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Wednesday, February 03, 2010

Iran: le test du 11 février

L’année dernière, l’Iran a dit oui à une proposition franco-russe d’enrichissement de l’uranium iranien à l’étranger. Quelques jours après, les Iraniens font marche arrière sous le prétexte qu’ils n’ont aucune assurance que cet uranium, une fois enrichi, reviendrait en Iran. Hier, le président Ahmadinejad, à la surprise générale, annonça que l’Iran n’a aucun problème pour envoyer son uranium se faire enrichir à 20% à l’étranger, et que l’Occident en a fait « un problème pour rien ». Mais alors si cet uranium envoyé par l’Iran à l’étranger ne revient pas ? « Ce ne sera pas un problème », assure Ahmadinejad, « nous aurons prouvé au monde que nous avons raison, que l’AIEA n’est pas digne de confiance et que nous devons compter sur nous-mêmes. »
Ce changement brusque d’attitude de la part des autorités iraniennes s’explique à la fois par des raisons internes et externes. L’Iran a déjà lancé les festivités du 31eme anniversaire de la révolution islamique, mais redoute que la journée du 11 février ne soit exploitée par l’opposition pour mobiliser ses troupes et organiser des manifestations qui risquent de déraper.
En effet les risques de dérapage sont très probables compte tenu du fait que les deux parties, autorités et opposition, sont déterminées l’une à empêcher coûte que coûte les manifestations hostiles, et l’autre à crier coûte que coûte sa colère contre « la dictature » dans les rues des villes iraniennes. Les commentaires virulents de Moussavi sur les « échecs » de la révolution islamique et sur « les racines de la dictature » qui, 31 ans après la révolution, « sont toujours là », n’augurent rien de bon pour les jours à venir et ont de quoi inquiéter les autorités iraniennes.
Sur le plan extérieur, la décision américaine, prise cette semaine, d’installer des systèmes de défense anti-missiles au Koweït, aux Emirats Arabes Unis, au Qatar et à Bahreïn pour contrer « la menace iranienne », est perçue comme un signe de l’impatience de Washington de voir l’Iran traîner les pieds. Pour souligner encore plus leur détermination à passer du stade du discours à celui de l’action, les Etats-Unis ont également décidé de placer des missiles Patriot sur leurs navires de guerre dans le Golfe qui font face aux côtes iraniennes.
Partant de l’idée que l’Iran n’a strictement aucun intérêt ni aucune raison d’envoyer ses missiles sur le tête de ses voisins arabes, certains commentateurs et chercheurs, y compris dans les instituts américains, n’excluent pas l’idée que la vraie motivation de Washington est d’ « effrayer » les pays pétroliers du Golfe pour les inciter à commander plus d’armements encore.
Mais quelle que soit l’idée que les Américains ont derrière la tête, le constat qui s’impose est que deux ou trois jours après l’annonce par Washington de l’installation de ses systèmes de défense anti-missiles dans les quatre émirats du Golfe, Ahmadinejad rend public l’accord de son pays de céder à la principale exigence de l’Occident, et donc la relation de cause à effet ne peut pas être exclue.
Cela dit, on ne peut pas exclure non plus l’idée que l’Iran aurait quand même cédé sur la question de l’enrichissement de l’uranium à l’étranger même sans les missiles Patriot à ses portes, parce que pour Téhéran, actuellement, et c’est là une évidence, la priorité des priorités n’est pas le succès dans le bras de fer qui l’oppose depuis des années aux pays occidentaux, mais la maîtrise de la situation intérieure qui, avec la double radicalisation de la répression et des manifestations, semble évoluer d’une simple menace à l’ordre public à une menace aux fondements de la République islamique.
Si les autorités iraniennes, après avoir longtemps tergiversé, ont accepté que leur uranium soit enrichi dans les centrifugeuses françaises ou russes, c’est parce qu’elles se sont rendues à l’évidence que la double pression intérieure et extérieure qu’elles subissaient depuis un certain temps est devenue intenable, et qu’il fallait donc alléger la pression extérieure pour se concentrer en priorité sur la pression intérieure.
Les jours qui viennent, et en particulier le 11 février, sont d’une importance cruciale pour l’avenir de l’Iran. Si les festivités célébrant le 31eme anniversaire de la révolution khomeyniste se déroulent dans le calme, les autorités iraniennes renforceront leur position à la fois sur le plan intérieur vis-à-vis de l’opposition, et sur le plan extérieur au niveau des négociations relatives au dossier nucléaire. Si, au contraire, cette célébration tourne mal, les difficultés du régime iranien seront multipliées, et les pays occidentaux seront tentés d’enfoncer le clou en faisant preuve de plus d’intransigeance et en multipliant les exigences.

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