airelibre

Friday, December 14, 2007

Il faut un miracle à Annapolis

Peut-être le miracle aura-t-il lieu et la conférence d’Annapolis aboutira-t-elle au résultat que personne n’attendait d’elle. Les pessimistes parmi les commentateurs et les observateurs étaient légion. Il faut dire que la précipitation, le cafouillage, l’impréparation et l’ambiguïté des objectifs des promoteurs de cette conférence n’incitaient pas à un optimisme débridé.
La tentative de George Bush de trouver une solution à la question palestinienne, une année avant la fin de son second mandat, s’apparente à un ultime effort de réparer ce qui peut l’être en allumant un petit contre-feu dans l’espoir de limiter un tant soit peu les effets dévastateurs de l’incendie qui consume une immense région s’étendant du Hindu Kush, région pakistanaise frontalière avec la Chine, l’Afghanistan et le Tadjikistan, jusqu’à la Méditerranée. En effet, le Pakistan est en effervescence, l’Afghanistan proche du chaos, l’Iran vit en permanence sous la menace de frappes aériennes, l’Irak est en flammes, le Liban au bord de la guerre civile et les Palestiniens plus divisés que jamais.
Le moment choisi de tenir cette conférence n’est certainement pas le meilleur, compte tenu des conditions politiques difficiles des trois principaux acteurs, les Etats-Unis, Israël et l’autorité palestinienne.
Les Etats-Unis sont affaiblis par leurs mésaventures militaires et le président Bush n’est pas au meilleur de sa forme en termes de popularité intérieure et extérieure. De plus, l’administration américaine elle-même est divisée sur la stratégie à suivre entre un département d’Etat qui veut mettre le maximum de pression Israël et le duo Dick Cheney et Elliot Abrams, respectivement vice-président et responsable du dossier Moyen-Orient au Conseil National de Sécurité, qui poussent pour qu’on laisse ce pays « tranquille ».
Le gouvernement israélien est tout aussi affaibli par sa mésaventure militaire au Liban de l’été 2006 et par les nombreuses investigations pour corruption dont fait l’objet le Premier ministre Ehud Olmert. Dans une tentative délibérée de dresser les obstacles sur le chemin d’Annapolis, le partenaire d’Olmert au gouvernement, l’extrémiste de droite, Avigdor Liberman, a eu la lumineuse idée, une semaine avant la conférence, d’exiger que les Palestiniens reconnaissent « le caractère juif » de l’Etat d’Israël. Dans le même temps, le même esprit et tout aussi délibérément, le Knesset vient de voter une loi interdisant de toucher aux frontières du « grand Jérusalem » sans l’accord des deux tiers des députés israéliens. En d’autres termes, pas le moindre village arabe de la banlieue de la ville sainte ne pourra être évacué par Israël sans l’accord des deux tiers des députés israéliens, ce qui est du domaine de l’impossible quand on a en tête les profonds clivages qui minent la société israélienne.
Enfin, en termes de faiblesse et de division, les Palestiniens ne sont pas mieux lotis. Depuis « la guerre de juin 2007 » entre Fatah et Hamas, la Cisjordanie et Gaza sont gérées séparément par des forces rivales entre lesquelles toute perspective de dialogue semble, pour l’instant, chimérique.
Concernant les objectifs de la conférence elle-même, il est difficile de croire que George Bush s’est résolu à la convoquer sans les soucis majeurs concernant la question iranienne qui lui donne du fil à retordre. Avant que le président américain ne s’englue dans les sables mouvants mésopotamiens, et avant qu’il ne renforce grandement, par ses erreurs de calcul, la position stratégique de l’Iran dans la région, ses idées sur la solution de la question palestinienne étaient conformes plutôt à celle de Sharon qu’il qualifiait d’ « homme de paix » et à qui il avait dit publiquement : « il est irréaliste de demander à Israël de retourner aux frontières de 1967 ».
La tentative d’isoler et d’affaiblir l’Iran est sans doute l’un des motifs fondamentaux qui expliquent la convocation de la conférence d’Annapolis. Mais à supposer que le Président américain veut faire d’une pierre deux coups, c'est-à-dire isoler l’Iran et régler la question palestinienne avant son départ à la retraite, à supposer qu’il est sincèrement disposé à faire les pressions nécessaires sur Israël, il ne pourra pas le faire pour une raison très simple : la campagne électorale présidentielle, qui bat son plein aux Etats-Unis, ne va pas tarder à pousser les deux partis, sous l’œil vigilant du lobby, à entrer dans leur classique surenchère à qui défend le mieux Israël.

0 Comments:

Post a Comment

<< Home