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Saturday, November 30, 2013

L'achat massif d'armement assure-t-il la protection?

Le pouvoir exécutif américain a informé il y a quelques jours le pouvoir législatif que l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis ont passé une commande importante d’armement évaluée à 6,8 milliards de dollars pour le premier pays et à 4 milliards de dollars pour le second. Inutile de préciser que le Congrès n’a aucune raison de refuser ni même d’émettre la moindre réserve une telle commande. Il est intéressant de poser ici la question si les quantités d’armements aussi importantes et aussi sophistiquées soient-elles peuvent protéger un pays arabe quelconque ? Si l’on remonte un peu dans l’histoire récente, on constatera que les régimes baathiste de Saddam Hussein et jamahiryen de Mouammar Kadhafi ont dépensé des centaines de milliards de dollars dans l’achat de milliers de tonnes d’armements, mais cela ne les a pas protégés et ont fini par disparaître. Le premier a signé son arrêt de mort le jour ou son chef a eu la mauvaise idée d’affirmer dans un discours télévisé « aujourd’hui, l’Irak est capable de détruire Israël ». C’est ce jour là que les Etats-Unis et leur allié israélien ont décidé de se débarrasser du régime de Saddam, ce qu’ils ont fait par étapes. Quant à Moummar Kadhafi, il n’a cessé quarante ans durant de réduire le nombre de ses amis et d’allonger la liste de ses ennemis. Ceux-ci n’ont pas voulu rater l’occasion qu’ils attendaient depuis longtemps et ont volé au secours des rebelles libyens que Kadhafi tentait d’écraser par sa formidable machine de guerre. Ces deux exemples montrent clairement que l’entassement de quantités d’armements dans des dépôts ne constitue en aucun cas une assurance pour la pérennité d’un régime ou pour la stabilité d’un pays. Ces deux exemples montrent également que l’unique moyen d’avoir la paix, c’est de mener une politique étrangère qui a pour règle d’or : ne pas tirer le diable par la queue. En d’autres termes, il faut mener une politique étrangère intelligente qui consiste avant tout à éviter de multiplier les ennemis parmi les grandes puissances. A l’autre extrémité politique du monde arabe, il y a l’exemple de l’Arabie saoudite qui, depuis sa création, n’a pas eu de problèmes graves qui menacent sa stabilité. La pérennité du royaume wahhabite n’est pas due aux centaines de milliards de dollars dépensés par Al Saoud dans l’achat d’armement, mais à la politique étrangère menée par Ryadh et qui consiste avant tout à mettre l’accent sur l’intérêt de la famille régnante, et cet intérêt ne peut être protégé que dans le cadre d’une relation privilégiée avec la plus grande puissance du monde. La stabilité du royaume saoudien est le résultat d’un pacte entre Ryadh et Washington qui assure les besoins en sécurité du premier et les besoins en pétrole du second. Imaginons que l’Arabie saoudite avait mis sur pied une politique étrangère de « défense des causes et de l’unité arabes » et d’hostilité face aux « puissances impérialistes ennemies du monde arabe et islamique ». Les Al Saoud auraient très certainement disparu de la scène bien avant les régimes baathiste et jamahiryen. Ayant des alliances solides et une protection assurée par la plus grande puissance du monde, l’Arabie saoudite n’a pas besoin d’autant d’armement. Pourtant, ce royaume continue de dépenser des milliards de dollars dans le but de se procurer avions et hélicoptères de combat, des tanks des missiles de toutes sortes, et des milliers de tonnes d’armement léger. Pourquoi donc les autorités saoudiennes s’engagent-elles dans des achats aussi massifs ? Il y en a qui expliquent cela par la peur de l’Iran. Tout d’abord ce pays n’a jamais agressé ni occupé personne. Et aurait-il la moindre intention agressive vis-à-vis de Ryadh, un simple éternuement de la part de la grande puissance protectrice le ferait changer d’avis très vite. La peur du terrorisme alors ? Il est vrai que l’Arabie saoudite est menacée par ce fléau et a même été victime de sa violence. Mais on ne combat pas le terrorisme avec des avions de combat sophistiqués ou avec des missiles à un million de dollars-pièce, mais plutôt en asséchant ses sources de financement et d’endoctrinement dont l’une des plus importantes se trouve précisément en Arabie saoudite. Il y a quelques raisons qui expliquent mieux ces achats massifs d’armement de la part des pays arabes pétroliers. Il y a d’abord le puissant lobby militaro-industriel américain qui, régulièrement, fait des pressions sur l’Etat fédéral pour le pousser à faire lui-même pression sur ses protégés arabes pour les « convaincre » de se soulager un peu du trop plein des pétrodollars et de passer des commandes. Si le lobby se permet de faire un tel lobbying, c’est parce qu’il sait que la devise « les désirs du protecteur sont des ordres », que les Saoudiens ne peuvent pas ne pas appliquer, joue en sa faveur. Il y a ensuite l’intérêt personnel des décideurs. On sait que le marché d’armement donne droit à des commissions fort substantielles. Si un marché d’un milliard de dollars donne droit à une commission de 10% seulement, il y a là 100 millions de dollars à se partager entre les amis, la famille politique ou la famille tout court. Cela vaut effectivement la peine de faire des commandes quand on est aux commandes.

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