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Saturday, August 01, 2009

En attendant le réveil de la Raison

Pour oser prendre en exemple les talibans afghans, il faudrait être d’un niveau bien plus lamentable. Le groupe de terroristes nigerians qui se réclame des talibans s’est donné un drôle de nom : « Boko haram », ce qui veut dire en langue haoussa l’enseignement de la culture occidentale est illicite. Il est clair que leur chef Mohamed Yusuf ne connaît ni la culture occidentale ni la culture musulmane, autrement, il n’aurait pas ridiculisé son mouvement et ses partisans en les affublant d’une telle appellation et n’aurait pas bêtement provoqué leur écrasement après cinq jours de violence inouîe.
Le drame de la fin du mois de juillet qui a ensanglanté le Nigeria, le plus grand pays d’Afrique par la population, trouve son origine dans cette combinaison de fanatisme messianique et d’ignorance aveugle d’un groupe de jeunes qui se croient choisis par Dieu pour mettre les gens sur la bonne voie.
Si le chef des talibans nigerians avait pris la peine d’étudier les civilisations occidentale et musulmane, s’il en avait les moyens intellectuels, il aurait su que ces deux grandes civilisations s’étaient largement influencées l’une l’autre et avaient largement contribué toutes deux à l’accumulation du savoir humain et au développement des sciences et des techniques, y compris les armes que l’illuminé Mohamed Yusuf et ses partisans utilisaient pour massacrer quiconque ne partageait pas leur fanatisme et leur ignorance.
Le drame provoqué par les talibans nigerians a causé en cinq jours seulement la mort de 600 personnes et des destructions à grande échelle, sans parler des blessés et des déplacés. Un drame gratuit auquel aucun sens politique ou stratégique ne peut être attribué. C’est une orgie de violence nihiliste à travers laquelle ses initiateurs imaginaient être en mesure de réaliser des objectifs politiques, mais qu’en réalité ils ne faisaient que commettre un suicide collectif.
Fanatisés à l’extrême, ils estimaient pouvoir affronter victorieusement n’importe quelle force militaire puisqu’ils croyaient dur comme fer que le Dieu qui les a choisis pour servir ses desseins sur terre ne peut pas ne pas leur assurer la victoire contre les « infidèles ». Car pour les talibans afghans, pakistanais ou nigerians, tout comme pour Ousama Ben Laden et les gens d’Al Qaida, quiconque mettrait en cause cette violence nihiliste ou se scandaliserait face aux attentats suicide commis dans les mosquées ou sur des marchés bondés est un … « infidèle ».
Ce qui vient de se passer au Nigeria cette semaine est une répétition en accéléré du drame qu’avait connu durant 105 jours le Liban pendant l’été 2007 dans le camp de réfugiés palestiniens de Nahr el Bared et qu’avait provoqué le mystérieux groupe terroriste Fateh el Islam et son chef Chaker el Absi. Seuls le contexte, l’ethnie et la durée des événements diffèrent. Tout le reste est d’une similitude étonnante.
Illustres inconnus avant le déclenchement des drames, le terroriste arabe Chaker el Absi et son alter ego nigerian Mohamed Yusuf, étaient aussi fanatiques et aussi illuminés l’un que l’autre. L’un et l’autre avaient cette capacité qu’ont les grands démagogues d’influencer les simples d’esprit et de les traîner dans des activités suicidaires dont ils ne connaissaient ni les tenants ni les aboutissants si ce n’est qu’ils étaient investis d’une « mission divine » et que des vierges les attendaient impatiemment là haut en cas de mort dans la bataille contre les « infidèles ».
Mais le plus important à noter est que Chaker el Absi et Mohamed Yusuf avaient tous deux bénéficié d’un contexte de pauvreté, d’ignorance et de désespoir, l’un à Nahr el Bared au Liban, l’autre au nord est du Nigeria, deux endroits où la vie quotidienne du commun des mortels n’est pas de tout repos. Pour entraîner les milliers de jeunes désespérés dans leurs missions suicidaires, ils avaient profité des conditions de vie infernales dans le camp de réfugiés palestiniens au Liban et dans les provinces désolées du Nigeria en leur promettant un au-delà paradisiaque, accessible seulement à ceux qui s’engagent dans la « bataille décisive » contre les « ennemis de Dieu » en Occident bien sûr, mais aussi contre tous ceux qui s’opposent à leur nihilisme violent parmi les musulmans.
Le problème est que les émules de Chaker el Absi et de Mohamed Yusuf sont frappés d’une incapacité congénitale de tirer les leçons des échecs de Fateh el Islam et de Boko Haram parce que leur activisme n’est pas basé sur une logique politique classique, mais sur des paramètres propres au fanatisme religieux et des impulsions irrationnelles qui rendent impossible toute réflexion objective sur l’opportunité et les conséquences d’une action violente d’envergure qui entraînerait forcément la mort d’innocents.
Les irruptions soudaines de violence à Nahr el Bared et dans les provinces du nord-est du Nigeria pendant les étés de 2007 et de 2009 ne seront sans doute pas les dernières auxquelles nous assistons en ces temps où la Raison sommeille et où l’irrationnel a le vent en poupe. D’autres illuminés mèneront d’autres missions suicidaires. Ils ne menaceront pas d’effondrement l’environnement social et politique dans lequel ils évoluent de par la méfiance et le mépris qu’ils inspirent aux larges couches des populations, mais ils entraîneront dans leur suicide collectif la mort de dizaines ou de centaines d’innocents.
Que faire en attendant le réveil de la Raison ? Dans l’immédiat rien sinon la mobilisation des moyens de défense classique (armée, police et services de renseignements). C’est dans le long terme que tout travail favorisant le réveil de la Raison doit se faire suivant deux axes principaux : l’éducation et la lutte contre la pauvreté et l’injustice. Le problème avec ce travail de longue haleine est que tous les gouvernements du monde reconnaissent son importance vitale, mais peu y consacrent les efforts et les moyens nécessaires.

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