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Monday, January 25, 2010

La politique n'est pas un perpétuel règlement de comptes

Il y a des hommes qui sont une véritable malédiction pour leur propre pays. L’Irakien Ahmed Chalabi est de ceux là. Il est l’un des premiers responsables du désastre qui frappe l’Irak depuis près de sept ans, et il semble déterminé à déployer toute son énergie pour que les troubles et l’instabilité se perpétuent.
Pour ceux qui l’ont oublié, rappelons qu’Ahmad Chalabi était le chouchou de George W. Bush à qui il ne donnait que de fausses informations, notamment sur la prétendue possession par Saddam de redoutables armes de destruction massive, et qu’il encourageait à intervenir en Irak où les soldats américains seront, assurait-il, reçus avec des fleurs et des danses populaires dans les rues de Bagdad.
Sans revenir sur les conséquences catastrophiques des conseils de Chalabi à Bush aussi bien pour l’Irak que pour les Etats-Unis, rappelons qu’en 2007 ceux-ci ont découvert avec consternation que leur « homme » travaillait aussi pour l’Iran. Donc un agent double.
Le plus étonnant est qu’en dépit des trahisons dont il s’est rendu coupable à la fois contre son pays et contre ses bienfaiteurs américains qui, durant des années, finançaient ses activités douteuses à coups de millions de dollars, Ahmed Chalabi est toujours un homme politique influent en Irak.
Etre un homme politique influent n’a rien d’extraordinaire, et l’Irak en a sans doute besoin pour se stabiliser. Encore faut-il que cette influence s’exerce dans un sens constructif et positif. Dans le cas de Chalabi, cette influence s’exerce dans un sens destructif, totalement négatif et extrêmement dommageable pour l’Irak et les Irakiens.
Chalabi est actuellement le président d’une institution qui s’autoproclame « Commission justice et intégrité ». On reste pantois à l’idée qu’un homme qui a fait preuve d’autant d’irresponsabilité vis-à-vis de son pays, et qui a travaillé à la fois pour les Américains et pour leurs ennemis iraniens, préside aujourd’hui une telle institution. Peut-on être optimiste pour l’avenir de l’Irak quand un homme aussi irresponsable et aussi peu intègre que Chalabi se trouve à la tête d’une institution qui décide qui est innocent et intègre et qui ne l’est pas ?
Passe encore si la Commission présidée par Chalabi se cantonne dans un rôle de distribution de certificats symboliques d’innocence et d’intégrité ou de blâmes de culpabilité et de duplicité sans conséquences sur la situation politique dans le pays. Mais ce n’est pas le cas.
Cette Commission est aujourd’hui au centre d’une grande crise politique qui risque de plonger le pays à nouveau dans le chaos.
Les Irakiens se préparent depuis quelques temps aux deuxièmes élections législatives dans le pays depuis l’invasion américaine, après celles de 2005, boycottées par 90% des électeurs sunnites. 6592 candidats de diverses obédiences ont déposé leurs candidatures pour ces élections prévues le 7 mars prochain. Or voilà que la Commission de Chalabi, qui n’a même pas été votée par le parlement et ne dispose d’aucune légitimité, s’arroge le droit de refuser la candidature de 511 personnalités irakiennes, sous prétexte qu’elles étaient membres du parti Baath.
Rappelons que si l’Irak a sombré en 2003 dans le chaos et l’anarchie, c’est essentiellement à cause de la décision désastreuse prise par le représentant de Bush à l’époque, Paul Bremer, et qui consistait à renvoyer chez eux des centaines de milliers d’employés et de soldats irakiens, sous prétexte qu’ils ont servi le régime baathiste déchu.
Beaucoup de responsables irakiens ne semblent avoir tiré aucune leçon de cette erreur américaine monumentale, dont le Premier ministre Nouri al Maliki lui-même qui approuve la décision de la Commission Chalabi d’exclure les 511 candidats. Le parti de Nouri al-Malilki a certes été banni par le régime baathiste de Saddam Hussein et forcé de s’exiler en Iran pendant des années. Sa décision aujourd’hui de soutenir l’exclusion du scrutin législatif d’anciens baathistes s’explique par un désir de vengeance incompatible avec ses responsabilités gouvernementales et son devoir de servir les intérêts de l’Irak, et surtout le plus importants d’entre eux : la réconciliation nationale.
Mais au sein de l’Etat irakien, tout le monde ne partage pas l’ardeur vengeresse de Maliki et Chalabi. Bien qu’il ait souffert lui aussi des exactions du régime baathiste, le président Jalal Talabani a pris le contre-pied du Premier ministre en exprimant son désaccord, et surtout en saisissant la Cour suprême pour qu’elle se prononce sur la légalité et la légitimité de la Commission que préside Ahmed Chalabi.
Les Américains, eux, sont pris entre deux feux. Leur haine du parti Baath les pousse à soutenir l’exclusion des candidats ayant des liens avec ce parti, mais leur peur d’un regain de violence si le scrutin du 7 mars prochain est boycotté par une majorité de sunnites les pousse à privilégier un compromis. Ce déchirement a été perceptible dans les déclarations du vice président américain, Joe Biden, dépêché par Obama à Bagdad pour aider à la résolution de la crise.
Il est pour le moins surprenant que les Etats-Unis, après tant d’erreurs commises en Irak, hésitent encore à prendre une position claire contre une décision dangereuse prise par une Commission présidée par quelqu’un qui les a roulés pendant des années et qui s’est avéré être un agent double. Tous les baathistes n’ont pas les mains couvertes de sang. Pour la plupart d’entre eux, appartenir au Baath était un moyen comme un autre de gagner sa vie et de subvenir aux besoins de la famille.
Après sept ans de chaos, le désir des anciens baathistes de s’intégrer dans le processus politique est plutôt un bon signe et un atout pour la réconciliation nationale irakienne recherchée par tous, sauf par ceux dont la petitesse empêche de voir que la politique est autre chose qu’un perpétuel règlement de comptes.

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