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Saturday, February 13, 2010

Test du 11 février: Téhéran renforce sa position

Dans la chronique du 3 février intitulée « Iran : le test du 11 février », nous avons écrit ceci : « Les jours qui viennent, et en particulier le 11 février, sont d’une importance cruciale pour l’avenir de l’Iran. Si les festivités célébrant le 31eme anniversaire de la révolution khomeyniste se déroulent dans le calme, les autorités iraniennes renforceront leur position à la fois sur le plan intérieur vis-à-vis de l’opposition, et sur le plan extérieur au niveau des négociations relatives au dossier nucléaire. Si, au contraire, cette célébration tourne mal, les difficultés du régime iranien seront multipliées, et les pays occidentaux seront tentés d’enfoncer le clou en faisant preuve de plus d’intransigeance. »
Le test du 11 février a été plutôt favorable pour les autorités de Téhéran qui ont réussi à mobiliser massivement le peuple iranien et à le pousser à manifester bruyamment son soutien aux dirigeants de la République islamique. Ceux-ci ont parlé de manifestations ayant rassemblé « des dizaines de millions » d’Iraniens à travers le pays. Quand on sait que l’Iran compte 70 millions d’habitants, le chiffre avancé paraît fortement exagéré, mais il n’en demeure pas moins que le soutien au régime en place était substantiel, à en juger par les centaines de milliers de personnes présentes le 11 février à la place Azadi (Liberté en persan), agitant les drapeaux iraniens ainsi que les photos de Khomeiny et de Khamenei.
Il est vrai que l’opposition était réprimée, les journalistes étrangers empêchés de couvrir ses manifestations et les radios étrangères brouillées, mais il est tout aussi vrai que la grande capacité du régime de mobiliser ses partisans tranche avec la faible capacité de l’opposition de mobiliser les siens. Il y a trente et un ans, quand l’opposition iranienne était décidée à renverser le régime du Chah, ni la police, ni la Savak, ni encore l’armée, alors la plus puissante de la région, n’avaient pu l’empêcher de mener sa révolution jusqu’au bout. Aujourd’hui, le régime iranien est certes contesté, mais le test du 11 février a montré qu’il bénéficie d’un large soutien auprès du peuple et que sa fin, que certains ont imprudemment jugé proche, n’est pas pour demain.
Les dirigeants iraniens n’ont pas perdu de temps pour exploiter le succès des manifestations de soutien qu’ils ont organisées dans tout la pays. Le président Ahmadinejad, visiblement enchanté par la position de force dans laquelle il s’est brusquement trouvé et souriant à la foule qui l’acclamait, ne pouvait pas avoir une meilleure occasion pour annoncer que « les scientifiques iraniens commenceront dans les heures qui viennent à enrichir l’uranium à 20% ». Et s’adressant aux pays occidentaux, il leur a affirmé : « Je vous prie de prendre note et de comprendre que le peuple iranien est suffisamment courageux. S’il veut fabriquer une bombe, il l’annoncera clairement et la fabriquera. Il n’a pas peur de vous. Mais nous n’avons pas l’intention de fabriquer une bombe. »
Apparemment, l’Iran a un besoin urgent de l’uranium enrichi à 20% pour ses réacteurs expérimentaux et pour le traitement des « 850.000 patients » dans les hôpitaux et les cliniques iraniennes. Avant de décider de le faire lui-même, l’Iran a accepté que son uranium soit enrichi à l’étranger. Le désaccord n’était donc pas sur le principe, mais sur un détail : les Iraniens veulent donner leur uranium par petites quantités et au fur et à mesure de leur enrichissement. Les Occidentaux veulent tout l’uranium d’un coup. Quiconque à la place des Iraniens aurait nourri des doutes sur les véritables intentions occidentales. Pourquoi cette exigence suspecte de vouloir tout l’uranium d’un coup au lieu de l’enrichir par petites quantités successives ? Et si les pays occidentaux n’ont aucune idée derrière la tête, comment expliquer alors cet entêtement d’exiger que leur soit livrée d’un coup la totalité de l’uranium iranien ?
Maintenant, examinons de plus près la réaction américaine à la décision des autorités iraniennes d’enrichir elles-mêmes l’uranium dont elles ont besoin. Le porte-parole de la Maison blanche, Robert Gibbs a affirmé que les déclarations d’Ahmadinejad relevaient de la politique et non de la physique nucléaire : « Soyons francs, en ce qui concerne ce que dit M. Ahmadinejad, il dit beaucoup de choses dont une grande partie ne sont jamais confirmées par les faits. Nous pensons que l'Iran n'a pas la capacité d'enrichir (l'uranium) à ce degré ». Voilà ce qu’a dit textuellement le porte parole de la Maison blanche dont les propos ont été rapportés, entre autres, par l’Agence américaine Associated Press.
Selon la règle qui veut que celui qui ne peut pas le moins ne peut pas le plus, les Etats-Unis, forcément, ne peuvent pas croire non plus que les Iraniens aient la capacité d’enrichir l’uranium à 90%, condition indispensable à la fabrication des armes nucléaires, et donc ils n’ont pas la capacité de fabriquer de telles armes. Et si, selon la Maison blanche, les Iraniens n’ont pas la capacité de fabriquer des armes nucléaires, pourquoi tout ce tintamarre, toute cette énergie gaspillée et toute cette mobilisation occidentale pour s’opposer à quelque chose qui n’existe pas ?
Mais, en dépit de cela, les Etats-Unis, comme si de rien n’était, continuent de remuer ciel et terre pour durcir les sanctions contre l’Iran. On sait que les sanctions ne sont rien d’autre qu’une arme entre les mains des pays puissants pour obliger les pays faibles à se soumettre à leur volonté. Mais on sait aussi que ces sanctions n’ont jamais réussi à faire changer d’attitude les régimes visés, mais seulement à punir les peuples. Le cas de Cuba de 1960 à nos jours et le cas de l’Irak de 1991 à 2003 prouvent le caractère à la fois futile et impitoyable de ces sanctions. En dernière analyse, c’est le peuple cubain qui est toujours puni pour ne s’être pas révolté contre le régime de Fidel Castro. C’est le peuple irakien qui fut impitoyablement puni pour ne s’être pas révolté contre le régime de Saddam Hussein. Et c’est le peuple iranien qu’on s’apprête à punir plus sévèrement encore pour son soutien au régime en place.

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