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Monday, March 08, 2010

Les bonnes surprises du scrutin irakien

On ne peut pas ne pas applaudir le courage des Irakiens qui, malgré la violence, la menace terroriste et le « couvre feu » qu’ont tenté d’imposer ceux qui se sont arrogés le droit de parler au nom de Dieu, ont voté massivement dimanche dernier. La gifle donnée par le peuple irakien aux terroristes d’Al Qaida est magistrale. Défiant les menaces de mort, les électeurs ont pris d’assaut les 46 000 bureaux de vote, tournant ainsi en dérision les fanfaronnades des terroristes. Certes, ceux-ci ont réussi à tuer une quarantaine de personnes et à blesser quelques dizaines. Mais, ce nombre relativement peu élevé des victimes tranche avec l’ampleur de la menace d’ « utiliser tous les moyens pour empêcher le scrutin, y compris les moyens militaires » lancée par ce qui est appelé l’ « émirat islamique d’Irak » à la veille des élections. C’est donc un test grandeur nature qui démontre la marginalisation croissante du phénomène terroriste poussé de plus en plus dans ses derniers retranchements.
La seconde bonne surprise est la participation massive des Irakiens aux élections, et en particulier les sunnites dont le taux de participation a atteint 90% dans la province de Diyala et 82% dans la ville de Samarra. Entre le boycottage du scrutin de 2005 et la participation massive au scrutin de dimanche dernier, les sunnites, tirant les leçons des conséquences désastreuses du boycottage, ont, semble-t-il, beaucoup gagné en maturité politique. Cette évolution qui les a amenés à abhorrer la violence et à s’engager massivement dans le processus électoral est de bon augure pour l’avenir de l’Irak.
La troisième bonne surprise est que, contrairement au scrutin de 2005, dont l’aspect fondamental était le confessionnalisme, celui de dimanche dernier est largement « déconfessionnalisé » si l’on peut dire. La rivalité confessionnelle a cédé la place à la rivalité des programmes politiques. La meilleure preuve est la présence de listes chiites rivales et de listes laïques où des candidats chiites et sunnites faisaient front et défendaient un programme politique commun.
Si ces quelques bonnes surprises sont de nature à faire renaître l’espoir que tout n’est pas perdu en Irak, que le pays a pratiquement échappé à la partition, le plus grand danger qui le menaçait, les défis qui attendent toujours d’être relevés sont immenses et les Irakiens ont encore de longs chemins tortueux et épineux à parcourir avant de retrouver l’indépendance politique et la stabilité sociale.
C’est sans doute pour atteindre ces deux objectifs fondamentaux que des millions d’électeurs ont pris des risques pour leur vie afin d’accomplir leur devoir électoral. Ils ont accompli avec courage et bravoure ce que leur pays attend d’eux, et la balle est actuellement dans le camp de la classe politique. Saura-t-elle faire preuve d’autant de courage et de bravoure que le peuple q’elle entend représenter dans les instances gouvernementales ? Les mois qui viennent apporteront la réponse.
Les mois qui viennent, car en effet il faut des mois et non des semaines pour que le prochain gouvernement issu des élections de dimanche s’installe et prenne en charge les affaires du pays. Après les élections de 2005, il a fallu cinq mois de tractations et de luttes politiques larvées pour que la classe politique s’entende sur un gouvernement de coalition. Aujourd’hui, les choses sont à la fois plus simples et plus compliquées. Plus simples, car il n’y a pas eu de boycottage massif excluant le quart de la population. Plus compliquées, car ce n’est pas une mince affaire que de choisir dans une première étape 325 députés sur plus de 6000 candidats représentant 86 partis politiques et, dans une seconde étape, de former un gouvernement qui soit à la fois représentatif de la volonté du peuple et puissant pour obtenir l’indépendance du pays, assurer sa stabilité et entamer les grands travaux de reconstruction.
En fait, s’il y a 86 formations politiques en lice, la plupart sont petites et quelques unes sont même un peu folkloriques. Cependant, il y’en a deux qui émergent du lot et qui peuvent prétendre à gouverner l’Irak : la coalition laïque « Irakia » comprenant des chiites et des sunnites et dirigée par l’ancien Premier ministre Iyad Allaoui, et la coalition de partis religieux chiites « Etat de droit » dirigée par l’actuel Premier ministre Nouri al-Maliki. Il y a tout lieu de croire que l’une de ces deux coalitions sera l’axe central autour duquel tournera le prochain gouvernement.
Le problème avec la coalition « Etat de droit », est qu’elle peut apparaître aux yeux de beaucoup d’Irakiens comme sectaire dans la mesure où elle est composée quasi-exclusivement de chiites. La coalition « Irakia », quant à elle, a le double avantage d’être à la fois laïque et composée d’Irakiens de diverses confessions. Elle est donc plus à même d’assumer l’une des tâches principales qui incombent à tout gouvernement irakien : la réconciliation nationale.
Mais en attendant, les mois qui viennent ne seront pas de tout repos en Irak. Pour prévenir les risques de dérapages, le gouvernement qui reste en place pour expédier les affaires courantes a deux lourdes responsabilités qui pèsent sur ses épaules. La première est d’assurer la sécurité des Irakiens vis-à-vis des terroristes suicidaires qui sont toujours à la recherche de la moindre faille à exploiter. Et la deuxième consiste à s’autocontrôler afin d’éviter tout abus de pouvoir et toute tentation de se servir dans une période aussi sensible que cette période post-électorale.

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