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Thursday, April 23, 2009

Obama entre le marteau et l'enclume

George Bush a mis sept ans pour se rendre compte qu’il lui fallait faire quelque chose pour le conflit israélo-arabe. En novembre 2007, il a organisé une conférence à Annapolis. L’encre du communiqué final n’a pas encore séché qu’Olmert lui faisait subir une humiliation en annonçant de nouvelles constructions de colonies en Cisjordanie. Son ultime tentative de faire oublier ses graves échecs…échoua et le problème fut légué à son successeur.
Obama n’a pas l’air d’attendre les derniers mois de son mandat, comme l’ont fait Bush en 2007 à Annapolis et Clinton en 2000 à Camp David, pour s’occuper de la question palestinienne. Et c’est d’autant plus remarquable que le nouveau président américain a déjà sur les bras la plus grande crise économique qui affecte les Etats-Unis depuis celle de 1929.
Les hasards ne font pas toujours bien les choses. Les hasards électoraux ont placé à Washington et à Tel Aviv des dirigeants politiques qui sont loin d’être sur la même longueur d’onde. Pour une fois qu’il y ait à Washington une équipe qui s’active à réaliser le rêve de deux Etats vivant côte à côte et à éloigner ainsi le plus grand danger qui menace la paix dans le monde, les Israéliens ont choisi de mettre en place une équipe dirigeante atteinte de constipation politique, s’activant par tous les moyens à maintenir le statu quo, en attendant que le vent du changement qui balaie les Etats-Unis se calme.
La nouvelle équipe israélienne, menée par le duo Netanyahu-Lieberman, s’inquiète déjà. Sa première rencontre, il y a quelques jours, avec le chef des renseignements militaires israéliens, Amos Yadlin, n’est pas de nature à apaiser cette inquiétude. Selon le quotidien israélien « Haaretz », Yadlin a affirmé au cours de cette première rencontre que « la politique moyen-orientale du président Barack Obama pourrait mettre en danger Israël ». Le chef des renseignements militaires israéliens soutient cette grave accusation par les constats suivants : 1- « Obama veut faire avancer le processus de paix en se préparant à des discussions réalistes avec les éléments extrémistes » ; 2- « le changement surprenant du Hamas qui veut maintenant arriver à un accord de paix avec Israël. »
Jamais l’idée que la paix est un danger pour Israël n’a été exprimée avec autant de franchise. Plusieurs commentateurs dans le monde, y compris l’auteur de ces lignes, ont, à maintes reprises, exprimé leur étonnement face à la peur bleue qu’éprouve Israël de la paix. Voilà que cet étonnement n’est plus basé seulement sur l’analyse, mais aussi sur l’aveu du chef de l’une des plus importantes institutions de l’establishment israélien.
En fait, tout le monde veut vivre en paix, y compris les Israéliens. Seulement la conception israélienne de la paix est trop différente de celle de la communauté internationale. Pour celle-ci, la paix doit avoir pour base le droit qui interdit la confiscation des terres d’autrui par la force. La solution existe depuis longtemps. Elle a été fournie il y a plus de quarante ans par les résolutions 242 et 338 du conseil de sécurité de l’ONU.
Israël a une autre conception de la paix qui n’a rien à voir ni avec le droit ni avec le compromis. La « pax israeliana » dont rêve Tel Aviv est indissociable du rêve sioniste qui revendique un « Eretz Israël » pour le seul peuple juif. Et à force de mentir à eux-mêmes, à force de s’imbiber du mythe de la Terre promise, les Israéliens sont devenus convaincus que toute la Palestine leur appartient et que, pour eux, il y a effectivement des territoires occupés, et l’occupant est bien sûr le Palestinien qu’ils vont s’employer à annihiler par tous les moyens à leur disposition, et principalement les moyens militaires. La violence terrifiante que les Israéliens ont déchaînée contre les Palestiniens à Djénine en 2002 et à Gaza il y a deux mois, cache mal leur désir pathologique de voir ce Palestinien disparaître de la face de la terre. Golda Meir est allée jusqu’à « chosifier » le peuple palestinien affirmant avec emphase qu’ « une telle chose n’existe pas ».
La peur de la paix qui empoisonne la vie des Israéliens a donc des bases mythologiques et idéologiques. La paix signifie pour eux à la fois la fin du mythe de la Terre promise et la faillite de l’idéologie sioniste et l’évaporation du rêve qu’elle entretient depuis plus d’un siècle.
C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre la méfiance que la classe politique israélienne éprouve à l’égard de la nouvelle équipe à Washington. C’est dans ce cadre qu’il faut placer l’intervention du chef des renseignements militaires israéliens si l’on veut comprendre son inquiétude vis-à-vis de la nouvelle administration américaine, dont la politique « pourrait mettre en danger Israël », comme il dit.
Obama est décidé à aller de l’avant. Après avoir reçu mardi à la Maison blanche le roi Abdallah de Jordanie, le président américain a invité séparément les présidents égyptien et palestinien ainsi que le Premier ministre israélien. Avec les deux premiers il ne trouvera pas de difficultés. Avec Netanyahu, les choses risquent de se passer très mal pour une raison simple : ils ne parleront pas le même langage et seront chacun sur une onde différente. Ils ne s’entendront pas parce qu’Obama sera animé par un raisonnement politique et Netanyahu par l’idéologie sioniste et le mythe de la Terre promise. Un dialogue de sourds n’est pas exclu et le président américain risque de se retrouver entre le marteau et l’enclume, c'est-à-dire entre un gouvernement israélien constipé et décidé à rester immobile, et un lobby pro-israélien à Washington qui lui met les bâtons dans les roues.

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