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Tuesday, June 30, 2015

Regain d'intérêt pour la question palestinienne

Depuis l’entrée du monde arabe en ébullition en 2011, la cause palestinienne, qui était toujours au centre des préoccupations du Golfe à l’Atlantique, est soudain passée au second plan. Devant l’irruption spectaculaire de ce qui est appelé « Etat islamique » et face au déchainement meurtrier de ses milliers de terroristes, la question palestinienne, à la grande joie d’Israël, n’interpelle plus grand monde dans un monde arabe consterné par la tournure incroyablement tragique des événements d’Irak, de Syrie, de Libye et du Yémen. Certes, l’administration Obama, à l’instar de ses précédentes, a tenu à avoir elle aussi son initiative de paix au Proche-Orient. Mais elle n’a pas eu plus de succès que les administrations des Bush père et fils, Clinton, Reagan, Carter etc. Le désintérêt international et arabe de la dernière initiative de paix américaine était tel que quand John Kerry annonça en 2014 son échec, rares étaient les médias qui en avaient fait leur information principale. Mais voilà que la question palestinienne revient à la « Une » de l’actualité grâce à une nouvelle initiative de paix qui, cette fois, vient de la France. Depuis des semaines, la diplomatie française s’active à mesurer les chances de réussite de son plan de paix et à sonder les opinions des parties intéressées bien sûr, mais aussi des grandes puissances et de ses partenaires européens. Il semble même qu’avant que le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, n’entreprenne sa tournée de 36 heures au Proche-Orient, il a contacté son homologue américain John Kerry pour s’assurer sinon du soutien, du moins de la neutralité bienveillante de Washington. L’idée française est que ce projet doit avoir pour base une résolution de l’ONU qui servirait de cadre pour un éventuel accord de paix entre Israël et les Palestiniens. Il semble aussi que le Quai d’Orsay travaille activement en vue de préparer ce projet de résolution qui sera présenté à l’Assemblée générale de l’ONU dans sa session annuelle de septembre, c'est-à-dire dans neuf ou dix semaines. D’après des sources bien informées, la France, tirant la leçon des échecs des innombrables initiatives et des interminables négociations qui ont précédé, est déterminée à mettre une limite dans le temps qui ne dépasserait pas dix huit mois. Toujours d’après ces sources bien informées, en cas d’échec provoqué comme d’habitude par l’intransigeance israélienne, la France reconnaitrait l’Etat palestinien, ce qui ne manquerait pas d’avoir d’immenses conséquences en faveur des Palestiniens en Europe et dans le monde. C’est donc pour présenter les grandes lignes de cette initiative que Laurent Fabius a entrepris une brève tournée de 36 heures au Moyen-Orient au cours de laquelle il a été reçu successivement au Caire, à Amman, à Ramallah et en Israël. Si, en dépit des priorités et des urgences stratégiques en relation avec la grande menace terroriste qui les interpelle les dirigeants arabes ont réservé un bon accueil au ministre français et à son initiative, le Premier ministre israélien en revanche a affiché une mine de quelqu’un qui vient de subir une catastrophe. La mine renfrognée, l’air maussade, Netanyahu, qui se tenait à côté de Laurent Fabius face à la presse, était dans un état de véritable panique. Il était visiblement terrorisé par la perspective de paix, lui qui, depuis son premier mandat en 1996, n’a rien fait d’autre qu’entretenir les crises et déclencher des guerres meurtrières contre un peuple désarmé. La panique de Netanyahu s’explique aussi par l’intérêt soudain de la France au problème israélo-arabe, un pays où il n’y a ni Congrès aux ordres de Tel Aviv, ni lobbies puissants qui prennent en charge l’étouffement des initiatives de paix. Habitué à la machine diplomatique américaine dont il a les commandes pour tout ce qui touche le contentieux israélo-palestinien, Netanyahu a eu la désagréable surprise de devoir travailler avec une autre machine diplomatique, celle de la France, dont il ne connaît ni le mode d’emploi, ni les règes de fonctionnement, ni les moyens de pression pour infléchir une tendance ou influencer une décision. La réaction de Netanyahu répétant nerveusement ses clichés éculés du genre « nous n’accepterons aucun diktat qui nous vient de l’étranger » ou encore « la sécurité d’Israël est au dessus de toute autre considération », n’augure rien de bon. Après avoir écouté attentivement la réaction nerveuse de Netanyahu, Laurent Fabius a cru bon de le rassurer en déclarant que la France n’a nullement l’intention de « jouer les Don Quichotte », une formule qui, il faut bien le dire n’a pas beaucoup de sens. Car au Moyen-Orient, on n’est pas en présence de moulins à vents à terrasser, mais d’une injustice monumentale à redresser. La diplomatie française ne peut pas ignorer que l’élaboration d’un projet de paix dans une région sinistrée par des décennies de guerre n’est pas une fanfaronnade donquichottesque, mais un devoir politique et moral que tout pays influent sur la scène mondiale et un peu impartial devrait entreprendre. La France est un pays puissant et, comparé aux Etats-Unis, impartial. Elle est dotée de moyens de pression substantiels sur Israël, dont le plus important est la perspective de reconnaissance de l’Etat palestinien. Enfin, la France ne peut pas ignorer que le vrai obstacle à son initiative n’est pas l’intransigeance de Netanyahu, mais le veto américain. Si Paris arrive à convaincre Washington d’adopter au moins une position abstentionniste, les capacités de nuisance de Netanyahu seront fortement réduites et les chances de réussite de l’initiative française seront substantielles.

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