airelibre

Tuesday, July 15, 2008

Le mot est lâché

Le temps presse et l’administration de George W. Bush n’arrive toujours pas à provoquer quelque événement heureux avec lequel elle clôturerait le 20 janvier prochain son double mandat désastreux sur le plan de la politique étrangère bien sûr, mais aussi sur celui de la politique intérieure.
En plus des mauvais souvenirs laissés au niveau de la gestion de la catastrophe naturelle de l’ouragan Katrina et des violations de nombreuses lois américaines, dont des règles constitutionnelles, cette administration s’apprête à quitter la scène en laissant derrière elle une situation économique très difficile que l’Amérique, selon de nombreux analystes, n’a pas connu depuis la crise de 1929. Le spectre de la faillite hante de nombreuses banques et des fleurons de l’industrie américaine, comme General Motors, sont au bord de la banqueroute.
Après la crise provoquée par la faillite de la banque Bear Stearns en mars dernier, sauvée in extremis par l’intervention de la réserve fédérale, celle-ci s’apprête à nouveau à intervenir massivement en utilisant encore une fois l’argent du contribuable pour sauver les deux plus grandes institutions financières américaines de crédit immobilier, Fannie Mae et Freddie Mac. Des centaines de milliards de dollars vont permettre de maintenir à flots ces deux immenses banques, ce qui équivaut à une nationalisation déguisée. Suite à la décision de la réserve fédérale américaine d’acheter massivement les actions de ces deux banques, Josh Rosner, directeur d’une société d’analyse financière new yorkaise s’est exclamé : « Bienvenue dans l’Etat socialiste ! » Un paradoxe pathétique de l’administration ultralibérale et ultraconservatrice de George Bush qui se trouve obligée à la fin de ses jours de nationaliser de fait des banques, même si le terme « nationalisation » n’existe pas dans le langage politico-économique américain.
Sur le plan intérieur donc, pas la moindre petite bonne nouvelle à se mettre sous la dent, et les citoyens américains semblent résignés à payer le prix de leur décision d’élire à deux reprises un pouvoir exécutif dont la compétence et la clairvoyance sont loin d’être ses qualités premières. Fidèle à son habitude de ne reconnaître aucune réalité qui lui est défavorable, l’administration Bush nie toute difficulté économique. L’un de ses membres a qualifié récemment la crise économique de purement « mentale », qualifiant au passage les Américains de « nation de geignards ».
Sur le plan de la politique étrangère, la situation est plus désastreuse encore. Le « léger mieux » en Irak est en train de se traduire par une aggravation de la guerre d’Afghanistan, et l’on assiste actuellement au flux inverse des combattants islamistes qui, selon l’armée américaine, « se bousculent » maintenant à la frontière poreuse afghano-pakistanaise.
L’un des rêves de cette administration est d’arrêter Osama Ben Laden avant le 20 janvier 2009. C’est pour tenter de le réaliser que Washington a tout fait pour convaincre Islamabad d’une coopération militaire pakistano-américaine dans les zones tribales du Waziristan où se cacheraient Ben laden et ses hommes. En vain. Pire encore, les autorités pakistanaises ont signé la semaine dernière un « pacte » avec les islamistes pakistanais, ce qui rend plus problématique encore une éventuelle arrestation du « terroriste mondial n°1 » et quasi-impossible pour l’administration Bush d’en faire son ultime trophée.
« Démonétisé », comme le qualifie déjà la presse occidentale, de plus en plus figurant et de moins en moins acteur dans les grands forums internationaux, le régime de George Bush vit ses derniers mois dans la frustration et l’amertume engendrées par ses rêves brisés. Mais il vit aussi dans la crainte de la concrétisation des cauchemars qui donnent des insomnies à plusieurs de ses membres.
En effet, le mot est lâché. La grave accusation de « crimes de guerre » ne provient plus seulement des milieux américains opposés depuis le début à la politique de George Bush, mais aussi de l’establishment lui-même et de l’organisation internationale la plus neutre et la plus impartiale du monde, le Comité International de la Croix Rouge (CICR).
Le général Antonio Taguba a fait partie de l’establishment politico-militaire de Washington qui lui a confié, en 2004, la responsabilité de l’enquête sur le scandale des tortures des prisonniers irakiens d’Abou Ghraib. Général deux étoiles à l’époque, Taguba ne pouvait, de par la loi américaine, soumettre à son enquête plus gradé que lui, et c’est pour cette raison qu’officiellement quelques soldats, un lieutenant-colonel et un colonel ont été mis en cause dans cette affaire. Mercredi dernier le général Taguba a fait la déclaration suivante : « Après des années d’investigation, d’enquêtes des médias et de rapports d’organisations de défense des droits de l’homme, il n’y a plus aucun doute l’administration Bush a commis des crimes de guerre ».
Un autre membre de l’establishment, Larry Wilkinson, ancien chef de cabinet de l’ancien secrétaire d’Etat Colin Powell, a, lui, carrément conseillé à de hauts responsables ayant servi l’administration Bush, dont l’ancien ministre de la justice, Alberto Gonzales, de ne pas quitter les Etats-Unis : « Hayenes, Feith, Yoo, Bybee, Gonzales et Addington ne devraient jamais voyager en dehors des Etats-Unis, sauf peut-être en Israël. Ils ont enfreint la loi ; ils ont violé le code de leur éthique professionnelle. Un jour, quelque gouvernement pourrait instruire un acte d’accusation et les traîner en justice devant une cour étrangère ou une cour internationale. »
Enfin, le CICR a rédigé l’année dernière un rapport secret dans lequel ses enquêteurs concluent que « la torture pratiquée au cours des interrogatoires menés par la CIA dans les prisons d’Abou Ghraib et de Guantanamo pourrait rendre les responsables de l’administration Bush qui l’ont approuvée coupables de crimes de guerre. » Une chose est certaine : le CICR ne parlerait jamais à la légère et ne prendrait pas de risque avec l’un de ses plus grands donateurs s’il n’avait pas de preuves solides.

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