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Monday, November 23, 2009

Tony Blair dans le pétrin

Les Européens l’ont échappé belle. Ils ont choisi le Belge Herman Van Rompuy au poste de président de l’UE, et ils ont bien fait, même si Valéry Giscard d’Estaing ne cachait pas sa déception de ne pas voir élire un « George Washington européen », et même si Daniel Cohn-Bendit pestait contre cette élection qui a propulsé à la tête de l’Europe « un président fade ».
Ils ont bien fait, car s’ils avaient choisi le candidat britannique Tony Blair, ils seraient maintenant dans le pétrin. Si elle avait eu lieu, une telle élection aurait alors coincidé avec la publication de documents en possession de la commission d’enquête qui prépare un rapport sur la participation du Royaume Uni à la guerre d’Irak et dont les auditions de responsables politiques et militaires britanniques commencent mardi 24 novembre. Et ces documents sont tellement accablants que si Blair était élu, l’Europe se serait retrouvé avec un président qui traîne derrière encore plus de casseroles bruyantes qu’il n’avait traînées jusque là.
L’UE l’a donc échappé belle car, n’en déplaise à Cohn-Bendit, mieux vaut un président « fade » qu’un président dont les mensonges et les duperies sont désormais consignés dans leurs détails les plus sordides dans des documents rendus publics par « The Sunday Telegraph » dans son édition du 22 novembre.
Le 16 juillet 2002, apprend-on dans ces documents, le président de la Commission des affaires étrangères de la Chambre des Communes, Donald Anderson, posa clairement la question à Tony Blair, alors Premier ministre : « Sommes nous en train de nous préparer pour une possible action militaire en Irak ? » Blair répondit tout aussi clairement : « Non, on n’a pas pris de décisions concernant une action militaire. »
Cette réponse était un mensonge caractérisé puisque, d’après les documents en possession de la Commission d’enquête, « la planification pour le déploiement (des troupes britanniques en Irak) a commencé en février 2002 ». Donc au moment où l’ancien Premier ministre britannique répondait « Non » à la question du président de la Commission des affaires étrangères, il se préparait déjà à la guerre à côté de son ami George Bush depuis au moins cinq mois, faisant fi de l’opposition exprimée haut et fort par l’opinion publique britannique, par la majorité des pays du monde et par les principales instances internationales.
Mieux encore, deux semaines avant la réponse négative de Blair, le 28 juin 2002 exactement, les responsables du Central Command américain (Centcom) avaient tenu une conférence sur la planification de la guerre avec leurs alliés britannique et australien. Le 13 août 2002, toujours selon ces documents, le comandant du Centcom, le général Tommy Franks, décida que les troupes britanniques envahiront l’Irak par le nord, c'est-à-dire par la Turquie.
Notons ici que la Turquie fut incluse dans les préparatifs de la guerre sans que les planificateurs n’aient pris la peine d’attendre son accord. Le refus des autorités turques de laisser des armées étrangères utiliser leur pays pour envahir l’Irak avaient accru les difficultés de Tony Blair qui, dans le secret et la précipitation, se trouva obligé de changer la destination de ses troupes de la Turquie au Koweït.
Mais ce n’est pas le plus grave. Le secret que Blair était obligé de garder allait avoir des conséquences désastreuses sur la conduite de la guerre par les soldats britanniques. Préparant l’invasion dans le secret, Blair ne pouvait ni commander l’armement nécessaire à temps ni envoyer les premiers contingents dans des avions de transport militaires. Chose extraordinaire, Blair avait eu recours aux vols civils réguliers entre Londres et le Koweït pour envoyer ses premiers soldats qui étaient obligés d’enregistrer, avec les passagers ordinaires, armes, munitions et bagages. Evidemment les services de contrôle de l’aéroport londonien ont tout confisqué aux pauvres soldats, y compris « les couteaux et les coupe-ongles, les briquets et les allumettes ».
Les préparatifs étaient si chaotiques que certains soldats envoyés pour faire la guerre n’avaient reçu « que cinq cartouches chacun », déplorait le lieutenant-colonel Dunn, cité par les enquêteurs. Le sous-équipement des soldats à tous les niveaux était tel que « le vol à grande échelle pouvait devenir institutionnalisé, puisque les commandants d’unités et de sous-unités regardaient ailleurs quand ils n’encourageaient pas les raids organisés contre d’autres unités pour faire face à la pénurie »…
Le pillage pendant la guerre est la chose la plus courante et la plus banale. Mais le pillage à grande échelle entre unités d’une même armée combattant le même ennemi, restera sans doute dans les annales.
Pour récapituler, Tony Blair a menti sur la question des armes de destruction massive, a menti sur les préparatifs de la guerre, est allé à l’encontre de l’exigence de paix formulée par la majorité des Britanniques, a méprisé l’opinion publique internationale et envoyé en guerre des unités de soldats si démunies qu’elles n’ont eu d’autre choix que de se piller les unes les autres.
Tony Blair sera convoqué au début de l’année 2010 pour s’expliquer devant la commission d’enquête qui a promis « un rapport indépendant et objectif ». Son « témoignage » est impatiemment attendu, car tout le monde se demande comment se prendra-t-il pour justifier les mensonges, les duperies et, pour tout dire, les crimes qu’il a commis à l’égard de son pays et de l’Irak.
Mais le plus extraordinaire est qu’un homme avec un curriculum vitae entaché d’autant de scandales et de détails sordides n’hésite pas à présenter sa candidature pour présider l’une des plus prestigieuses institutions de la planète, l’Union Européenne qui, encore une fois, l’a échappé belle.

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