airelibre

Friday, October 27, 2006

Le désarroi des électeurs américains

Qui ne se rappelle pas la célèbre fanfaronnade de président américain, George W. Bush du 1er mai 2003? Ce jour là, Bush, en tenue d'aviateur, atterrit sur le porte-avions Lincoln, sort de son F16 et proclame la "victoire en Irak" face à un public de militaires et au beau milieu de banderoles proclamant un peu pompeusement "Mission accomplished". Mission accomplie veut dire que le travail dévolu à l'armée américaine en Irak a été fait. Mais il se trouve que trois ans et cinq mois après sa célèbre fanfaronnade, Bush, dans un discours électoral à Saratosa (Floride), mardi dernier, promettait aux Américains que leur armée ne quitterait pas l'Irak "avant que le travail ne soit fait"…
Quel travail ? Avec quel plan ? Sur la base de quelle stratégie ? Personne ne sait et Bush moins que tout autre. Les candidats républicains qui attendent les élections du 7 novembre prochain avec angoisse, tentent désespérément de se distancer de celui qui est devenu pour eux une tare qui réduit sensiblement leurs chances d'être élus ou réélus. Un exemple parmi d'autres: Chris Chocola, un républicain qui souhaite se faire réélire à la Chambre des représentants tient son quartier général à South Bend dans l'Etat de l'Indiana. Dans son bureau, il a pris soin de mettre une grande photo de…Ronald Reagan, prenant soin de cacher celle de George Bush. Pourquoi? Parce que "Bush, qui était avant un atout pour les candidats républicains, est devenu potentiellement dévastateur" pour les Républicains qui tentent de se faire élire ou réélire, rapporte l'envoyé spécial d'une grande chaîne de télévision américaine qui cite Chris Chocola. Pire encore, George Bush a fait le voyage jusqu'à l'Indiana pour aider le candidat républicain à ramasser de l'argent, mais il n'a pas été invité à apparaître en public avec le candidat, comme c'est généralement le cas en pareilles circonstances.
Evidemment, il n'y a pas que la politique de Bush en Irak qui menace gravement la mainmise des Républicains sur le Congrès. Depuis des mois, les scandales impliquant des élus du parti de George Bush se succèdent à un rythme infernal. Le dernier étant celui du représentant Mark Foley qui était l'initiateur d'une loi protégeant les enfants, mais qui venait de démissionner parce que la presse américaine a révélé l'existence d'une abondante correspondance, lourdement chargée de connotations sexuelles, que "le protecteur de l'enfance" entretenait avec des gamins de 16 ans…
Pris isolément, le scandale Foley n'aurait peut-être pas inquiété outre mesure les candidats républicains à la Chambre des représentants et au sénat. Mais il intervient en tant que facteur aggravant dans un contexte où le parti républicain est de plus en plus montré du doigt pour toutes les erreurs commises depuis le vote du Congrès en 2002, donnant carte blanche à Bush pour envahir l'Irak, jusqu'à ce jour où l'Amérique se trouve dans l'insoutenable situation où elle ne peut ni quitter ni rester en Irak. Chaque jour qui passe amène aux candidats de mauvaises nouvelles d'Irak où le mois d'octobre s'avère être l'un des mois les plus sanglants pour l'armée américaine qui compte déjà près de cent morts avant même que le mois ne se termine. Pourtant, les Républicains, comme l'a reconnu leur chef de file au sénat, Bill Frist, ont tout fait pour "amener les Américains à se concentrer sur leur porte-monnaie plutôt que sur l'Irak ou sur le terrorisme". Sans succès bien sûr, l'Irak s'étant imposé comme le principal sujet de la campagne électorale.
Toutefois, aussi favorable que soit cette situation pour le parti démocrate, ses candidats ne semblent pas capables de l'exploiter en leur faveur et de réaliser des scores qui leur permettent de reprendre massivement le contrôle des deux chambres du Congrès. Leur timidité et leur campagne électorale un peu trop timorée s'expliquent sans doute par leur engagement aux côtés de George Bush dans la guerre contre l'Irak, puisque eux aussi, à l'exception d'une poignée de parlementaires démocrates, ont signé le fameux chèque en blanc évoqué plus haut.
L'Irak est incontestablement au centre de cette campagne électorale. Mais, c'est la presse qui en parle beaucoup plus que les candidats. Généralement, ceux-ci n'en parlent que s'ils ont voté contre la guerre ou s'ils sont de nouveaux candidats n'ayant rien à voir avec la décision d'aller en guerre contre le régime de Saddam Hussein.
Les attaques personnelles de très bas niveau que se lancent les candidats à la tête les uns des autres font que cette campagne soit décrite par beaucoup d'Américains comme "la plus pourrie" qu'ils aient jamais vue. Voici par exemple l'attaque menée contre Hillary Clinton par son rival républicain :" Elle est moche, pourquoi Bill Clinton s'est-il marié avec elle? Bon maintenant, elle est un peu mieux grâce aux millions dépensées en chirurgie esthétique". Une candidate républicaine a menacé un rival sur chaise roulante avec qui elle débattait en ces termes :"Si vous n'étiez pas sur cette chaise, je vous aurait donné une paire de gifles". Ce qui a fait dire à Howard Kurtz, commentateur du Washington Post : "Nous sommes descendus bien bas dans la boue".
Ce bas niveau atteint par la campagne électorale qui bât son plein aux Etats-Unis s'explique par la panique des Républicains, qui redoutent de perdre le contrôle de la Chambre des représentants et du sénat, et qui, à court d'arguments, ne trouvent rien d'autre que les attaques personnelles pour se distinguer de leurs rivaux.
Ceci désoriente encore plus ceux qui, parmi les électeurs américains, souhaitent un réel changement. Bob Herbert, l'un des commentateurs vedettes du New York Times, concluait jeudi dernier son article en ces termes :"Les gens veulent le changement. Mais l'absence de grand enthousiasme pour les Démocrates est une indication que le système en lui-même ne marche pas bien, et c'est un problème qui pourrait s'avérer plus sérieux encore que l'Irak. Il y'a seulement deux grands partis. Le jour du vote, vers qui vont se tourner ces citoyens qui pensent que leur pays est dans une situation délicate, mais qu'aucun des deux partis ne possède la solution?"

0 Comments:

Post a Comment

<< Home