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Tuesday, July 08, 2008

G8 : les sommets se suivent et se ressemblent

Les sommets des pays riches ont l’air d’un réflexe estival qui se répète au fil des ans sans que l’on constate le moindre résultat concret sur quelque niveau que ce soit. Sur le plan de l’aide au développement et sur le plan climatique, les promesses non tenues et les engagements ignorés sont devenus les deux principales caractéristiques des réunions rituelles des pays riches. Le grand paradoxe de ces sommets est qu’ils sont à la fois une grande opportunité de gaspillage d’argent par le luxe débordant et les grandes fanfares qui les accompagnent d’un côté, et, de l’autre, une occasion de montrer la grande cupidité des riches qui n’ont pratiquement jamais tenu une promesse ou un engagement jusqu’au bout.
Pour prendre deux exemples simples, disons que si l’on prend en compte seulement les dépenses de sécurité, on constatera que l’Allemagne a déboursé l’année dernière au sommet de Heiligendamm 186 millions de dollars en deux jours et le japon a déboursé cette année pour l’actuel sommet de Toyako, plus de 250 millions de dollars.
Côté promesses, il faut rappeler ici que pendant le sommet de Gleneagles (Ecosse) de 2005, les riches avaient promis d’augmenter l’aide au développement aux pays pauvres de 50 milliards de dollars jusqu’en 2010. Alors que cette promesse reposait sagement dans les tiroirs, une autre a fait les grands titres de l’actualité l’année dernière au sommet de Heiligendamm en Allemagne : les riches, a-t-on appris alors, ont promis de verser 60 milliards de dollars pour combattre le sida, la tuberculose et le paludisme en Afrique. Et l’on a appris hier de source diplomatique occidentale que la déclaration finale, prévue aujourd’hui mercredi, allait "rappeler et réaffirmer tous les engagements de Gleneagles, avec les chiffres"…
Les promesses occidentales d’aide au développement ressemblent à un plan d’eau dans le désert que les assoiffés poursuivent et que plus ils avancent, plus le plan d’eau recule. Pire encore, et plusieurs ONG le confirment, après les opérations d’addition et de soustraction requises, le constat est brutal : le résultat net de transfert d’argent entre pays riches et pauvres est en faveur de ceux-là.
En quoi le sommet qu’accueille actuellement la ville de Sapporo dans le complexe luxueux de Toyako diffère-t-il des précédents. Deux traits le distinguent. D’abord, il se tient dans ce qu’il est convenu d’appeler une véritable crise mondiale caractérisée par l’envolée incontrôlable des prix du pétrole et des denrées alimentaires, mais aussi par des difficultés économiques et financières qui pèsent de plus en plus lourdement sur pratiquement tous les pays du monde, y compris bien sûr les plus riches d’entre eux. Ensuite, ce sommet a lancé des invitations à sept pays africains dont les chefs d’Etat étaient conviés à suivre les travaux de leurs homologues du G8. Il s’agit de l’Afrique du sud, de l’Algérie, de l’Ethiopie, du Ghana, du Nigeria, du Sénégal et de la Tanzanie.
Il était prévisible que le G8 et les invités africains du « G7 » allaient diverger sur pratiquement tous les sujets abordés. Après le discours d’ouverture du Premier ministre japonais, Yasuo Fukuda, dans lequel il a vanté le doublement par son pays de l’aide à l’Afrique, le Président sénégalais, Abdulaye Wade, a rétorqué qu’il connaît cette musique et que de telles promesses ont déjà été faites sans qu’elles ne soient suivies d’effet. Le problème est que l’impatience manifestée par le président Wade risque elle-même de rester sans effet pour une raison simple : si les riches n’ont pas tenu leurs promesses dans les années d’euphorie économique, comment vont-ils les tenir aujourd’hui dans un contexte de crise économique et financière et dans une situation où le prix du baril de pétrole vole de sommet en sommet ?
L’autre sujet de discorde entre le groupe des huit et leurs invités africains porte sur le Zimbabwe. Les riches veulent maintenir la pression sur Mugabe et sont en train d’œuvrer pour le vote d’une résolution de l’ONU imposant des sanctions à ce pays, « le plus pauvre et le plus malheureux de la planète », selon une récente étude internationale sur « le bonheur des nations » qui a vu le Danemark occuper la première place. Les Africains pour leur part veulent être plus mesurés et préconisent une solution d’entente qui aboutirait à un gouvernement d’union nationale.
Il faut dire ici que Robert Mugabe n’a pas laissé le moindre petit argument à ses pairs africains pour faire face à la pluie de critiques, loin d’être infondées par ailleurs, que ne cessent de formuler le G8 à l’encontre du président zimbabwéen. Celui-ci, après 28 ans d’exercice du pouvoir, n’a même pas réussi à doter le pays des infrastructures économiques et sociales minimales qui permettent une vie décente aux 10 millions de Zimbabwéens. Ceux-ci vivent aujourd’hui dans des conditions infernales avec un taux de chômage qui oscille entre 70 et 80% et un taux d’inflation surréaliste qui a porté le prix d’une miche de pain à 1,5 milliard de dollars zimbabwéens, ce qui a fait dire à un citoyen de ce pays que « le Zimbabwe est le pays des milliardaires affamés ». Malgré ce bilan désastreux, Mugabe s’accroche toujours au pouvoir et ses pairs africains éprouvent manifestement des difficultés à lui dire ses quatre vérités.
Le cas dramatique du Zimbabwe verse de l’eau au moulin des détracteurs de l’Afrique qui répètent à l’envi que si le continent noir est dans un tel état, c’est par ce qu’il n’a pas pu faire face à la corruption qui le mine. Un tel argument a d’ailleurs été repris par certains au sommet de Toyako pour justifier la non tenue des promesses et des engagements pris par les riches.

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