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Wednesday, January 27, 2010

Israël, l'holocauste et le rapport Goldstone

Probablement depuis la création d’Israël, aucun document, aucun rapport aucune enquête d’ordre international n’a autant embarrassé les autorités de ce pays comme le rapport Goldstone sur la guerre de Gaza. Durant les longues décennies marquées par des guerres sanglantes, l’occupation incessante des terres, l’appropriation illicite des biens d’autrui et la violation permanente du droit international, Israël était si habitué aux résolutions et aux rapports mettant théoriquement en cause sa politique aberrante, qu’il recevait les condamnations continues avec un mépris qui ne s’est jamais démenti.
Israël a tenté au début la même chose avec le rapport Goldstone. A peine rendu public en septembre dernier, les autorités israéliennes ont traité comme d’habitude par le mépris les résultats de l’enquête du juge sud-africain, en espérant que le temps et la lassitude de l’opinion publique internationale finiront par enterrer ce rapport dans la fosse commune où reposent en paix les centaines de résolutions onusiennes et autres documents internationaux condamnant Israël.
Le Lobby israélien à Washington a même fait le nécessaire en donnant ses instructions habituelles, consistant à voter une résolution dans laquelle les représentants de la plus grande puissance du monde, comme d’habitude, ont conspué « les ennemis de la démocratie israélienne » et interpellé le chef de la Maison blanche pour qu’il fasse ce que « l’allié stratégique israélien » attend de lui. Et de fait, la Chambre des représentants a voté en novembre dernier une résolution par 344 voix contre 36, condamnant le rapport Goldstone et demandant au président américain de bloquer son examen par le Conseil de sécurité.
Cinq mois après sa publication, et en dépit des grands efforts déployés par Israël, son Lobby et le Congrès américain pour le faire oublier, le rapport Goldstone est toujours là, s’entêtant à ne pas se faire enterrer.
Les choses sont devenues d’autant plus embarrassantes et même inquiétantes pour les responsables politiques et militaires israéliens que l’arme classique de l’antisémitisme n’a cette fois dissuadé ni l’ONU ni le juge Richard Goldstone qui continuent d’exiger une « enquête sérieuse » sur les crimes commis à Gaza entre le 27 décembre 2008 et le 18 janvier 2009, sinon le dossier sera déposé sur le bureau des juges de la Cour pénale internationale de La Haye.
L’arme de l’antisémitisme a fait long feu cette fois, non seulement parce que le juge Goldstone est de confession juive, se réclamant l’ « ami d’Israël », mais parce qu’aussi et surtout cette arme est devenue grippée, rouillée et usée jusqu’à la corde à force d’être brandie pour un oui ou pour un non. A force d’être utilisée à tort et à travers. A force d’être mêlée à toutes les sauces. Les politiciens israéliens en ont fait une potion magique à laquelle ils font appel chaque fois qu’ils sont dans le pétrin.
Habitués à sortir rapidement du pétrin, les politiciens israéliens perdent cette fois les pédales et, ne sachant trop que faire, franchissent un pas de plus. L’accusation d’antisémitisme n’étant plus efficace, ils font appel à l’holocauste. Et c’est le ministre de l’information israélien, Yuli Edelstein, qui est chargé de la délicate besogne. S’adressant aux médias, Edelstein a étonné même ses compatriotes en affirmant sans rire qu’ « il y a un lien clair entre la critique de l’effort de guerre d’Israël et l’holocauste », et que la guerre de Gaza est « le plus récent conflit dans la bataille contre l’antisémitisme global ». En d’autres termes, ceux qui critiquent « l’effort de guerre » israélien ne sont pas seulement des antisémites, mais ils sont aussi pour « l’holocauste ». Et, si l’on en croit Edelstein, certains s’activent même à en créer d’autres en lançant « des milliers de missiles sur des civils israéliens »… Quant à la guerre contre Gaza, elle n’a rien à voir avec l’occupation et la violation incessante des droits de tout un peuple, mais relève de la « bataille contre l’antisémitisme global »…
De telles balivernes ne méritent même pas d’être commentées. Mais compte tenu du fait qu’Israël a choisi de les crier sur les toits en pleine commémoration de l’effroyable massacre des juifs à Auschwitz et autres camps nazis, des éclaircissements sont nécessaires.
Sans aucun doute l’holocauste est l’un des plus grands crimes commis dans l’histoire de l’humanité. Toute personne normalement constituée ne peut rester insensible au calvaire biblique infligé aux Juifs par une idéologie démoniaque. Seulement, ce crime effroyable fut commis contre les Juifs et non contre l’Etat d’Israël qui n’existait pas encore.
Il est immoral qu’Israël ait recours à l’utilisation de l’holocauste pour justifier des comportements politiques condamnés universellement. C’est une insulte à la mémoire des millions de victimes juives du nazisme quand les politiciens israéliens utilisent aujourd’hui leur effroyable calvaire pour justifier une politique d’occupation et de spoliation, et pour faire taire toute voix qui dénonce cette politique.
Israël s’est autoproclamé comme le gardien de la mémoire des victimes de l’holocauste et le défenseur de tous les Juifs dans le monde. Un tel statut ne s’autoproclame pas. Il se mérite.
Mais Israël ne mérite pas ce statut pour une raison très simple : On ne défend pas la mémoire des millions de victimes juives d’une tragédie effroyable en entretenant durant plus de 40 ans une tragédie terrifiante dont sont victimes des millions de Palestiniens.
Le fait que les nazis allemands aient produit dans les années trente du siècle dernier une idéologie inhumaine et l’aient mise en pratique, ne donne aucun droit à un Etat qui n’existe que depuis 1948 de confisquer par la force les territoires des autres. Pour mériter son statut autoproclamé de gardien de la mémoire des victimes de l’holocauste, Israël doit se reconvertir aux principes du droit et de la justice en acceptant de vivre dans les limites territoriales reconnues par la communauté internationale. Il n’est jamais trop tard de reconnaître sa faute. Les Palestiniens attendront le temps qu’il faut pour récupérer leurs terres, même si Netanyahu, après avoir planté lui-même symboliquement un arbre dans une colonie, a déclaré : « si nous plantons des arbres ici, cela veut dire que nous avons l’intention d’y vivre pour toujours. » La plantation d’un arbre ou même d’une forêt sur la terre d’autrui ne vaudra jamais titre de propriété.

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