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Monday, February 01, 2010

Renonciation implicite

Sur un discours de 7500 mots, quelque 800 mots seulement ont été réservés à la politique étrangère, ce qui est un peu court pour une puissance qui assume des responsabilités mondiales, mène des guerres à des milliers de kilomètres du territoire américain et entretient des centaines de bases militaires à travers le monde. Même quand l’idéologie isolationniste était à son apogée, les présidents américains réservaient plus de place à leur politique étrangère dans leurs discours sur l’état de l’union que n’avait réservé le 27 janvier dernier Barack Obama dans le sien.
Les neuf dixièmes du discours d’Obama devant le Congrès ont traité des problèmes intérieurs des Etats-Unis, et ils sont nombreux : Crise économique grave, chômage à deux chiffres, dette faramineuse, déficits vertigineux et difficultés de faire adopter un système de sécurité sociale qui couvrirait les couches modestes de la société. Toutes ces questions ont été brillamment analysées et des solutions ont été proposées par un président dont la loquacité a suscité de nombreux applaudissements de la part des représentants du peuple américain.
La situation intérieure américaine n’est pas de tout repos pour Obama qui, dès son arrivée à la Maison blanche, n’a fait que colmater les brèches béantes provoquées par une crise économique et financière inconnue depuis 1929. Le taux de sa popularité est passé en un an de 70 à 50%, et le poste vacant de sénateur du Massachusetts a été remporté il y a quelques jours par le candidat républicain, ce qui est de mauvais augure pour les élections législatives partielles de novembre prochain. Ce sont sans doute ces raisons qui ont amené le président américain à réserver les neuf dixièmes de son discours à la politique intérieure.
Seulement, pour la superpuissance américaine qui n’a jamais fait mystère de ses ambitions planétaires et qui revendique haut et fort des responsabilités mondiales, la politique étrangère est au moins aussi importante que la politique intérieure, sinon plus. En effet, compte tenu du fait que de très larges secteurs de la politique intérieure relèvent de la responsabilité des Etats fédérés et des pouvoirs régionaux, on peut s’étonner que la politique étrangère, qui relève de la responsabilité exclusive du pouvoir fédéral, trouve aussi peu d’importance dans le discours du chef du président américain sur l’état de l’Union.
Expédier des problèmes aussi complexes que ceux des guerres d’Irak et d’Afghanistan, du terrorisme, des relations avec les pays amis et ennemis en 800 mots est une gageure. Ignorer totalement le plus important d’entre eux qui est la source de bien des problèmes, c'est-à-dire le conflit israélo-arabe, et ne pas l’aborder ne serait-ce que de manière allusive, équivaut à une renonciation, à une reconnaissance implicite de l’incapacité des Etats-Unis à faire avancer le processus de paix.
Il y a des signes multiples de cette reconnaissance implicite de l’impuissance des Etats-Unis face à la rigidité et à l’intransigeance d’Israël et de leur incapacité à faire entendre raison à ses gouvernants. D’abord le silence assourdissant gardé par Obama au sujet du gel des colonies après son entrevue avec Benyamin Netanyahu à Washington. Quelle conclusion peut-on tirer sinon que quand le Premier ministre israélien dit non, le président américain fait marche arrière. Ensuite, dans une récente interview au magazine « Time », Obama a dit : « C’est vraiment dur… et si nous avions anticipé quelques uns de ces problèmes politiques qui divisent les deux parties, nous n’aurions pas suscité d’aussi grandes attentes. » Enfin, ce problème étant « vraiment dur », Obama l’évacue tout simplement du discours annuel le plus important qu’un président américain puisse prononcer.
En d’autres termes, au lieu d’assumer ses responsabilités de chef de la plus grande puissance du monde, au lieu de tenir bon et faire les pressions nécessaires pour faire entendre raison aux Israéliens et servir ainsi les intérêts de son pays et ceux de la paix dans le monde, Obama fait marche arrière et jette l’éponge que nombre de ses prédécesseurs, confrontés à la même intransigeance israélienne, ont jeté avant lui.
Mais le problème avec les Etats-Unis est qu’ils reconnaissent implicitement qu’ils sont totalement impuissants de faire avancer le processus de paix, mais en même temps ils exigent qu’on les croit quand ils disent qu’ils sont en train de déployer tous leurs efforts pour faire régner la paix dans la région. Ils continuent donc d’envoyer Mitchell discuter avec les Israéliens, mais surtout avec les Palestiniens pour les obliger à revenir à la table des négociations.
Face au refus des Palestiniens, on parle maintenant de « menaces voilées » américaines de couper leur aide financière si les Palestiniens continuent à « s’entêter » dans leur refus de s’asseoir avec les Israéliens et discuter avec eux. Discuter de quoi si, comme l’a bien expliqué Saeb Erekat, « Netanyahu a dit ‘Non’ au gel des colonies, ‘Non’ au partage de Jérusalem, ‘Non’ aux frontières de 1967, ‘Non’ au retour des réfugiés. Et maintenant, il veut garder le contrôle de la vallée du Jourdain. »
Si face à ses « niet », les Etats-Unis baissent la tête et laissent faire, comment s’étonne-t-on que Netanyahu multiplie les « non » à toutes les demandes palestiniennes ? Pire, le Premier ministre israélien est arrivé à se convaincre qu’il a tout donné aux Palestiniens, mais que ceux-ci demeurent inflexibles et intransigeants. S’adressant mercredi dernier à la presse étrangère, Netanyahu a affirmé : « Les Palestiniens ont grimpé sur un arbre et ils aiment être là haut. Nous leur avons amené une échelle pour qu’ils descendent. Mais plus l’échelle est haute, plus ils montent encore. » Chef d’œuvre de mauvaise foi, mais vaine tentative de manipulation de l’opinion internationale qui sait parfaitement, et les nombreux sondages le prouvent, qui est la source de tous les maux au Moyen-Orient.

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