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Thursday, July 12, 2012

Libye: les raisons de l'optimisme

Après 42 ans de dictature impitoyable et près d’un après la chute de Tripoli et la mort violente de Kadhafi, les Libyens ont voté librement pour la première de leur histoire fois samedi 7 juillet. Ces premières élections libres et démocratiques ont été entachées de quelques violences, surtout en Cyrénaïque, ce qui n’est particulièrement grave compte tenu de l’héritage dévastateur légué au pays par le régime surréaliste du bouillonnant colonel. La simple tenue des élections en Lybie est un succès pour tous les Libyens, indépendamment des résultats. Les contestations qui ont précédé et qui suivront inévitablement les élections sont dans la logique des choses, quand on a en tête le réveil brutal des rivalités régionales et tribales étouffées pendant plus de quatre décennies par la répression systématique menée contre les citoyens libyens par le régime de Kadhafi. On se rappelle les théories ubuesques que le « Guide » a rassemblées dans son « Livre vert » et à travers lesquelles il voulait convaincre les Libyens qu’ils avaient « le meilleur régime politique » du monde, « le plus démocratique », « le plus juste », « le plus égalitaire » ; que les citoyens libyens étaient les seuls au monde à détenir bien en main « le pouvoir, la richesse et l’armement » ; que tous les régimes du monde, qu’ils le veuillent ou non, finiront par devenir des « Jamahiriya » et autres idées plus absurdes les unes que les autres. La réalité, on la connaissait déjà du temps de Kadhafi, et on la connaît mieux encore après la chute de son régime : un pays exsangue en dépit des richesses fabuleuses qu’il renferme, un peuple réduit à la misère en dépit du nombre très peu élevé des citoyens par rapport à l’immensité du territoire. La situation économique et sociale de la Libye d’aujourd’hui montre de manière éclatante l’importance de la bonne gouvernance dans le destin des peuples et des nations. Le peuple libyen a eu l’extraordinaire malchance de voir la gestion de ses fabuleuses richesses confiée à un régime désastreux qui non seulement les a dilapidées, mais les a utilisées de manière si chaotique qu’il a fini par se façonner une réputation de paria. La chape de plomb qui a maintenu le peuple libyen silencieux pendant si longtemps étant détruite, les forces qui n’avaient pu s’exprimer pendant plus de quatre décennies se sont trouvé dans une situation où ils se sont crus en mesure d’exiger la réparation des dommages que leur faisait subir la dictature kadhafiste, mais aussi de tenter d’imposer une nouvelle redistribution des richesses et des pouvoirs entre les trois grandes provinces du pays : la Tripolitaine à l’ouest, la Cyrénaïque à l’est et le Fezzan au sud. Il faut dire que peuple libyen est homogène et les groupes sociaux qui le composent s’apparentent plus à de grandes familles qu’à des tribus au sens ethnique du terme. Par conséquent, les clivages qui le traversent aujourd’hui sont de nature très différente de ceux qui traversent certains peuples africains, comme le Rwanda ou la république démocratique du Congo, et qui peuvent évoluer en des conflits très violents et très sanglants. L’anarchie qui règne aujourd’hui en Libye n’a rien à voir avec des divisions ethniques, tribales ou religieuses. Elle est le legs ultime du régime défunt au peuple libyen. Kadhafi a légué à son peuple un vide politique vertigineux, une quantité effarante d’armement et une misère insoutenable. Le vide politique a été rempli tant bien que mal par le Conseil national de transition qui a vu ses efforts de gestion des conséquences de la révolution fortement perturbée par des milices lourdement armées, mais sans programme politique précis, sinon celui d’exiger leur part du gâteau. L’activisme débordant de ces milices s’explique par les années de misère et de frustration vécues sous Kadhafi par une bonne partie du peuple libyen, mais aussi et surtout par les milliards de dollars d’armements accumulés par Kadhafi et qui ne lui avaient servi à rien, sinon à retarder la stabilité des structures politiques qui tentent de se mettre en place depuis la chute de la « Jamahiriya » en août dernier. Les élections de samedi dernier vont-elles finalement donner les moyens au peuple libyen d’assurer une certaine stabilité, d’entamer la construction de structures politiques et de s’engager dans une activité économique sérieuse qui le sortiront enfin de la singularité dans laquelle le régime de Kadhafi l’a confiné pendant de longues décennies ? Il y a plus de raisons d’être optimiste que pessimiste. Tout d’abord, les divergences qui séparent les trois grandes provinces libyennes ne sont ni d’ordre idéologique, ni d’ordre ethnique. Les raisons du désaccord sont d’ordre plutôt matériel et qui disparaîtront avec l’instauration d’un système de redistribution des richesses qui prendra en compte les grandes frustrations du passé et l’intense besoin de justice qu’éprouve actuellement le peuple libyen. Ensuite, la question religieuse ne pose pas de problème particulier comme dans les cas de la Tunisie et de l’Egypte, dans la mesure où le peuple libyen et les forces politiques actives dans le pays sont d’accord à ce que la Charia soit « la source principale » de la législation. Enfin, le pays regorge de richesses naturelles qui, après avoir été dilapidées ignominieusement pendant si longtemps, doivent maintenant être exploitées dans le cadre d’une bonne gouvernance qu’on espère voir s’instaurer bientôt dans le sillage de ces premières élections libres et démocratiques. La Libye est pays riche et vaste qui a des frontières avec pas moins de cinq pays : la Tunisie, l’Algérie, l’Egypte, le Soudan et le Niger. Si elle arrive à s’engager dans une activité économique aux antipodes de celle qu’elle a connue sous le règne infernal de Kadhafi, c'est-à-dire une activité qui repose sur trois piliers : le dynamisme, la rationalité et la bonne gouvernance, ce ne seront pas seulement les six millions de Libyens qui récolteront les bénéfices, mais les dizaines de millions qui vivent dans le voisinage de la Libye en Afrique du nord et en Afrique subsaharienne. Evidemment, il ne s’agit pas ici de minimiser les problèmes sérieux auxquels demeure confrontée la Libye : velléités autonomistes en Cyrénaïque, situation chaotique dans le Fezzan, attachement pathétique des miliciens à leurs armes, mais la solution à tous ces problèmes tient à deux choses : la reprise de l’activité économique et l’instauration d’un mode de redistribution des richesses qui soit en rupture absolue avec celui du régime de Kadhafi. Les autorités qui seront issues des élections du 7 juillet dernier n’auront pas la tâche facile. Toutefois, elles seront dotés d’un atout important dont elles peuvent se prévaloir tant sur le plan intérieur qu’extérieur : la légitimité populaire et démocratique, indispensable pour entreprendre la plus délicate et la plus urgente des missions, celle qui prépare la voie à la reprise économique tant attendue, la dissolution des milices et leur désarmement et l’édification d’une armée et d’un appareil de sécurité unifiés.

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