont on ne rêvait même pas il y a quelques jours nous est offerte. Sachons l’exploiter pour le bien du pays et du peuple en nous remettant au travail, mais avec conviction et espoir.


Hmida BEN ROMDHANE.
( Dimanche 8 novembre 1987)

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