airelibre

Wednesday, March 10, 2010

Scènes du théâtre de l'absurde

Comment expliquer la chose sinon par une intention délibérée d’humilier leur bienfaiteur américain ? Juste une heure ou deux avant que Joe Biden, l’adjoint d’Obama, n’atterrisse à l’aéroport Ben Gourion, les Israéliens n’ont trouvé rien de mieux à faire que d’annoncer la construction de 112 logements dans une colonie ultraorthodoxe de Beitar Ilit près de Beit Lehm en Cisjordanie, et ce malgré le moratoire de dix mois décidé par Netanyahu. Quand on sait que l’objet principal de la visite du vice président américain en Israël consiste à encourager les deux parties en conflit d’entamer, même de manière indirecte, les « négociations de la dernière chance », le message israélien aux Américains est on ne peut plus clair : occupez-vous de vos problèmes là-bas en Amérique et laissez-nous nous occuper des nôtres. Ici, au Moyen-Orient, on sait ce qu’on a à faire.
Et quelle a été la réponse immédiate du visiteur à ce camouflet ? Une récitation de la leçon apprise par cœur par tout visiteur officiel américain devant les caméras : « La pierre angulaire de notre relation est notre engagement absolu, total et sans réserve en faveur de la sécurité d’Israël. » Le problème avec cette profession de foi américaine répétée ad nauseum, est qu’aucun responsable américain n’a un jour pris la peine d’expliquer au monde qui menace la sécurité d’Israël. L’Iran ? Les tirades enfiévrées du président Ahmadinejad, et les Américains ne peuvent l’ignorer, sont des réactions purement verbales et inoffensives à des agressions bien réelles de la part d’Israël contre le Liban et à une occupation dévastatrice de terres palestiniennes et syriennes qui dure depuis 43 ans. Le Hezbollah ? Depuis sa création, il n’a fait que de la légitime défense. Le Hamas ? Il a été créé et financé par Israël au milieu des années 1980 pour contrer l’OLP avant qu’Israël ne décide de l’étouffer à Gaza en compagnie d’un million et demi de Palestiniens. On aimerait par conséquent qu’au moins une fois les responsables américains, juste après avoir récité la profession de foi habituelle sur le soutien à la sécurité d’Israël, nous disent qui menace cette sécurité. Car, franchement, à part les dirigeants israéliens eux-mêmes, personne ne fait courir le moindre risque à l’existence de ce pays et à son peuple.
Peut-être le vice-président américain a-t-il cru pouvoir ramener Israël à de meilleurs sentiments en ajoutant l’adjectif « absolu » au soutien à la sécurité de ce pays. Non, juste après son arrivée, et après avoir récité la profession de foi convenue, mais de manière un peu plus appuyée que d’habitude, les autorités israéliennes répondent par une nouvelle gifle en annonçant la construction de 1600 nouveaux logements à Jérusalem-est, un territoire occupé depuis 1967 et où vivent déjà plus de 200.000 colons.
C’en était trop tout de même pour la Maison blanche qui a réagi par la voix de son porte-parole, Robert Gibbs : « Les Etats-Unis condamnent le décision prise aujourd’hui par le gouvernement israélien », ajoutant que « ni le contenu ni le moment choisis par les autorités israéliennes pour faire cette annonce n’étaient utiles ». Quant au vice-président américain qui a subi deux humiliations successives en deux jours, il n’a rien pu faire d’autre que déplorer « ce genre de mesures qui sapent la confiance »…
Mais on a presque oublié que Joe Biden était dans la région pour aider Israéliens et Palestiniens à faire renaître l’espoir en commençant le plus tôt possible les discussions indirectes. Les encouragements de l’adjoint d’Obama ont commencé par un vœu : que les discussions indirectes se transforment un jour en …discussions directes.
Il y a des situations au Moyen-Orient face auxquelles on est dans l’indécision totale : éclater d’un rire hilare ou verser toutes les larmes de son corps ? Difficile à prendre la décision appropriée quand on sait qu’Israéliens et Palestiniens ont mené des discussions directes mais absolument stériles de 1993 jusqu’à 2009 pour aboutir en 2010 à des discussions indirectes qui, avec l’aide de Dieu, aboutiraient peut-être à des discussions directes…
Voilà où on en est aujourd’hui. En dépit des moyens de pression faramineux dont disposent les Etats-Unis, en dépit des instituts de recherche et des universités réputées produisant dans ce pays des études de nature à montrer la voie aux plus aveugles et à faire entendre raison aux plus sourds, la « médiation » américaine a consisté toujours en un soutien financier et militaire à Israël et, accessoirement, en une condamnation purement verbale de la construction de colonies sur les terres palestiniennes. Washington n’a jamais eu le courage de menacer ne serait-ce qu’une fois de mettre un frein au flot d’argent qui circule des Etats-Unis vers Israël et qui sert entre autre à construire les colonies qui rendent chaque jour un peu plus irréelle la solution au conflit israélo-arabe.
Cela dit, il y a un autre but de la visite de Biden en Israël : calmer celui-ci et l’inciter à ne pas commettre de folie en attaquant l’Iran. Là aussi, la réponse d’Israël montre le peu de cas que ce pays fait des préoccupations et des craintes américaines concernant une éventuelle conflagration régionale qui serait allumée par cette combinaison d’inconscience, d’arrogance et d’incompétence des politiciens israéliens. Et justement la réponse est venue à travers le plus incompétent d’entre eux, Danny Ayalon qui a donné au monde « quatre à huit semaines » pour régler le problème avec l’Iran. Les pays ayant des représentations diplomatiques en Israël ont tort de prendre à la légère l’ultimatum de Danny Ayalon. Celui-ci peut convoquer à tout moment leurs ambassadeurs, les placer sur des chaises courtes et les gronder vertement du haut de son fauteuil sur la complaisance de leur pays vis-à-vis de l’Iran et leur coupable inaction qui met Israël en danger.

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