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Wednesday, November 14, 2012

Assassinat d'Abou Jihad: le faux scoop de la reconnaissance israélienne

Près d’un quart de siècle après, Israël a finalement reconnu ce que tout le monde sait déjà, c'est-à-dire que ce sont bien les services secrets de ce pays qui ont assassiné le leader palestinien Khalil al Wazir, plus connu sous le surnom d’Abou Jihad. C’était dans la nuit du 15 au 16 avril 1988 dans la banlieue de Tunis, à Sidi Bou Said plus exactement. Les adultes et les vieux de ce pays se rappellent très bien cet événement sanglant, ressenti par l’ensemble des Tunisiens comme une douloureuse humiliation. Cette humiliation était d’autant plus douloureuse qu’elle intervenait deux ans et demi après l’agression israélienne contre la Tunisie au cours de laquelle la ville de Hammam Chatt qui accueillait la direction palestinienne fut bombardée. Des Tunisiens et des Palestiniens étaient morts dans ce bombardement, mais pas la cible principale de l’agression israélienne, Yasser Arafat, qui échappa miraculeusement aux bombes israéliennes. La reconnaissance par Israël de l’assassinat d’Abou Jihad était loin d’être un scoop. Le fait que personne ne doutait de la responsabilité des services secrets israéliens explique pourquoi cette information n’a suscité que très peu d’intérêt pour les médias et n’a eu droit qu’au traitement réservé aux informations les plus banales. L’unique intérêt si l’on peut dire pour les Tunisiens réside dans les détails révélés par le meurtrier lui-même, Nahum Lev, dans l’interview qu’il avait accordée au journal israélien « Yediot Ahronot » en l’an 2000, quelques mois avant sa mort dans un accident de la route. D’aucuns se demandent pourquoi une interview accordée en 2000 est publiée 12 ans après ? La raison est que l’ « unique démocratie du Moyen-Orient » est en mesure d’interdire la publication de tout article ou livre que les services de renseignement ou l’armée jugent « dangereux pour la sécurité du pays ». C’est ainsi que l’interview que Nahum Lev a accordée au journaliste israélien Ronen Bergman est restée douze ans dans ses archives avant qu’il ne reçoive finalement l’aval des services concernés. On apprend de cette interview que le meurtrier est le fils d’un professeur de physique célèbre en Israël, Ze’ev Lev, et qu’il avait fait partie du commando d’élite, « Sayaret Matkal ». L’opération, qui avait pour nom de code « Show Force », était préparée conjointement par le Mossad et les services secrets de l’armée. Le commando criminel dirigé par Nahum Lev était composé de 26 personnes. Arrivé par la voie maritime, le groupe avait pu en toute sécurité débarquer sur l’une des plages tunisiennes avant de se diviser en 8 sous-groupes. Le premier groupe était composé de Nahum Lev et d’un autre membre du commando déguisé en femme en vue de donner l’impression d’un couple de touristes. Le couple portait de grosses boites de chocolat à l’intérieur desquelles se trouvaient les silencieux qui devaient servir à l’assassinat d’Abou Jihad, de ses gardes du corps et du jardinier qui, pour son malheur, avait décidé de passer cette nuit là dans la cave de la maison. Si, côté israélien, on a quelques détails sur cette nuit désastreuse pour notre réputation dans le monde, côté tunisien, on est dans le noir le plus total. Car enfin, comment se peut-il qu’un groupe de 26 personnes débarquent sur l’une de nos plages, s’aventurent dans un petit village où tout le monde se connaît, arrivent devant la maison la plus gardée de Sidi Bou Said, tuent à bout portant toute personne qui a la malchance de se trouver sur leur passage, exécutent le dirigeant palestinien devant sa femme et sa fille horrifiées, se retirent de la maison, quittent le village et le pays et rentrent chez eux tranquillement sans que personne en Tunisie ne s’en rende compte ? On ne sait pas et on ne saura probablement jamais s’il y a eu des complicités tunisiennes ou pas. Toujours est-il que les préparatifs nécessaires à l’opération étaient effectués par un group de trois personnes qui étaient arrivés à Tunis quelques jours avant pour louer les voitures que le commando devait utiliser dans ses déplacements. Ces voitures, deux mini-bus Volkswagen et une Peugeot 305 ont été trouvés, le 16 avril 1988 au matin abandonnées près d’une plage de Raoued d’où le commando israélien quitta le pays par la mer. Humiliée, la Tunisie ne pouvait rien faire d’autre que porter plainte auprès du Conseil de sécurité de l’ONU qui adopta le 25 avril la résolution 611, condamnant Israël. 14 membres ont voté pour et les Etats-Unis se sont abstenus. Comment ce commando a-t-il pu pénétrer en Tunisie par voie maritime ? Face au black out total sur ce sujet, on a dû recourir à un cas similaire où les informations sont disponibles pour y voir plus clair. En 1973, le Mossad et les services secrets de l’armée israélienne ont décidé d’abattre trois dirigeants palestiniens vivant à Beyrouth, Kamal Adwan, Kamel Nasr et Mohamed Youssef Al Najjar, soupçonnés par le Mossad d’être derrière l’assassinat d’athlètes israéliens à Munich en 1972. Le 9 avril 1973, un navire de guerre israélien quitte la base navale de Haifa dans le nord d’Israël en direction des eaux territoriales libanaises. Arrivé en face de Beyrouth, le navire s’arrête en haute mer. Le commando appartenant à l’unité d’élite Sayaret Mitkal et dirigé par Ehud Barak prend place dans des vedettes Zodiac. A quelques centaines de mètres des plages de Beyrouth, les moteurs des Zodiac sont arrêtés et le commando rame jusqu’à la plage de la capitale libanaise où Ehud Barak et ses hommes ont débarqué. Des « touristes » israéliens, probablement munis de faux passeports européens, étaient à Beyrouth quelques jours avant l’arrivée du commando pour se charger des préparatifs logistiques. Des voitures de location attendent le commando à la plage de débarquement. Arrivés à l’immeuble où vivaient les trois dirigeants palestiniens et leurs familles, Ehud Barak et ses hommes font sauter les portes des appartements à l’explosif, tuent les trois dirigeants, ramassent tous les documents trouvés sur place et remontent dans leurs voitures direction la plage. Le commando a dû faire face à des fusillades avec des Palestiniens et des membres de la police libanaise avant d’embarquer dans les vedettes Zodiac, abandonnant les voitures de location sur la plage. Il est très probable que l’opération 9 avril 1973, tendant à assassiner kamal Adwan, Kamal Nasr et Mohamed Youssef Al Najjar, a été reproduite dans ses moindres détails dans le débarquement à Tunis le 15 avril 1988 qui a permis au commando de Sayaret MItkal d’assassiner Khalil Al Wazir. Si dans ces deux cas, Israël à dû recourir à une logistique lourde et complexe pour commettre ses crimes à Beyrouth et à Tunis, de nombreux autres crimes ont été commis par des tueurs lâchés par le Mossad avec de simples revolvers pour faire la chasse aux dirigeants palestiniens dans des villes européennes et du Moyen-Orient : Mahmoud Salah était abattu le 3 janvier 1977 à Paris, Said Hammami le 4 janvier 1978 à Londres, Ezzeddine Kalak le 3 août 1978 à Paris, Ali Hassan Salameh le 22 janvier 1979 à Beyrouth, Ali Salem Ahmed et Ibrahim Abdelaziz le 15 décembre 1979 à Chypre, Zouheir Mohsen le 25 juillet 1979 à Cannes, NaÏm Kheder le 1er juin 1981 à Bruxelles, Majed Abou Sharar le 10 octobre 1981 à Rome etc. Restent les cas du numéro un et deux de l’OLP, Yasser Arafat (Abou Ammar) et Salah Khalaf (Abou Iyad). Celui-ci fut assassiné le 15 janvier 1991 à Carthage par son garde du corps qui s’est révélé être un agent double qui travaillait en même temps pour le Mossad et pour Abou Nidhal. Jusqu’à présent, on ignore de qui est venu l’ordre d’assassiner Abou Iyad. Du Mossad ? D’Abou Nidhal ? Ou des deux ? Le cas de Yasser Arafat est plus compliqué encore. On sait qu’Ariel Sharon voulait sa mort depuis longtemps. Il était très frustré de n’avoir pu l’abattre lors de l’invasion du Liban en juin 1982. En 2004, l’année de la mort de Yasser Arafat, Sharon était Premier ministre. Il avait alors affirmé qu’ « Arafat n’a pas d’assurance-vie ». Peu de temps après, Arafat est mort à Paris. Ses médecins parisiens n’avaient détecté aucune maladie mortelle ni aucune cause naturelle du décès du leader palestinien. Des analyses plus approfondies menées par un institut scientifique suisse au dessus de tout soupçon ont conclu que la mort du leader palestinien était provoquée par son empoisonnement au polonium, un produit hautement radioactif qui provoque la mort sans laisser de traces, à moins de procéder à des analyses spécifiques. Beaucoup d’Israéliens, dont Uri Avnery, un ami d’Arafat, sont convaincus que c’est Sharon qui a commandité l’assassinat d’Arafat au polonium. Très peu de temps après la mort d’Arafat, Ariel Sharon, victime d’une attaque cérébrale, sombra dans un coma. Il y est encore depuis 2005.

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