airelibre

Friday, September 21, 2012

Les politiciens américains, Israël et le Moyen-Orient

Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, et son ministre de la défense, Ehud Barak, sont des hommes frustrés. Ils ruminent leur rancœur contre le président américain, Barack Obama, et son ministre de la défense, Leon Panetta. La raison derrière la frustration israélienne est que l’administration américaine, après dévoiement et valse-hésitation sur la question du nucléaire iranien, a finalement pris une position claire, exprimée il y a quelques jours par le chef du Pentagone. Leon Panetta a affirmé clairement que les Etats-Unis ne seront pas « complices » d’une éventuelle attaque israélienne contre l’Iran et qu’ils refusent de se laisser entraîner par Israël dans une guerre qui n’est pas la leur et contre laquelle ils continuent de mettre en garde le gouvernement de Benyamin Netanyahu. Il est rare de voir une administration américaine se démarquer aussi clairement de la politique israélienne, et plus rare encore quand cette administration se trouve en pleine campagne électorale. Il est vrai que, dans son hystérie anti-iranienne, le gouvernement israélien est isolé internationalement, et même sur le plan intérieur (une majorité d’Israéliens sont contre une action militaire qui viserait les installations nucléaires iraniennes), et il n’y a guère que Netanyahu, Barak et quelques ministres en Israël, ainsi que certains néoconservateurs aux Etats-Unis qui rêvent d’une nouvelle guerre au Moyen-Orient. Mais la frustration de Netanyahu et de Barak est alimentée par deux autres informations diffusées par le journal israélien à grand tirage, Yediot Aharonot. La première information a trait à un rapport des agences de renseignement israélien qui ne cachent pas leur doute quant à la capacité d'Israël d’infliger de sérieux dommages au programme nucléaire iranien par une frappe aérienne qui ne serait pas soutenue par les États-Unis. Plus affligeante encore pour Netanyahu et Barak est l’information du même journal selon laquelle l’administration Obama a envoyé un message secret à l'Iran l’assurant que la Maison blanche s’engagerait à ne pas soutenir une frappe israélienne, si Téhéran s’abstenait d’attaquer les intérêts américains dans le Golfe. Normalement, ces nouvelles données sont de nature à refroidir les ardeurs guerrières de Netanyahu et de son ministre de la défense et de donner un répit à l’Iran tout en évitant à la région un nouveau foyer de tension. En effet, surtout en ce moment, la région n’a absolument pas besoin d’un nouveau foyer de tension quand on sait que l’Irak, près d’une décennie après la chute de Bagdad, connaît encore quasi-quotidiennement des irruptions de violence meurtrière; que la Syrie risque la désintégration avec les graves conséquences dont personne ne peut prévoir l’ampleur ; que le drame palestinien couve une troisième intifada ; que l’instabilité sévit dans les pays du « printemps arabe », sans parler de la flambée de violence qui a éclaté il y a quelques jours dans de nombreux pays arabes et musulmans contre les représentations diplomatiques américaines ayant provoqué la mort de nombreuses personnes, dont l’ambassadeur US et deux de ses collaborateurs en Libye. Mitt Romney, le rival de Barack Obama dans l’élection présidentielle de novembre prochain n’a visiblement ni la capacité intellectuelle, ni l’envergure politique pour analyser toutes ces crises moyen-orientales et en tirer les leçons qui s’imposent afin d’éviter les décisions erronées qui saperaient encore un peu plus les intérêts des États-Unis et terniraient davantage leur image. Le handicap dû aux moyens limités du candidat républicain aurait pu être dépassé, s’il s’était entouré de conseillers compétents et lucides. Le problème est que Mitt Romney a choisi ses conseillers parmi les néoconservateurs qui, comme John Bolton et Dan Senor, ont largement prouvé leur incompétence pour avoir contribué à embourber leur pays dans les guerres d’Afghanistan et d’Irak, parmi les plus coûteuses de l’histoire en termes d’argent, de morts, de blessés et de déplacés. On se rappelle qu’en 2002-2003, John Bolton, Dan Senor et d’autres théoriciens du néoconservatisme américain avaient fini par convaincre George W. Bush de renverser le régime de Saddam qui, pour eux, constituait « un grand danger » pour Israël. On connaît la suite. Maintenant, ils remettent ça avec l’Iran qui, pour eux toujours, constitue un autre « grand danger » pour Israël et qu’il ne faudrait pas hésiter à régler son compte au régime des mollahs. En fait, John Bolton, Dan Senor et leurs amis avaient mis l’Iran en point de mire depuis 2006 déjà, et alors que la guerre d’Irak faisait à cette période 3000 morts par mois, ils tentaient de convaincre Bush fils de la « nécessité » d’attaquer l’Iran. Bush aurait sans aucun doute acquiescé si la résistance irakienne n’avait pas immobilisé les forces américaines dans le bourbier mésopotamien. En d’autres termes, si l’Iran n’avait pas été attaqué par les armées de George W. Bush, c’est grâce à la résistance irakienne. Mitt Romney n’est pas encore président et rien ne dit qu’il battra Barack Obama en novembre prochain. Ceci n’a pas empêché les néoconservateurs de s’agglutiner autour de lui, comme ils l’avaient fait avec Bush, afin de lui faire adopter leur programme pour « le grand Moyen-Orient » qui, comme chacun sait, a largement fait ses preuves avec les résultats désastreux que l’on sait. Le drame est que ça a l’air de marcher. Le candidat républicain qui, par bien des aspects et notamment par son niveau intellectuel, rappelle George W. Bush, est visiblement acquis aux idées néoconservatrices qui ont causé de grands dégâts à la politique étrangère américaine. Alors qu’il était en campagne présidentielle en l’été 2000, le républicain George W. Bush, sans doute conseillé par son entourage néoconservateur, avait fait la visite d’Israël, avait fait le tour des territoires occupés en hélicoptère à côté d’Ariel Sharon, alors Premier ministre, et avait sa déclaration de candidat qui avait choqué une bonne partie du monde : « les impératifs de sécurité d’Israël lui interdisent de revenir aux frontières du 4 octobre 1967 », donnant ainsi le ton de ce que serait sa politique moyen-orientale. Dans le cadre de sa campagne présidentielle, le républicain Mitt Romney semble imiter la stratégie électorale de son ami Bush dans ses moindres détails. Lui aussi a fait le voyage d’Israël en juillet dernier; il a rassuré Netanyahu de son soutien sans limite, y compris et surtout dans le dossier nucléaire iranien et, à son retour, il a envoyé au Premier ministre israélien la lettre manuscrite que nous traduisons ici : « M. le Premier ministre Merci pour votre chaleureuse hospitalité et l’amitié durable. Votre apport pour la paix est une inspiration. Meilleurs vœux Mitt Romney » 28 juillet 2012 Sans commentaire sinon nos félicitations pour les hommes épris de paix pour cette source d’inspiration insoupçonnée que vient de découvrir pour eux le candidat républicain. La question qui se pose est pourquoi les politiciens américains qui assument ou qui s’apprêtent à assumer les plus hautes charges dans la plus grande puissance du monde se sentent-ils obligés de s’adonner à des exercices mesquins de flagornerie vis-à-vis des responsables israéliens. Hier c’était Bush qui faisait les courbettes à Sharon et aujourd’hui c’est Romney les fait à Netanyahu. L’autre question qui se pose est jusqu’à quand les citoyens de la plus grande puissance du monde vont-ils accepter que leur politique moyen-orientale soit décidée à 5000 kilomètres de chez eux, dans un pays minuscule et qui plus est entretient des relations très tendues avec la plupart des pays du monde ? Il faut souhaiter que le « coup de gueule » du Pentagone, détaillé ci-dessus, soit le début d’une révision profonde de la politique moyen-orientale américaine et non un coup d’épée dans l’eau.

1 Comments:

Blogger Marianne said...

Je pense que le citoyen moyen aux
USA ne réalise même pas "que la politique moyen-orientale soit décidée à 5000 km de chez eux" comme vous le dit si bien.
L'économie et le chômage du pays occupent plus leur esprit et d'une
manière générale la politique extérieure ne les intéresse pas trop...

3:35 PM  

Post a Comment

<< Home