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Monday, September 10, 2012

Un criminel de guerre au pays de Mandela

L’archevêque Desmond Tuti est un homme hautement respectable. Son Prix Nobel de la paix il l’avait amplement mérité pour sa longue et pénible lutte, avec ses camarades de l’ANC (African National Congress), contre le régime hideux d’apartheid qui, pour ainsi dire, avait saigné à blanc l’Afrique du sud durant la période la plus sombre de son histoire. En matière de célébrité et d’autorité morale en Afrique du sud et dans une large partie du monde, Desmond Tutu se place juste derrière le symbole Nelson Mandela dont on fêtera dans sept ou huit ans le centième anniversaire si Dieu lui prête vie. La semaine dernière Desmond Tutu est sorti de ses gonds lors d’une conférence organisée en Afrique du sud sur le Leadership et la bonne gouvernance. Il avait quitté la salle avant que l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair ne commence sa « leçon » sur la bonne gouvernance, un speech de quelques dizaines de minutes pour lequel il était payé 2 millions de rands sud africains (150.000 Livres sterling). Desmond Tutu, très recherché par les organisateurs de conférences pour ses hautes qualités morales, sa crédibilité et la pertinence de ses analyses n’a jamais monnayé sa présence dans les forums internationaux. Le vénérable archevêque sud africain a expliqué son départ intempestif de la salle de conférence par son refus d’écouter « un criminel de guerre » discourir démagogiquement sur la bonne gouvernance. Il avait expliqué son point de vue dans un article publié dans le magazine britannique « The Observer » dans son édition du 2 septembre 2012. L’idée centrale développée est que « Tony Blair et George W. Bush doivent être jugés par la Cour pénale internationale de La Haye pour leur rôle dans la guerre d’Irak ». Ayant rappelé les mensonges à la base desquels fut prise la décision d’envahir l’Irak, Desmond Tutu écrit : « Plus de 110.000 Irakiens sont morts depuis 2003, des millions de personnes ont été déplacées. A la fin de l’année dernière, plus de 4500 soldats américains ont été tués et 32000 blessés. Dans un monde qui se respecte, les responsables de ces souffrances et de ces pertes de vie doivent être traités de la même manière que leurs homologues africains ou asiatiques qui ont eu à répondre de leurs crimes à la Haye. » Ce qui semble affecter le plus l’archevêque sud africain est qu’on reste lamentablement incapables dans ce bas monde de se débarrasser de la règle des deux poids et deux mesures, même lorsqu’il s’agit de traiter avec des criminels de guerre. En effet, même à ce niveau, il y a les bons et les mauvais, ceux qu’on traine devant le tribunal pénal de la Haye et ceux qu’on laisse en liberté. Dans l’esprit de Desmond Tutu, Tony Blair est l’un de ces criminels de guerre privilégiés. Il continue de sillonner le monde et d’accumuler des fortunes en contre partie de « leçons » données aux gouvernants, alors qu’il avait lui-même commis l’un des mensonges les plus meurtriers de l’histoire quand il était au pouvoir et avait choisi de s’allier à George W. Bush. La question posée par cette grande autorité morale sud-africaine est pertinence : sur quelle base décide-t-on d’envoyer devant la Cour de la Haye Robert Mugabe (le président zimbabwéen) et laisser en liberté Tony Blair et George W. Bush ? Le premier a fait plusieurs victimes chez lui par une politique inappropriée, les deux autres ont causé la mort dans des conditions atroces de plusieurs douzaines de milliers de personnes et la souffrance de centaines de milliers de blessés et de millions de déplacés à l’intérieur et à l’extérieur de l’Irak, et le drame continue jusqu’à ce jour. Sur le plan géostratégique, le premier, a une responsabilité quasi-nulle dans l’aggravation de l’état de santé morale du monde, les deux autres assument une très lourde responsabilité de par les conséquences catastrophiques régionales et mondiales de la guerre d’Irak. En dépit de cela, « la Communauté internationale », c'est-à-dire essentiellement les Etat- Unis et la Grande Bretagne n’ont pas arrêté de demander l’arrestation de Mugabe et son jugement par la Cour de la Haye pour des crimes somme toute minimes comparés à ceux commis par Bush et Blair. Pourquoi la règle des deux poids et deux mesures joue-t-elle ici aussi ? Il est difficile pour ces deux grands pays de reconnaître qu’ils aient pu se laisser gouverner l’un pendant huit ans, l’autre pendant dix ans par des criminels de guerre. Il est impensable pour les peuples britannique et américain de reconnaître leur grande erreur d’avoir choisi pour gouvernants pendant de si longues années des personnages si moralement dépravés qu’ils n’hésitaient pas à recourir aux mensonges les plus abjects pour déclencher une guerre qui pue le pétrole. Il est impossible pour les Américains et les Britanniques d’accepter la moindre responsabilité dans la transformation de la vie de millions de personnes en enfer et dans l’augmentation terrifiante de l’agressivité et de la haine dans le monde à travers l’élection des deux personnages les plus irresponsables de ce début du XXIe siècle. Sans doute il y a un lourd sentiment de culpabilité qu’Américains et Britanniques tentent de refouler au plus profond de leur inconscient collectif. Et ne demander aucun compte aux principaux responsables du désastre irakien, aide au refoulement du sentiment de culpabilité et à s’assurer une conscience tranquille. Les principaux bénéficiaires de cette « ruse de l’esprit » américano-britannique sont George W. Bush et Tony Blair. Le premier coule une retraite dorée dans une résidence luxueuse étroitement surveillée aux frais du contribuable. Le deuxième sillonne le monde à la recherche de conférences à 60.000 dollars l’heure. Cela dit, une question morale reste sans réponse : pourquoi au pays de Mandela se trouve-t-on obligé d’inviter un criminel de guerre pour donner une conférence d’une heure pour 150.000 Livres sterling, une somme rondelette qu’un travailleur sud africain mettrait des décennies pour gagner ?

1 Comments:

Blogger Marianne said...

Vous décrivez exactement ce que nous ressentons depuis longtemps. Une fois de plus on doit dire:
la justice n'est pas faite pour les puissants de ce monde.
Mais à savoir s'il n'y aura pas des générations futures américaines et britanniques qui payeront les crimes commis du passé.

12:53 PM  

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