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Monday, August 03, 2009

Ils se trompent d'adresse

N’ayant pu obtenir d’Israël un simple gel de la colonisation des territoires palestiniens, les Etats-Unis se tournent maintenant vers les Arabes pour les presser de « faire un geste spectaculaire envers Israël ». Ils se sont mis dans l’étonnante situation de ce médiateur qui, n’ayant pu convaincre l’agresseur d’arrêter ne serait-ce que momentanément ses agressions, se tourne vers l’agressé et le presse de sourire et de faire quelques courbettes qui pourraient peut-être attendrir l’agresseur et le rendre moins belliqueux.
Depuis la mi-juillet, nous assistons à une véritable campagne à laquelle participent le département d’Etat, la Maison blanche et le Congrès et dont le but consiste à multiplier les pressions sur les pays arabes pour les amener à faire plus de concessions encore à Israël. Car visiblement les innombrables et substantielles concessions faites par les Arabes à Israël depuis le Congrès de l’OLP à Alger en 1989 ne semblent suffisantes ni pour le pays qui occupe les terres palestiniennes et syriennes depuis plus de 42 ans, ni pour celui qui veut jouer les médiateurs impartiaux mais n’arrive toujours pas à s’affranchir de son penchant exagérément prononcé pour la partie israélienne.
Cette campagne de pressions qui vise le monde arabe a été inaugurée par la secrétaire d’Etat Hillary Clinton le 15 juillet dernier quand elle a appelé de Washington les Arabes à « prendre des mesures pour améliorer les relations avec Israël et de préparer leur opinion à embrasser la paix et accepter la place d'Israël dans la région ». A cette occasion, la secrétaire d’Etat a gardé un silence assourdissant sur le refus d’Israël d’arrêter de construire des maisons pour ses colons sur les terres palestiniennes occupées, renouant ainsi très vite avec la complaisance et la partialité habituelles avec l’occupant : « Nous attendons des actes de la part d'Israël, mais nous reconnaissons que ces décisions sont difficiles politiquement", a déclaré Mme Clinton. "Et nous savons que les progrès vers la paix ne sont pas de la seule responsabilité des Etats-Unis ou d'Israël » !
A un certain moment, le président Obama a donné l’impression de vouloir presser sérieusement Israël pour l’amener à accepter sa demande de gel de la colonisation. Les protestations virulentes exprimées en Israël par la classe politique, les colons et les ultra-orthodoxes ont apparemment intimidé la Maison blanche au point que son envoyé spécial au Proche-Orient, George Mitchell, lors de sa dernière tournée dans la région a changé de registre et de langage. En effet le lundi 27 juillet, après sa rencontre avec le président égyptien Hosni Moubarak, George Mitchell, oubliant les colonies et le refus israélien d’arrêter leur extension a jugé utile d’exhorter les pays arabes à « faire des gestes positifs envers Israël ». L’objectif étant, selon l’envoyé spécial de la Maison blanche, de « créer l’environnement propice à des négociations de paix générales »…
Le pouvoir législatif américain n’est pas resté à l’écart de cette campagne de pressions sur les pays arabes, loin de là. Le Congrès des Etats-Unis est entré en force dans la danse en mobilisant pas moins de 200 de ses membres pour cette campagne. Dirigés par le démocrate Brad Sherman et le républicain Ed Royce, ce nombre impressionnant d’élus américains a concentré ses pressions sur l’Arabie Saoudite. Dans une lettre au roi Abdallah datée du 31 juillet, les 200 signataires ont écrit ceci : « Nous vous exhortons à exercer un rôle dirigeant fort et à contribuer à mener le Proche-Orient vers une nouvelle ère de paix et de réconciliation en faisant un geste spectaculaire envers Israël »…
Il faut rappeler ici que le « geste spectaculaire », le roi saoudien l’a fait en 2002 en mettant sur la table des négociations sa fameuse initiative de paix qui préconise une restitution des terres occupées par Israël, et en contre partie le monde arabe et musulman normalisera ses relations avec ce pays. Tout Etat normal et doté d’une intelligence politique élémentaire aurait sauté sur l’occasion pour s’engouffrer dans la brèche afin de permettre à son peuple et à son armée d’enterrer la hache de guerre et de goûter enfin aux délices de la paix. Israël, lui, n’a même pas daigné répondre à l’initiative saoudienne. Il l’a ignorée et les Etats-Unis le savent.
Mais au lieu de presser sérieusement Israël et de le contraindre à ne pas rater la belle occasion offerte par l’initiative saoudienne, l’Amérique se tourne vers les pays arabes et leur demande encore des « gestes spectaculaires ». Les pays arabes n’ont plus la moindre concession à faire parce qu’ils sont allés déjà très loin dans cette voie. Mais, de toute évidence la partie israélienne est insatiable et rien ne semble la satisfaire sinon le beurre et l’argent du beurre.
Les pressions exercées sur les pays arabes sont inutiles parce que, il faut bien insister ici, ils ont fait toutes les concessions possibles et tous les gestes imaginables. En vain. Mais ces pressions sont surtout dangereuses, car elles ne servent finalement qu’à encourager l’intransigeance d’Israël et à nourrir ses illusions qu’avec l’aide de l’Amérique, les Arabes finiront par accepter de donner le beurre et l’argent du beurre, c'est-à-dire renoncer à réclamer les territoires occupés et s‘engager dans le processus de normalisation politique, diplomatique et économique avec leur ennemi.
Dernière observation : l’exhortation faite par Mme Clinton aux gouvernements arabes de « préparer leurs peuples à embrasser la paix » est pour le moins surprenante. Là aussi, elle se trompe d’adresse, car le monde entier sait parfaitement bien quel peuple doit être préparé à embrasser la paix. Les Arabes qui, depuis des décennies, proposent la paix en contre partie de la restitution de leurs terres occupées, ou les Israéliens qui depuis décennies ne font qu’élire des gouvernements agressifs et belliqueux, et ont même assassiné Yitzhak Rabin quand ils ont vu qu’il était déterminé à enterrer la hache de guerre ?

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