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Saturday, December 15, 2007

Apartheid d'hier et d'aujourd'hui

Les juifs israéliens, soixante ans après la création d’Israël, n’arrivent toujours pas à se débarrasser de cette mentalité de ghetto que les colons ont ramenée avec eux d’Europe. Ils demeurent recroquevillés sur eux-mêmes et fondamentalement hostiles au cinquième de la population d’origine arabe qui compose la société israélienne. Dès lors, il n’est guère étonnant d’apprendre que la majorité d’entre eux sont plus habités que jamais par des sentiments carrément racistes et par le désir ouvertement exprimé de voir leurs concitoyens arabes quitter le territoire israélien.
Les résultats de l’enquête menée par l’Association pour les droits de l’homme en Israël sont aussi inquiétants que choquants. Selon ces résultats, publiés le 8 décembre dernier dans un rapport de 70 pages, les incidents racistes dont sont victimes les Arabes israéliens ont augmenté de 26% en 2006. 55% de Juifs souhaitent que l’Etat israélien pousse les Arabes à quitter le pays, et 78% n’aiment pas entendre parler d’une participation des partis politiques arabes au gouvernement. 30% éprouvent de l’hostilité en vers les Arabes et 31% éprouvent carrément de la haine. 55% n’aiment pas partager les mêmes lieux de loisir que les Arabes et, plus inquiétant encore, 75% des étudiants (censés normalement porter en eux les élans de générosité et de progressisme de la jeunesse) pensent que les Arabes « ne sont ni cultivés, ni éduqués, ni propres ».
Mentalité de ghetto importée d’Europe, mais aussi mentalité d’apartheid calquée sur le défunt régime mis en place par les Blancs d’Afrique du sud. Cette mentalité d’apartheid dans laquelle semble se complaire beaucoup d’Israéliens remonte en fait en 1948 quand 750.000 Palestiniens furent expulsés de chez eux par la force. Ces centaines de milliers de Palestiniens, devenus depuis des millions, sont disséminés dans ce qui reste des territoires occupés par Israël, en Jordanie, en Syrie, au Liban, dans les pays du Golfe et ailleurs. C’est cette mentalité d’apartheid qui pousse les Israéliens à refuser catégoriquement de discuter même du principe du retour de ces réfugiés dont beaucoup sont morts, mais dont les descendants croupissent dans des camps depuis des décennies dans les conditions déplorables que tout le monde connaît.
C’est cette même mentalité d’apartheid qui a amené les autorités d’occupation à construire des routes de contournement pour les colons qui relient les colonies entre elles, à Israël et à Jérusalem. Elles sont, cela va sans dire, absolument interdites aux Palestiniens. Ceux-ci sont soumis aux régulations arbitraires des autorités militaires d’Israël, tandis que les colons obéissent aux lois civiles israéliennes.
C’est encore cette mentalité d’apartheid qui a amené les autorités d’occupation à construire en Cisjordanie un mur de plusieurs centaines de kilomètres dans le but de séparer les Palestiniens des colons et d’empêcher ceux-ci de « s’infiltrer » en Israël et à Jérusalem. En réalité ce mur aggrave encore plus les conditions de vie des Palestiniens puisqu’il a eu pour effet de séparer les villages palestiniens les uns des autres et de séparer les agriculteurs palestiniens de leurs champs et de leurs oliviers. Cette barrière est appelée par les Israéliens « Gader Hafrada ». Et ici, il est intéressant de relever que le mot « apartheid » veut dire séparation en Afrikaans, et le mot « hafrada » signifie séparation en hébreu…
Depuis la création d’Israël jusqu’à ce jour, il y a un fil conducteur que tous les dirigeants israéliens ont suivi et qui explique pourquoi telle ou telle décision a été prise. Il y a un point commun entre des décisions aussi différentes que l’expulsion des Palestiniens en 1948, l’imposition de lois militaires d’exception aux Palestiniens des territoires occupés depuis 1967, la construction de routes de contournement pour les colons, le mur qui serpente la Cisjordanie, l’interdiction faite à tout réfugié palestinien de revenir chez lui et l’encouragement des Juifs du monde entier à s’installer en Israël et en Cisjordanie. Le même point commun existe entre des sentiments aussi variés que la haine envers les Arabes, le racisme et les pratiques discriminatoires dont sont victimes les citoyens israéliens d’origine palestinienne, le rêve des partisans d’Avigdor Liebermann de voir tous les Palestiniens quitter la Palestine et s’installer ailleurs etc… Ce point commun qui se trouve à la base de toutes ces décisions et tous ces sentiments est l’attachement pathologique à un Etat juif en tous points semblable à l’attachement pathologique des Boers d’Afrique du sud à un Etat blanc.
Cependant, il y a une différence entre ces deux apartheids. Le régime d’apartheid sud africain était isolé, décrié, méprisé et combattu par tous les pays du monde sauf …Israël qui, affinités obligent, entretenait avec lui des relations privilégiées. Le régime d’apartheid israélien est accepté, aidé, défendu, chouchouté même par de nombreux pays dans les continents américain et européen. Et même quand une personnalité internationale se ravise, se révolte contre l’apartheid israélien et l’appelle par son nom, comme l’a fait l’ancien président américain dans son livre « Peace Not Apartheid », elle est aussitôt traitée d’antisémite, d’ennemie de la paix, d’amie des terroristes et autres absurdités de ce genre.
Dans notre monde d’aujourd’hui, même l’apartheid n’échappe pas à cette règle des deux poids et deux mesures qui a engendré tant d’injustices et qui s’obstine à les perpétuer. On conspue l’apartheid quand il est perpétré par les Blancs d’Afrique du sud et on le soutient ou, dans le meilleur des cas, on regarde ailleurs quand il est perpétré par les Israéliens.


HBR

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