airelibre

Saturday, October 21, 2006

LE LOBBY ISRAELIEN
Etude menée conjointement par John Mearsheimer (Université de Chicago) et Stephen Walt (Université de Harvard)
Présentée et traduite de l'Anglaispar Hmida BEN Romdhane



Un tabou vient de s'écrouler aux Etats Unis. Jusqu'à une date récente, la nature profonde des relations israélo-américaines n'était évoquée, publiquement, que dans une perspective bien précise : identité de vues, des intérêts inséparables et des objectifs communs liant, politiquement, les deux pays. Quiconque, journaliste, politicien ou chercheur, s’aventurant à s’écarter, dans ses commentaires oraux ou écrits, de cette optique est automatiquement mis sur une liste noire et sa vie professionnelle aussitôt menacée.Les deux chercheurs, John Mearsheimer, de l’Université de Chicago, et Stephen Walt, de l’Université de Harvard, sont très connus et très respectés dans les milieux académiques des Etats-Unis. L’étude qu’ils ont menée sur les relations israélo-américaines et le moteur principal qui les propulse, le lobby pro-israélien, a été boycottée par ce qu’ils appellent «The Main Stream Media», les grands journaux des côtes est et ouest, ce qui les a obligé à la publier sur le site internet de Harvard. La London Revue of Books a, par la suite, publié une version abrégée de l’étude.Mersheimer et Walt ne sont ni anti-israéliens ni anti-arabes. Ce sont deux chercheurs qui ont fait preuve d’un grand courage et, il faut bien le dire, ont pris des risques certains en disant tout haut ce que beaucoup, aux Etats-Unis et en Europe, chuchotent tout bas. Leur étude n’est pas un tract ni un pamphlet inspiré du texte apocryphe, Les Protocoles des Sages de Sion, comme la qualifie le trop pro-israélien, The New York Sun, par exemple. Ce n’est pas un texte politique de propagande anti-israélienne et pro-arabe, comme il est décrit par les cercles et les individus qui gravitent autour du lobby israélien et son axe central, l’American-Israeli Public Affairs Committee (AIPAC), mis à nu, arguments à l’appui, par les deux chercheurs.L’étude (dont nous publions la première partie cette semaine et la seconde partie samedi prochain) part d’une question simple et légitime : «Pourquoi les Etats-Unis ont-ils pris le risque de mettre en danger leur propre sécurité et celle de leurs alliés afin de servir les intérêts d’un autre Etat ?». L’autre Etat, est, bien évidemment, Israël dont le lobby est arrivé, par de nombreux moyens analysés par les chercheurs, à convaincre le peuple des Etats-Unis que les intérêts israélo-américains sont si imbriqués et si inter-dépendants qu’ils en deviennent «inséparables».John Mearsheimer et Stephen Walt veulent comprendre pourquoi le contribuable américain donne-t-il, chaque année, trois milliards de dollars à Israël, c'est-à-dire 500 dollars à chaque Israélien, alors que ce pays a un revenu par tête d’habitant équivalent à celui de l’Espagne ou de la Corée du sud ? Pourquoi les Etats-Unis font-ils de la sécurité d’Israël une priorité de leur politique étrangère, alors que ce pays dispose de l’armée la plus puissante dans la région du Moyen-Orient et est le seul à disposer de l’arme nucléaire ? Pourquoi les Etats-Unis multiplient-ils le nombre de leurs ennemis dans le monde arabe et islamique pour défendre diplomatiquement et aider militairement un pays parfaitement capable de se défendre tout seul ?Pour répondre à ces questions, les auteurs analysent, en profondeur, la valeur stratégique d’Israël par rapport aux intérêts américains et arrivent à la conclusion que cette valeur est nulle. Plus encore, «Israël est un fardeau stratégique pour les Etats-Unis», écrivent les auteurs. Cette relation très spéciale se justifierait-elle, alors, par des raisons morales ? Là aussi, après une analyse minutieuse, les auteurs de l’étude concluent qu’aucune raison morale n’oblige les Etats-Unis à mettre en danger leurs intérêts pour entretenir une telle relation avec Israël. Plus encore, remarquent-ils, «si l’argument moral devait être pris en compte, les Etats-Unis devraient, plutôt, aider les Palestiniens», compte tenu de leur faiblesse et du calvaire qu’ils endurent depuis des décennies.Alors pourquoi ? Une seule explication : la redoutable efficacité et l’influence incroyable qu’exerce le lobby israélien dans les milieux politiques et médiatiques aux Etats-Unis. Cette influence est telle que la politique américaine au Moyen Orient est façonnée par des responsables politiques dont la loyauté à l’égard du lobby et d’Israël dépasse leur loyauté à l’égard de leur pays et de ses intérêts. Mearsheimer et Walt donnent l’exemple de l’un des parlementaires les plus influents au Congrès, le chef de file des républicains, Dick Armey, qu’ils qualifient de «Chrétien Sioniste». Dick Armey a dit, en septembre 2002 : «Ma première priorité en politique étrangère est la protection d’Israël». Les auteurs remarquent avec une certaine amertume : «On pourrait penser que la priorité en politique étrangère de tout représentant au Congrès est de protéger l’Amérique».L’étude n’est pas passée inaperçue en Israël, évidemment. Le premier journal qui a réagi est le Haaretz, un journal plutôt critique à l’égard de la politique israélienne. Il n’a pas hésité, par exemple, à écrire, au plus fort de la seconde intifadha, que «l’armée israélienne s’est transformée en machine à tuer». Réagissant au texte de Mearsheimer et Walt, le journal israélien a estimé que cette étude «devrait servir de signal d’alarme des deux côtés de l’océan». L’auteur de l’article du Haaretz, Daniel Levy, reconnaît, implicitement, quelques effets néfastes du lobby sur les intérêts d’Israël. Il semble même endosser l’idée des auteurs que «l’influence du lobby a découragé Israël de saisir des opportunités …qui auraient pu sauver des vies israéliennes et réduire le nombre d’extrémistes palestiniens…». Le journaliste israélien met en cause les «évangélistes américains» et leur influence sur le lobby, en termes d’intransigeance des positions politiques. Qualifiant ces évangélistes d’«irresponsables», il appelle à «repenser» le rôle du lobby dans les relations israélo-américaines. Mais le Haaretz n’est pas le seul journal à appeler à un débat à ce niveau. L’influent journal britannique, The Financial Times, a appelé à l’ouverture d’un «débat honnête sur l’influence d’Israël sur la politique étrangère américaine». Comme on le voit, les langues se délient, petit à petit. Reste que le vrai débat ne sera engagé que quand les grands journaux américains des côtes est et ouest entrent dans la danse. Mais est-ce pour demain ?
LE LOBBY ISRAELIEN
Par John Mearsheimer et Stephen Walt
Durant plusieurs décennies, et en particulier depuis la guerre des six jours en 1967, la relation entre Israël et les Etats Unis a été la pierre angulaire de la politique américaine au Moyen Orient. La combinaison entre le soutien inébranlable d’Israël et l'effort concomitant consistant à répandre la démocratie à travers la région a enflammé l'opinion arabe et islamique et mis en danger non seulement la sécurité des Etats Unis mais aussi celle d'une importante partie du monde. Cette situation n'a pas d'équivalent dans l'histoire américaine. Pourquoi les Etats-Unis ont-ils pris le risque de mettre en danger leur propre sécurité et celle de leurs alliés afin de servir les intérêts d’un autre Etat ? On peut supposer que les liens entre les deux pays sont basés sur des intérêts stratégiques communs ou sur des impératifs moraux contraignants, mais aucune de ces explications ne peut rendre compte du niveau remarquable du soutien matériel et diplomatique apporté à Israël par les Etats-Unis.La politique américaine dans la région est déterminée entièrement par la politique intérieure, et spécialement par les activités du « lobby israélien ». D’autres groupes d’intérêt ont influé sur la politique étrangère, mais aucun lobby n’a réussi à l’écarter aussi loin des impératifs qui découleraient de l’intérêt national, et dans le même temps convaincre les Américains que les intérêts US et ceux d’un autre pays –en l’occurrence, Israël- sont essentiellement identiques. Depuis la guerre d’octobre de 1973, Washington a assuré à Israël un niveau de soutien dont aucun autre pays au monde n’a eu le privilège d’en bénéficier. Israël était le plus grand bénéficiaire de l’aide économique et militaire directe délivrée annuellement depuis 1976, et le plus grand bénéficiaire en chiffres absolus depuis la deuxième guerre mondiale, atteignant un montant de 140 milliards de dollars (valeur 2004). Israël reçoit une assistance directe annuelle de 3 milliards de dollars, environ le un cinquième du budget américain alloué à l’aide extérieure, soit 500 dollars par an pour chaque Israélien. Cette générosité est d’autant plus étonnante qu’Israël est aujourd’hui un pays industriel riche dont le revenu par tête d’habitant équivaut à celui de l’Espagne ou de la Corée du sud.Les autres bénéficiaires reçoivent leur part par tranches, alors qu’Israël reçoit la totalité de l’aide au début de chaque année fiscale, ce qui lui permet d’engranger des intérêts. La plupart des bénéficiaires de l’aide militaire sont obligés de la dépenser intégralement aux Etats-Unis, mais pas Israël. Ce pays est autorisé à utiliser le quart de cette aide à la subvention de sa propre industrie militaire. C’est le seul bénéficiaire de l’aide américaine qui n’est pas obligé de rendre compte de la manière dont cette aide est dépensée, et, par conséquent, il est impossible d’éviter qu’elle ne soit utilisée dans des domaines incompatibles avec la politique américaine, telle que la construction de colonies en Cisjordanie. Plus encore, Les Etats-Unis ont accordé 3 milliards de dollars à Israël pour le développement de son industrie d’armement et lui a donné accès aux secrets militaires relatifs à la fabrication de l’hélicoptère Blackhawk et du bombardier F-16. Enfin, les Etats-Unis donnent à Israël accès à des renseignements qu’ils refusent à leurs alliés de l’OTAN, et ont regardé ailleurs au moment où Israël développait ses armes nucléaires.Washington accorde aussi à Israël un soutien diplomatique consistant. Depuis 1982, les Etats-Unis ont opposé 32 fois leur veto à des résolutions du Conseil de sécurité critiquant Israël, plus que tous les autres vetos enregistrés chez les quatre autres membres permanents. Washington bloque les efforts des pays arabes de mettre l’arsenal nucléaire israélien à l’ordre du jour de l’AIEA. Les Etats-Unis viennent au secours d’Israël en tant de guerre et prennent son parti lors des négociations de paix. L’administration Nixon l’avait protégé de la menace d’intervention soviétique et lui avait fourni de armes pendant la guerre d’Octobre. Les Etats-Unis étaient profondément impliqués dans les négociations qui avaient mis fin à cette guerre, ainsi que dans le long processus du « pas-à-pas » qui avait suivi, tout comme ils avaient joué un rôle central dans les négociations qui avaient précédé et suivi les Accords d’Oslo de 1993. Il y’avait eu des frictions entre les responsables israéliens et américains, mais les Etats-Unis avaient toujours fini par soutenir la position israélienne. Un responsable américain ayant participé aux négociations de Camp David en 2000 avait dit : « Très souvent, nous avions agi comme…les avocats d’Israël. » Enfin, l’ambition de l’administration Bush de réformer le Moyen Orient est motivée, au moins en partie, par le souci d’améliorer la situation stratégique d’Israël.Cette extraordinaire générosité pourrait se comprendre si Israël était un atout stratégique ou un cas moralement contraignant pour que les Etats-Unis les soutiennent. Mais aucune de ces explications n’est convaincante. On pourrait soutenir qu’Israël était un atout lors de la guerre froide. En agissant comme un auxiliaire de l’Amérique après la guerre de 1967, il avait aidé à l’endiguement de l’expansion soviétique dans la région et infligé d’humiliantes défaites aux clients de l’URSS comme l’Egypte et la Syrie. Occasionnellement, Israël avait aidé à protéger des alliés des Etats-Unis (comme le roi Hussein de Jordanie), et ses prouesses militaires avaient forcé Moscou à dépenser plus dans le soutien de ses clients. Israël avait aussi fourni des renseignements utiles sur les capacités soviétiques.Cependant, le prix payé pour le soutien d’Israël est élevé, sans compter les complications engendrées par ce soutien au niveau des relations des Etats-Unis avec le monde arabe. Par exemple, la décision d’octroyer 2,2 milliards de dollars en aide militaire d’urgence pendant la guerre d’Octobre, déclencha un embargo pétrolier de l’OPEP qui avait causé de graves dommages aux économies occidentales. En dépit de tout ce soutien, les forces armées israéliennes n’étaient pas en mesure de défendre les intérêts US dans la région. Les Etats-Unis n’avaient pas pu, par exemple, compter sur Israël quand la révolution iranienne de 1979 avait suscité des inquiétudes quant à l’approvisionnement en pétrole ; ils avaient dû créer leurs propres « Forces de Déploiement Rapide ».La guerre du Golfe avait révélé combien Israël était devenu un fardeau stratégique. Les Etats-Unis ne pouvaient pas utiliser les bases israéliennes sans mettre en danger la coalition anti-irakienne. L’histoire s’est répétée en 2003 : bien qu’Israël fût impatient de voir les Etats-Unis attaquer l’Irak, Bush ne pouvait pas demander son aide sous peine de provoquer l’opposition de ses alliés arabes. Donc, une fois encore, Israël reste en marge.Dans les années 1990, et plus encore depuis le 11 Septembre, le soutien américain était justifié par la prétention que les deux pays, Israël et les Etats-Unis, étaient menacés par des groupes terroristes originaires du monde arabo-musulman, ainsi que par des « Etats voyous » qui soutiennent ces groupes et cherchent à se doter d’armes de destruction massive. Ceci implique que non seulement les Etats-Unis devraient donner carte blanche à Israël dans la gestion au niveau de ses rapports avec les Palestiniens, de ne pas lui imposer des concessions jusqu’à ce que tous les terroristes palestiniens soient morts ou emprisonnés, mais cela veut dire aussi que Washington devrait s’attaquer à des pays comme l’Iran ou la Syrie. C’est ainsi qu’Israël est considéré comme un allié crucial dans la guerre contre le terrorisme, parce que ses ennemis sont ceux de l’Amérique. En fait, Israël est un handicap dans la guerre contre le terrorisme et les Etats voyous.Le «terrorisme» n’est pas un adversaire simple et unique, mais une tactique employée par une large variété de groupes politiques. Les organisations terroristes qui menacent Israël ne menacent pas les Etats-Unis, sauf quand ils interviennent contre eux (comme c’était le cas au Liban en 1982). De plus, le terrorisme palestinien n’est pas une violence aveugle orientée contre Israël ou « l’Occident » ; c’est, dans une large mesure, une réponse à la longue campagne israélienne de colonisation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.Plus important encore, les Etats-Unis ont un problème de terrorisme, dans une large mesure, à cause de la relation étroite qu’ils entretiennent avec Israël. Le soutien à Israël n’est pas l’unique raison du terrorisme anti-américain, mais c’est l’une des raisons importantes. De ce fait, la victoire dans la guerre contre le terrorisme devient plus difficile. Nul doute que beaucoup de dirigeants d’Al Qaida, y compris Ousama Ben Laden, sont motivés par la présence d’Israël à Jérusalem et le calvaire des Palestiniens. Un soutien inconditionnel pour Israël est de nature à faciliter la tâche des extrémistes au niveau du ralliement qu’ils recherchent auprès des populations et de l’attraction de nouvelles recrues.Il en est de même pour ce qu’on appelle les Etats voyous au Moyen Orient. Ils ne constituent pas une menace terrible pour les intérêts des Etats-Unis, comme celle qu’ils posent pour Israël. Même si ces Etats acquièrent des armes nucléaires –ce qui est évidemment indésirable- ni les Etats-Unis, ni Israël ne pourront être soumis à un chantage, car le maître chanteur ne pourrait mettre à exécution sa menace sans courir le risque de représailles dévastatrices. Le danger que des armes nucléaires soient délivrées à des terroristes est aussi invraisemblable, parce que l’Etat voyou n’est pas sûr que la livraison passerait inaperçue ou qu’il ne serait pas puni par la suite. La relation avec Israël rend difficile la tâche des Etats-Unis consistant à gérer leurs rapports avec ces Etats voyous. L’arsenal nucléaire israélien est l’une des raisons qui explique que certains de ses voisins tiennent à se doter de l’arme nucléaire ; menacer ces régimes de renversement ne fait qu’accroître leur désir s’approprier cette arme.Une autre raison enfin qui nous pousse à mettre en doute la valeur stratégique d’Israël est que ce pays ne se comporte pas comme un allié loyal. Les responsables israéliens ignorent fréquemment les demandes américaines ou renient leurs promesses (y compris les promesses d’arrêter la construction des colonies ou de mettre un terme aux « assassinats ciblés » des dirigeants palestiniens). Israël a livré de la technologie militaire sensible à des rivaux potentiels comme la Chine, ce que l’inspecteur général du département d’Etat avait appelé « des opérations systématiques de transferts non autorisés». Selon le ‘General Accounting Office’, Israël «a mené, plus qu’aucun autre allié, les opérations d’espionnage les plus agressives contre les Etats-Unis». En plus du cas de Jonathan Pollard, qui donna à Israël une grande quantité de documents secrets au début des années 1980 (qui les avait passés à son tour à l’URSS en échange de plus de visas de sortie pour les juifs soviétiques), une nouvelle controverse éclata en 2004 quand il fut révélé qu’un important responsable du Pentagone, Larry Franklin, avait passé des informations secrètes à un diplomate israélien. Israël n’est pas le seul pays qui espionne les Etats-Unis, mais sa détermination à espionner son principal allié jette plus de doute encore sur sa valeur stratégique.La valeur stratégique d’Israël n’est pas la seule question qui pose problème. Ses défenseurs prétendent aussi que ce pays mérite un soutien sans faille parce qu’il est entouré d’ennemis ; c’est une démocratie ; le peuple juif avait été victime, par le passé, des crimes et, par conséquent, a droit à un traitement spécial ; et la conduite d’Israël est moralement supérieure à celle de ses adversaires. A voir les choses de plus près, aucun de ces arguments n’est convaincant. Il y’a un fort argument moral de soutenir l’existence d’Israël, mais celle-ci n’est pas en danger. En toute objectivité, la conduite passée et présente d’Israël n’offre aucune base morale pour le privilégier par rapport aux Palestiniens.Israël est la plupart du temps décrit comme David confronté à Goliath, mais c’est le contraire qui est plus proche de la vérité. Contrairement à une idée reçue, les Sionistes avaient une armée plus grande et mieux équipée pendant la guerre d’indépendance de 1947-1949, et les forces de défense israéliennes avaient remporté aisément des victoires contre l’Egypte en 1956, et contre l’Egypte, la Jordanie et la Syrie en 1967- tout ceci avant que l’aide massive américaine ne commence à affluer. Aujourd’hui, Israël est la plus grande puissance militaire au Moyen Orient. Ses forces conventionnelles sont de loin supérieures à celles de ses voisins, et c’est l’unique pays dans la région qui possède des armes nucléaires. L’Egypte et la Jordanie ont signé des accords de paix avec lui et l’Arabie Saoudite a offert de faire de même. La Syrie a perdu son grand allié soviétique, l’Irak est ruiné par trois guerres désastreuses et l’Iran est loin de plusieurs centaines de kilomètres. Les Palestiniens ont à peine une force de police, et aucune armée qui serait une menace pour Israël. Selon une évaluation du Centre des études stratégiques de l’Université de Tel Aviv, «l’équilibre stratégique est décidément en faveur d’Israël qui a continué à élargir le fossé qualitatif entre les capacités de son armée et son pouvoir de dissuasion et ceux de ses voisins.» Si le soutien du faible était un motif moralement contraignant, les Etats-Unis devraient plutôt apporter leur aide aux adversaires d’Israël.Le fait qu’Israël soit une démocratie entourée de dictatures hostiles ne peut pas justifier le niveau actuel de l’aide : il y’a plusieurs démocraties dans le monde, mais aucune ne reçoit une aide aussi généreuse. Dans le passé, les Etats-Unis avaient renversé de nombreux gouvernements démocratiques et soutenu des dictateurs quand ils estimaient que ceci pouvait servir leurs intérêts.Quelques aspects de la démocratie israélienne sont aux antipodes des valeurs américaines fondamentales. Contrairement aux Etats-Unis, où les gens sont supposés jouir des mêmes droits indépendamment de leur race, religion ou origine ethnique, Israël se considère explicitement comme un Etat juif dont la citoyenneté est basée sur le principe du droit du sang. Ceci dit, il n’est pas étonnant que les 1,3 million d’Arabes sont traités comme des citoyens de seconde zone. Une commission gouvernementale israélienne a même trouvé récemment qu’Israël se comporte envers eux avec «négligence et discrimination». Son statut démocratique est également entaché par son refus d’accorder aux Palestiniens le droit à un Etat viable ou les pleins droits politiques.Une troisième justification est l’histoire de la souffrance juive dans l’Occident chrétien, spécialement durant l’holocauste. Parce que les Juifs étaient persécutés pendant des siècles et ne pouvaient se sentir en sécurité que dans une patrie juive, beaucoup pensent maintenant qu’Israël mérite un traitement spécial de la part des Etats-Unis. La création d’Israël est sans aucun doute une réponse appropriée à la longue série de crimes commis contre les Juifs. Mais elle a engendré aussi de nouveaux crimes contre une tierce partie largement innocente : les Palestiniens.Ceci était bien compris par les premiers dirigeants israéliens. David Ben Gourioun confia au président du Congrès juif mondial, Nahum Goldmann : «Si j’étais un dirigeant arabe, je ne reconnaîtrais jamais Israël. C’est naturel : nous leur avons pris leur pays…Nous venons d’Israël, mais il y’a de cela deux mille ans. Qu’est ce que cela veut dire pour eux ? Il y’a eu l’anti-sémitisme, Les Nazis, Hitler, Auschwitz, mais était-ce leur faute ? Ils ne voient qu’une chose : Nous sommes venus ici pour leur voler leur pays. Pourquoi devraient-ils accepter cela ?»Depuis, les dirigeants israéliens se sont employés, les uns après les autres, à dénier les ambitions nationales palestiniennes. Quand elle était premier ministre, Golda Meir était allé jusqu’à nier l’existence même des Palestiniens. Sous la pression de la violence et de la croissance démographique, des dirigeants israéliens avaient fini par se désengager de la bande de Gaza et de considérer d’autres retraits, mais pas même Yitzhak Rabin n’était prêt à offrir un Etat viable aux Palestiniens. La prétendue offre généreuse d’Ehud Barak à Camp David ne leur garantissait en fait qu’un ensemble de bantoustans désarmés sous contrôle israélien. La tragique histoire des Juifs n’oblige pas les Etats-Unis à aider aujourd’hui Israël.Les défenseurs d’Israël le décrivent aussi comme un pays qui a toujours cherché la paix et fait preuve de retenue, ne cédant pas à la provocation. En revanche, les Arabes sont montrés comme étant des gens qui agissent avec une grande méchanceté. Pourtant, sur le terrain, le comportement d’Israël n’est guère différent de celui de ses adversaires. Ben Gourioun avait reconnu que les premiers sionistes n’étaient pas bienveillants à l’égard des Palestiniens qui avaient résisté à leurs empiètements –ce qui n’est pas étonnant puisque les sionistes voulaient établir un Etat sur les terres palestiniennes. De même, la création d’Israël en 1947-48 était accompagnée d’actes de nettoyage ethnique, d’exécutions, de massacres et de viols commis par des Juifs. En outre, le comportement d’Israël a souvent été brutal démentant toute prétention à la supériorité morale. Entre 1949 et 1956, par exemple, les force de sécurité israéliennes ont tué entre 2700 et 5000 Arabes, l’écrasante majorité ne portant pas d’armes. L’armée israélienne massacra des centaines de prisonniers de guerre égyptiens dans les deux guerres de 1956 et 1967. Elle expulsa entre 100.000 et 260.000 Palestiniens de Cisjordanie et 80.000 Syriens des hauteurs du Golan.Durant la première intifadha, l’armée israélienne distribua des matraques à ses soldats et les encouragea à briser les os des manifestants palestiniens. La branche suédoise de ‘Save the Children’ (Sauvez les Enfants) estimait qu’entre 23.000 et 29.900 enfants avaient dû recevoir des traitements médicaux suite à des blessures pendant les deux premières années de l’Intifadha. Près du tiers d’entre eux étaient âgés de 10 ans ou moins. La réponse à la seconde intifadha a été plus violente encore, ce qui a amené le quotidien ‘Haaretz’ à affirmer que «l’armée israélienne s’est transformée en une machine à tuer terrifiante». L’armée israélienne a tiré un million de balles dans les premiers jours du soulèvement palestinien. Depuis, pour chaque Israélien perdu, Israël a tué 3, 4 Palestiniens dont la plupart des passants innocents. La ratio enfants palestiniens / enfants israéliens tués est même plus élevée (5, 7 Palestiniens pour 1 Israélien). Il est utile aussi de garder en tête que les sionistes avaient eu recours au terrorisme et aux bombes pour amener les Britanniques à quitter la Palestine, et que Yitzhak Shamir, un terroriste devenu plus tard premier ministre, disait que «ni l’éthique juive ni la tradition juive ne s’opposent à ce que le terrorisme soit un moyen de combat».Le recours au terrorisme par les Palestiniens est erroné mais pas surprenant. Les Palestiniens croient qu’il n’y a aucun autre moyen pour obtenir des concessions des Israéliens. Ehud Barak avait admis une fois : «Si j’étais Palestinien, j’aurais rejoint une organisation terroriste».Si ni l’argument stratégique ni l’argument moral ne peuvent expliquer le soutien américain à Israël, par quoi s’explique-t-il donc ?L’explication se trouve dans le pouvoir inégalé du lobby israélien. Nous utilisons ‘le lobby’ pour désigner une coalition hétéroclite d’individus et d’organisations qui s’activent à influencer la politique étrangère américaine dans une direction pro-israélienne. Ceci ne veut pas dire que ‘le lobby’ est un mouvement unifié avec un leadership central ou bien que les individus qui en font partie ne divergent pas sur certaines questions. Tous les Juifs américains ne font pas partie du lobby, parce que Israël n’est pas au centre des préoccupations de beaucoup d’entre eux. Dans un sondage effectué en 2004, par exemple, environ 36% des Juifs américains se disaient «pas trop» ou «pas du tout» émotionnellement attachés à Israël.Les Juifs américains divergent aussi sur des politiques israéliennes spécifiques. Beaucoup d’importantes organisations au sein du lobby, tels que l’American-Israeli Public Affairs Committee (AIPAC) ou la Conférence des présidents des grandes organisations juives sont dirigées par des extrémistes qui, généralement, soutiennent les politiques expansionnistes du Likoud, y compris son hostilité au processus de paix d’Oslo. La majeure partie de la communauté juive américaine, cependant, est encline à faire des concessions aux Palestiniens, et quelques groupes –comme la Voix Juive pour la Paix- défend fermement cette politique conciliatrice. Malgré ces différences, modérés et extrémistes préfèrent apporter un soutien ferme à israël.Il n’est pas surprenant que les leaders juifs américains consultent les responsables israéliens pour s’assurer que leur action va dans le sens des objectifs fixés par Israël. Comme l’a écrit un activiste d’une grande organisation juive, C’est de la routine pour nous de dire : «Ceci est notre politique sur telle ou telle question, mais nous devons nous concerter avec les Israéliens pour voir ce qu’ils en pensent.» Nous, en tant que communauté, le faisons tout le temps.’ Il y’a une puissante prévention contre la critique de la politique israélienne, et mettre la pression sur Israël est tout simplement hors de question. Edgar Bronfman Sr, le président du Congrès juif mondial était accusé de «perfidie» quand il écrivit une lettre au président Bush en 2003 l’exhortant à persuader Israël de mettre un terme à la construction de sa «barrière de sécurité» controversée. Ses détracteurs disaient qu’«il serait obscène pour le président du Congrès juif mondial d’inciter le président des Etats-Unis à résister à une politique choisie par le gouvernement d’Israël». De même, quand le président de «Israël Policy Forum», Seymour Reich, conseilla Condoleezza Rice en Novembre 2005 de demander à Israël de rouvrir la frontière, vitale pour la bande de Gaza, son initiative était dénoncée comme «irresponsable». Ses détracteurs disaient : «Il n’y a absolument pas de place au sein des grandes organisations juives pour ceux qui font du démarchage contre la politique de sécurité d’Israël». Faisant marche arrière face à ces attaques, Reich annonça que ‘le mot «pression» ne fait plus partie de mon vocabulaire quand il s’agit d’Israël.’Les Juifs américains ont mis en place un ensemble impressionnant d’organisations pour influencer la politique étrangère américaine. Parmi elles, l’AIPAC est la plus puissante et la mieux connue. En 1997, le magazine Fortune demanda à des membres du Congrès et à leurs staffs de citer les lobbies les plus puissants à Washington. AIPAC était classé deuxième, juste derrière l’Association des Retraités Américains, mais avant l’AFL-CIO (American Federation of Labor and Congress of Industrial Organizations) et la National Rifle Association. Une étude du National Journal, publiée en mars 2005, arriva à la même conclusion. Le lobby comprend aussi de proéminents chrétiens évangéliques comme Gary Bauer, Jerry Falwell, Ralph Reed et Pat Robertson, ainsi que Dick Armey et Tom DeLay, anciens leaders de la majorité républicaine à la Chambre des représentants. Tous ces gens croient que la renaissance d’Israël est une concrétisation de la prophétie biblique et soutiennent son programme expansionniste. Agir autrement, pensent-ils, serait contraire à la volonté divine. Les néo-conservateurs non juifs comme John Bolton (ambassadeur à l’Onu), Robert Bartley (l’ancien directeur du Wall Street Journal), William Bennett (ancien ministre de l’éducation), Jeane Kirkpatrick (ancienne ambassadrice à l’Onu), et l’influent éditorialiste du Washington Post, George Will sont aussi des partisans inconditionnels d’Israël.La nature du gouvernement américain offre aux activistes plusieurs moyens d’influencer le processus politique. Des groupes d’intérêts peuvent faire du lobbying auprès des représentants élus ou auprès des responsables de la branche exécutive, contribuer financièrement à des campagnes électorales, essayer de façonner l’opinion publique etc. Ils jouissent d’une influence disproportionnée quand ils s’intéressent à une question à laquelle le gros de la population est indifférent. Les décideurs, confiants qu’ils ne seront pas pénalisés par la population, auront tendance à s’accommoder avec les lobbyistes.Fondamentalement, le lobby israélien n’est pas différent des lobbies de l’agriculture, de l’acier, des syndicats du textile ou des groupes ethniques. Il n’y a rien d’impropre à ce que les Juifs américains et leurs alliés chrétiens tentent d’influencer la politique américaine : les activités du lobby n’ont rien à voir avec les conspirations décrites dans des tracts du genre Les protocoles des sages de Sion. En grande partie, ce que font les individus et les groupes du lobby israélien n’est en rien différent de ce que font les autres groupes d’intérêt, sauf que, eux, ils font nettement mieux. En revanche, les groupes d’intérêt pro-arabe, si toutefois ils existent, sont faibles, ce qui rend la tâche du lobby d’Israël plus facile encore.Le lobby poursuit deux grandes stratégies. Premièrement, il utilise son influence significative à Washington en exerçant des pressions à la fois sur le Congrès et sur la branche exécutive. Quelles que soient les idées personnelles des législateurs ou des décideurs, le lobby tentera de les convaincre que le soutien d’Israël est le choix «intelligent». Deuxièmement, le lobby s’efforce de faire en sorte que les discours publics donnent d’Israël une image positive, en évoquant de manière répétitive ses mythes fondateurs et en promouvant son point de vue dans les débats politiques. L’objectif est d’éviter que les discours critiques ne se fassent entendre dans l’arène politique. Contrôler les débats, est essentiel pour garantir le soutien américain, parce qu’une candide discussion sur les relations israélo-américaines pourrait amener le public américain à préférer une politique différente.La clé de l’efficacité du lobby est son influence au Congrès, où Israël est immunisé contre toute critique. Ceci, en soi, est remarquable parce que le Congrès esquive rarement les questions litigieuses. Là où il est question d’Israël, les critiques potentiels gardent le mutisme. L’une des raisons est que quelques uns des membres importants du Congrès sont des chrétiens sionistes, comme Dick Armey, qui avait dit en septembre 2002 : «Ma première priorité en politique étrangère est la protection d’Israël.» On pourrait penser que la priorité n°1 d’un membre du Congrès est la protection de l’Amérique. Il y’a aussi des représentants et des sénateurs juifs qui travaillent à mettre en œuvre une politique étrangère qui serve les intérêts d’Israël.Une autre source du pouvoir du lobby est son utilisation du staff pro-israélien qui travaille au Congrès. Morris Amitay, ancien président de l’AIPAC avait admis qu’ «il y’a plein de gens qui travaillent là haut – au Congrès- qui sont juifs. Ils appréhendent certaines questions en termes de judaïté … Ce sont des gens en mesure d’influencer la décision des sénateurs dans ces domaines… Il y’a beaucoup de choses qui peuvent être faites au niveau du staff».AIPAC lui-même, cependant, se trouve au cœur du lobbying influent au Congrès. Son succès s’explique par sa capacité de récompenser les législateurs et les candidats au Congrès qui soutiennent son programme, et de punir ceux qui le défient. L’argent est vital pour les élections américaines, et l’AIPAC fait en sorte que ses amis reçoivent un soutien financier généreux de la part des nombreux comités politiques pro-israéliens. Quiconque fait preuve d’hostilité envers Israël, peut être sûr que l’AIPAC fera bénéficier ses adversaires politiques des contributions financières lors des campagnes électorales. L’AIPAC encourage aussi les directeurs de journaux à soutenir les candidats pro-israéliens.Il n’y a pas de doute sur l’efficacité de ces tactiques. Voici un exemple : pendant les «élections de 1984, l’AIPAC aida à la défaite du sénateur Charles Percy, de l’Etat de l’Illinois, qui, selon un membre dirigeant du lobby, «afficha une insensibilité et même une hostilité à l’égard de nos préoccupations». Thomas Dine, président de l’AIPAC à ce moment, avait expliqué ce qui s’était passé : «Tous les Juifs d’Amérique de la côte est à la côte ouest s’étaient unis contre Percy. Et tous les politiciens américains – ceux qui occupent des postes de responsabilité maintenant et ceux qui aspirent à ces postes- ont reçu le message.». L’influence de l’AIPAC au Congrès va même plus loin. Selon Douglas Bloomfield, un ancien membre du staff de l’AIPAC, «il est courant que des membres du Congrès et leurs collaborateurs se tournent en premier vers l’AIPAC quand ils ont besoin d’une information et ce, avant même qu’ils n’appellent la librairie et les services de recherches du Congrès, le comité du staff ou les experts de l’administration.» Plus important encore, remarque Bloomfield, l’AIPAC est souvent «sollicité pour rédiger des discours, travailler sur des législations, donner des conseils sur les tactiques à adopter, entreprendre des recherches, contacter des co-sponsors et canaliser des votes.»Le comble est que l’AIPAC, un agent d’un gouvernement étranger de facto, exerce une telle mainmise sur le Congrès, que les résultats de la politique américaine vis-à-vis d’Israël ne sont même pas discutés ici, bien que cette politique ait des conséquences importantes pour le monde entier. En d’autres termes, l’une des trois branches du gouvernement est fermement engagée à soutenir Israël. En quittant la politique, le sénateur Ernest Hollings avait affirmé : «Ici, vous ne pouvez pas avoir une politique israélienne autre que celle que vous dicte l’AIPAC.» Ou comme l’avait affirmé Ariel Sharon devant une audience américaine : «Quand les gens me demandent comment pouvons nous aider Israël, je leur répond : aidez l’AIPAC.»Grâce, en partie, à l’influence du vote juif dans les élections présidentielles, le lobby dispose d’un instrument significatif pour imposer ses vues à la branche exécutive. Bien qu’ils ne forment que moins de trois pour cent de la population, les Juifs font d’immenses donations au profit des candidats des deux partis. Le Washington Post avait écrit une fois que les candidats démocrates aux élections présidentielles «dépendent des donateurs juifs qui leur fournissent 60% de l’argent». Et parce que les Juifs participent massivement aux scrutins et sont concentrés dans des Etats importants comme la Californie, la Floride, l’Illinois, New York et la Pennsylvanie, les candidats prennent de grandes précautions pour ne pas les mécontenter.Les principales organisations du lobby s’efforcent à barrer la route des postes de la politique étrangère aux personnalités critiques envers Israël. Jimmy Carter voulait confier le poste de secrétaire d’Etat à George Ball, mais il savait que Ball était considéré comme un critique d’Israël et que le lobby s’opposerait à sa nomination. Ainsi, quiconque aspire à faire carrière dans la politique étrangère est encouragé à soutenir Israël. Par conséquent, les critiques de la politique israélienne dans l’establishment de la politique étrangère américaine deviennent une espèce en danger. Quand Howard Dean appela les Etats-Unis à jouer un rôle impartial dans le conflit israélo-arabe, le sénateur Joseph Lieberman l’accusa de «vendre» Israël et jugea sa déclaration «irresponsable». Pratiquement tous les congressistes démocrates en vue signèrent une lettre critiquant les remarques de Howard Dean, et le Chicago Jewish Star rapporta que «des attaquants anonymes tentaient de bloquer les courriers électroniques des personnalités juives à travers le pays, mettant en garde contre Dean qui serait un ennemi d’Israël».C’était absurde ; Dean est en fait un faucon pro-israélien. Dans sa campagne électorale, il avait fait équipe avec un ancien président de l’AIPAC, et les vues de Dean sur le Moyen Orient reflétaient celles de l’AIPAC plutôt que celles de mouvements modérés comme Peace Now (La Paix Maintenant). Il avait à peine suggéré que pour « amener les deux parties à s’asseoir ensemble », Washington devrait agir en intermédiaire honnête. Il est difficile de considérer cette idée comme radicale, mais le lobby ne tolère pas l’impartialité.Du temps de l’administration Clinton, la politique moyen orientale était, dans une large mesure, façonnée par des responsables ayant des liens étroits avec Israël ou avec d’importantes organisations pro-israéliennes. Parmi eux, Martin Indyk, un ancien directeur adjoint de la recherche à l’AIPAC et co-fondateur d’un organisme pro-israélien, le Washington Institute for Near East Policy (WINEP) ; Dennis Ross, qui rejoignit le WINEP après avoir quitté ses fonctions gouvernementales en 2001 ; et Aaron Miller, qui avait vécu en Israël et visite très souvent ce pays. Ces gens étaient les plus proches conseillers de Bill Clinton au sommet de Camp David en juillet 2000. Bien que tous trois soutiennent les accords d’Oslo et l’idée d’un Etat palestinien, leur soutien ne dépasse pas les limites de ce qui est acceptable pour Israël. La délégation américaine prenait ses directives d’Ehud Barak, coordonnait ses positions de négociations d’avance avec Israël, et ne faisait pas de propositions indépendantes. Dès lors il n’était pas étonnant que les négociateurs palestiniens se plaignaient de devoir « négocier avec deux équipes israéliennes, l’une avec un drapeau israélien et l’autre avec un drapeau américain ».La partialité s’était accentuée encore avec l’administration Bush qui comptait dans ses rangs de plus fervents avocats de la cause israélienne, comme Eliot Abrams, John Bolton, Douglas Feith, I. Lewis (‘Scooter’) Libby, Richard Perle, Paul Wolfowitz et David Wurmser. Comme nous le verrons plus loin, ces responsables ont constamment poussé à l’adoption de politiques favorables à Israël et soutenues par le lobby.Le lobby, bien sûr, n’aime pas de débat public, parce que ceci pourrait amener les Américains à se poser des questions sur le niveau du soutien qu’ils apportent à Israël. En conséquence, les organisations pro-israéliennes travaillent dur pour influencer les institutions capables de façonner l’opinion publique.Les vues du lobby prévalent dans les grands médias : « Le débat parmi les experts du Moyen Orient, écrit le journaliste Eric Alterman, est dominé par des gens qui ne peuvent pas s’imaginer critiquer Israël ». Il a fait une liste de « 61 chroniqueurs et commentateurs sur qui on peut compter pour soutenir Israël automatiquement ». En revanche, il n’a trouvé que cinq experts qui critiquent régulièrement Israël et endossent les positions arabes. Occasionnellement, les journaux publient une contribution extérieure qui critique la politique israélienne, mais les articles publiés en faveur de celle-ci sont beaucoup plus nombreux. Il est difficile d’imaginer un grand journal aux Etats-Unis publier un texte comme celui que vous êtes en train de lire.«Shamir, Sharon, Bibi (Netanyahu)- tout ce que veulent ces gars est tout à fait bon pour moi», faisait remarquer Robert Bartley. Il n’est pas étonnant que son quotidien, le Wall Street Journal, avec d’autres journaux importants comme le Chicago Sun Times et le Washington Times, publient régulièrement des éditoriaux qui soutiennent avec force Israël. Des magazines, comme Commentary, le New Republic et le Weekly Standard défendent Israël à chaque tournant. Des éditoriaux partiaux se trouvent également dans des journaux comme le New York Times, qui, occasionnellement, critique les politiques israéliennes et concède parfois que les Palestiniens ont des doléances légitimes, mais n’est pas objectif. Dans ses mémoires, l’ancien directeur du journal new yorkais, Max Frankel, reconnaît l’impact de sa propre attitude sur ses décisions éditoriales : «J’étais beaucoup plus dévoué à Israël que je n’osais reconnaître…Imbu de ma connaissance d’Israël et de mes amitiés là-bas, j’écrivais moi-même la plupart de nos commentaires sur le Moyen Orient. Comme le disaient des lecteurs arabes, et même des lecteurs juifs, je les écrivais à partir d’un point de vue pro-israélien».Les reportages sont moins partiaux, en partie parce que les journalistes s’efforcent d’être plus objectifs, mais aussi parce qu’il est difficile de couvrir des événements dans les territoires occupés sans rapporter ce que fait Israël sur le terrain. Pour décourager les reportages défavorables, le lobby organise des campagnes de lettres de lecteurs et de boycottage des médias dont le contenu est considéré hostile à Israël. Un responsable de CNN avait dit que parfois il recevait jusqu’à 6000 messages électroniques en une seule journée protestant contre une nouvelle ou un reportage. En mai 2003, une institution pro-israélienne, Committee for Accurate Middle East Reporting in America (CAMERA), avait organisé des manifestations devant les studios des radios nationales publiques (NPR) dans 33 villes américaines. Le CAMERA avait tenté aussi de persuader les annonceurs de rompre leur collaboration avec les NPR jusqu’à ce qu’elles adoptent des vues pro-israéliennes. La station NPR de Boston perdit un million de dollars suite à cette campagne. Plus de pression encore sur les NPR venait des amis d’Israël au Congrès, qui avaient demandé des audits internes relatifs à la couvertures des événements du Moyen Orient ainsi que plus de supervision des radios nationales publiques.
Les partisans d’Israël dominent les groupes de pensée (Think Tanks) qui jouent un rôle dans la conduite du débat public ainsi que dans la détermination de la politique américaine actuelle. Le lobby israélien créa son propre groupe de pensée en 1985, quand Martin Indyk aida à la création du Washington Institute for Near East Policy (WINEP). Bien que le WINEP minimisât ses liens avec Israël, prétendant offrir une perspective «équilibrée et réaliste» des questions relatives au Moyen Orient, il est financé par des individus profondément engagés à côté d'Israël.Cependant, l’influence du lobby dépasse de loin les cercles du WINEP. Durant les 25 dernières années, les forces pro-israéliennes avaient pris pied à l’American Enterprise Institute, la Brookings Institution, le Centre pour la Politique de Sécurité, la Heritage Foundation, le Hudson Institute, l’Institut pour l’analyse de la politique étrangère (The Institute for Foreign Policy Analysis), l’Institut juif pour les affaires de sécurité nationale (The Jewish Institute for National Security Affairs –JINSA-). Ces institutions emploient très peu de gens critiques à l’égard du soutien américain à Israël.Prenons le cas de la Brookings Institution. Pendant de longues années, son expert en chef du Moyen Orient était William Quandt, un ancien responsable du Conseil National de sécurité, avec une réputation d’impartialité bien méritée. Aujourd’hui la Brookings est dominée par le Saban Center for Middle East Studies, qui est financé par Haim Saban, un homme d’affaires israélo-américain et un sioniste zélé. Le directeur du Centre est l’incontournable Martin Indyk. Ce qui était avant un institut politique non partisan, est aujourd’hui partie intégrante du chœur pro-israélien. Le lobby avait rencontré les plus grandes difficultés dans les campus universitaires où il jugeait nécessaire d’étouffer le débat. Dans les années 1990, quand le processus d’Oslo était en cours, il y’avait seulement de légères critiques adressées à Israël. Mais ces critiques s’étaient intensifiées avec l’effondrement du processus d’Oslo et l’accession de Sharon au pouvoir. Elles étaient devenues acides quand l’armée israélienne réoccupa la Cisjordanie au printemps 2002 et employa une force militaire massive pour briser la seconde intifadha.Le lobby se précipita pour reprendre les choses en main dans les campus. De nouveaux groupes jaillirent, comme la Caravane pour la Démocratie, qui amena des conférenciers israéliens dans les collèges américains. Des groupes bien établis, comme le Conseil Juif des Affaires Publiques et Hillel, joignirent leurs efforts, et un nouveau groupe, «Coalition d’Israël au Campus», fut formé pour coordonner les nombreuses organisations chargées de défendre le dossier israélien. Finalement, l’AIPAC multiplia par trois ses dépenses dans des programmes qui lui permettaient de contrôler les activités universitaires et de former de jeunes avocats afin d’«accroître sensiblement le nombre d’étudiants impliqués dans l’effort national pro-israélien au niveau des campus».Le lobby contrôle aussi ce que les professeurs écrivent et enseignent. En septembre 2002, Martin Kramer et Daniel Pipes, deux néo-conservateurs passionnément pro-israéliens créèrent un site web (Campus Watch) où ils publiaient des dossiers sur des académiciens suspects et encourageaient les étudiants à rapporter les remarques et les comportements qui pourraient être considérés comme hostiles à Israël. Cette tentative claire d’intimider des intellectuels et de les mettre sur une liste noire avait provoqué une réaction virulente, ce qui obligea Kramer et Pipes de retirer les dossiers, mais leur site web invite toujours les étudiants à dénoncer «les activités anti-israéliennes».Des groupes à l’intérieur du lobby mettaient la pression sur des académiciens particuliers et des universités. Columbia University était une cible fréquente, sans doute à cause de la présence en son sein de feu Edward Said. «La moindre déclaration publique faite par l’éminent critique littéraire Edward Said en soutien aux Palestiniens ne manquait pas d’engendrer des centaines d’e-mails, de lettres et d’articles de journaux dénonçant Said et exigeant soit des sanctions soit son renvoi», témoignait Jonathan Cole, l’ancien doyen de Columbia. Quand cette université engagea Rashid Khalidi de Chicago, le même scénario s’est répété. C’est le même problème que rencontra l’université de Princeton quand elle engagea à son tour Khalidi. On peut citer une illustration classique de la volonté d’intimider les académiciens : en 2004, le Projet David avait produit un film prétendant que les membres du programme des études du Moyen Orient à l’université Columbia étaient anti-sémites et intimidaient les étudiants qui défendaient Israël. Columbia était mise à l’index, mais un comité d’investigation mis en place n’avait trouvé aucune évidence d’anti-sémitisme. Le seul incident relevé mettait en cause un professeur qui avait «répondu avec énervement» à la question d’un étudiant. Le comité avait découvert que les académiciens en question étaient eux-mêmes la cible d’une campagne ouverte d’intimidation. Peut-être ce qui dérange le plus dans tout cela, c’est l’effort déployé par des groupes juifs pour pousser le Congrès à établir des mécanismes permettant de contrôler ce que disent les professeurs. Sils arrivent à faire passer une loi dans ce sens, les universités accusées de partis pris anti-israéliens, se verront privées des fonds fédéraux. Leurs efforts n’ont pas encore abouti, mais ils sont révélateurs de l’importance que ces groupes accordent au contrôle du débat.Nombre de philanthropes juifs ont récemment créé des programmes d’études israéliennes (qui s’ajoutent aux 130 programmes d’études juives qui existent déjà), de manière à accroître le nombre d’amis d’Israël dans les campus. En mai 2003, l’Université de New York annonça la création du Centre Taub pour les études israéliennes ; des programmes similaires ont été introduits à Berkeley, à Brandeis et à Emory. Les administrateurs mettent en avant la valeur pédagogique de ces programmes, mais la vérité est qu’ils visent à promouvoir l’image d’Israël. Fred Laffer, le directeur de la Fondation Taub, reconnaît que son institution avait financé l’Université de New York pour aider à contrecarrer le «point de vue arabe» (sic) qui, pense-t-il, prévaut dans les programmes relatifs au Moyen Orient.Aucune étude du lobby ne serait complète sans un examen de son arme la plus puissante : l’accusation d’anti-sémitisme. Quiconque critique la politique israélienne ou démontre que les groupes pro-israéliens ont une influence sur la politique américaine au Moyen Orient –une influence pourtant célébrée par l’AIPAC- a de fortes chances d’être qualifié d’anti-sémite. En effet, quiconque affirme tout simplement qu’il y’a un lobby israélien court le risque d’être accusé d’anti-sémitisme, même si les médias israéliens parlent du «lobby juif» de l’Amérique. En d’autres termes, le lobby se vante d’abord de son influence, ensuite s’attaque à quiconque attire l’attention sur l’objet de sa vantardise. C’est une tactique très efficace : personne ne veut être accusé d’anti-sémitisme.Les Européens ont été plus prompts à critiquer la politique israélienne, que certains attribuent à une résurgence de l’anti-sémitisme en Europe. L’ambassadeur américain auprès de l’Union Européenne avait dit au début de 2004 : «Nous sommes arrivés à un point où les choses sont aussi mauvaises que dans les années 1930». C’est compliqué de mesurer l’anti-sémitisme, mais le poids de l’évidence pointe plutôt vers la direction opposée. Au printemps 2004, alors que les accusations d’anti-sémitisme européen surgissaient de partout en Amérique, des enquêtes faites auprès de la presse et de l’opinion européennes par la Ligue américaine contre la diffamation et le Centre Pew de recherche, ont démontré que l’anti-sémitisme en Europe était en fait sur le déclin. En revanche, dans les années 1930, l’anti-sémitisme n’était pas seulement largement répandu parmi les Européens, toutes classes confondues, mais il était considéré comme parfaitement acceptable.Le lobby et ses amis décrivent souvent la France comme le pays le plus anti-sémite d’Europe. Mais en 2003, le chef de la communauté juive française affirmait que «la France n’est pas plus anti-sémite que l’Amérique». Selon un récent article du Haaretz, citant un rapport de la police française, les incidents anti-sémites en France ont diminué de presque 50% en 2005 et ce, en dépit du fait que la France accueille la plus large communauté musulmane d’Europe. Finalement quand un Juif français était assassiné à Paris le mois dernier part un gang de Musulmans, des dizaines de milliers de personnes convergèrent dans les rues de Paris pour manifester contre l’anti-sémitisme. Jacques Chirac et Dominique de Villepin assistèrent tous deux à la cérémonie funèbre pour montrer leur solidarité.Personne ne nie qu’il y’a de l’anti-sémitisme parmi les Musulmans européens, provoqué en partie par la conduite d’Israël à l’égard des Palestiniens, et en partie par des sentiments franchement racistes. Mais ceci est une autre histoire ayant peu de rapport avec le fait que l’Europe ressemble ou non aujourd’hui à l’Europe des années 1930. Personne ne nie non plus qu’il y’a des autochtones en Europe violemment anti-sémites (tout comme il y’en a aux Etats-Unis), mais leur nombre est réduit et leurs vues sont rejetées par la vaste majorité des Européens.Les défenseurs d’Israël, quand ils se trouvent acculés à aller au-delà des simples assertions, prétendent qu’il y’a «un nouvel anti-sémitisme» qu’ils assimilent à la critique d’Israël. En d’autres termes, critiquez la politique israélienne, et vous êtes par définition anti-sémite. Quand le synode de l’Eglise d’Angleterre décida récemment de se débarrasser des actions qu’il détient dans la compagnie Caterpillar, par ce que celle-ci fabrique les bulldozers utilisés par les Israéliens pour détruire les maisons palestiniennes, le rabbin en chef mit en avant « les répercussions négatives sur …les relations judéo-chrétiennes en Grande Bretagne », alors que le rabbin Tony Bayfield, le chef du mouvement Réforme, affirma : «Il y’a un problème clair d’attitudes anti-sionistes – pas loin de l’anti-sémitisme- qui se développe dans la base et même au sein de la hiérarchie de l’Eglise». Mais l’Eglise est coupable d’avoir à peine protesté contre la politique du gouvernement israélien.Les critiques sont aussi accusés de mettre en cause l’existence d’Israël. Mais ces accusations sont aussi fallacieuses. Les critiques occidentaux d’Israël n’ont jamais remis en question son droit à exister. Ils mettent en question son comportement envers les Palestiniens, tout comme le font les Israéliens eux-mêmes. La politique israélienne envers les Palestiniens rend licite la critique par ce que cette politique est contraire aux principes largement acceptés des droits de l’homme, à la loi internationale, et au principe de l’auto-détermination nationale. Et Israël est loin d’être le seul Etat à être critiqué sur ces plans.En automne 2001, et en particulier au printemps 2002, l’administration Bush avait tenté de réduire les sentiments anti-américains dans le monde arabe et le soutien aux groupes terroristes, comme Al Qaida, en s’opposant à la politique israélienne d’expansion dans les territoires occupés et en défendant l’idée d’un Etat palestinien. Bush avait des moyens très importants à sa disposition. Il aurait pu menacer de réduire son soutien économique et diplomatique à Israël, et le peuple américain l’aurait sûrement soutenu. En mai 2003, un sondage d’opinion avait montré que plus de 60% des Américains étaient prêts à suspendre l’aide si Israël résistait aux pressions américaines de résoudre le conflit, et ce chiffre atteignait 70% parmi les politiquement actifs. En effet, 73% estimaient que les Etats-Unis ne devaient favoriser aucune des deux parties en conflit.Pourtant l’administration américaine se montra incapable de changer la politique israélienne, et Washington finit par la soutenir. Avec le temps, cette administration adopta les propres justifications d’Israël de sa position, à tel point que la rhétorique américaine n’hésita plus à mimer la rhétorique israélienne. En février 2003, un titre du Washington Post résuma la situation : «Bush et Sharon ont des vues identiques sur le Moyen Orient». La principale raison de ce changement était le lobby.L’histoire commença fin septembre 2001, quand Bush s’était décidé à exhorter Sharon à faire preuve de retenue dans les territoires occupés. Il l’avait pressé aussi de permettre au ministre israélien des affaires étrangères, Shimon Peres, de rencontrer Arafat, bien qu’il (Bush) fût hautement critique du leadership de Yasser Arafat. Bush avait même dit publiquement qu’il soutenait la création d’un Etat palestinien. Alarmé, Sharon l’accusa de vouloir «apaiser les Arabes à nos dépens», affirmant qu’Israël «ne sera pas la Tchécoslovaquie».Bush était apparemment furieux d’être comparé à Chamberlain, et le service de presse de la Maison blanche qualifia les remarques de Sharon d’« inacceptables ». Sharon s’excusa pour la forme, mais très vite, il rejoignit le lobby pour persuader l’administration et les Américains que les Etats-Unis et Israël font face à la même menace terroriste. Les responsables israéliens et les représentants du lobby insistaient qu’il n’y avait aucune différence entre Ousama Ben Laden et Arafat. Les Etats-Unis et Israël, disaient-ils, devraient isoler le leader élu et refuser tout contact avec lui.Le lobby travailla aussi au Congrès. Le 16 novembre 2001, 89 sénateurs envoyèrent une lettre à Bush le couvrant d’éloges pour avoir refusé de rencontrer Arafat, mais lui demandant aussi de ne pas empêcher Israël de lancer des représailles contre les Palestiniens. L’administration, écrivaient ces sénateurs, doit affirmer publiquement qu’elle se tient derrière Israël. Selon le New York Times, la lettre fut écrite deux semaines après la rencontre qui avait réuni «les leaders de la communauté juive américaine et les principaux sénateurs». Le journal ajoute que l’AIPAC était «particulièrement prompt à donner des conseils au moment de l’écriture de la lettre».Fin novembre, les relations entre Israël et les Etats-Unis s’étaient considérablement améliorées. C’était grâce, en partie, aux efforts du lobby, mais aussi à la victoire initiale remportée par l’Amérique en Afghanistan et qui avait réduit le besoin de soutien arabe à la lutte contre Al Qaida. Sharon visita la Maison blanche début décembre et eut un meeting amical avec Bush.En avril 2002, le malentendu surgit de nouveau après que l’armée israélienne eût lancé une vaste offensive et reprit le contrôle de pratiquement toutes les grandes villes palestiniennes. Bush savait que la politique israélienne endommagerait l’image de l’Amérique dans le monde arabe et islamique et saperait la guerre contre le terrorisme. Il demanda donc à ce que Sharon «arrête ses incursions et commence le retrait». Il donna plus d’emphase à ce message en soulignant deux jours plus tard qu’Israël devait «se retirer sans délai». Le 7 avril, Condoleezza Rice, alors la conseillère de sécurité nationale de Bush, dit aux journalistes : ‘ «Sans délai veut dire sans délai, c'est-à-dire maintenant »’. Ce même jour, Colin Powell sortit de son silence pour persuader toutes les parties d’arrêter le combat et de commencer les négociations. Israël et le lobby passèrent à l’action. Les responsables du bureau de la vice-présidence et du Pentagone, ainsi que les pontifes néo-conservateurs, comme Robert Kagan et William Kristol, mirent la pression sur Powell. Ils l’accusèrent même d’avoir oblitéré «la distinction entre les terroristes et ceux qui les combattent». Bush lui-même était sous la pression des leaders juifs et des évangélistes chrétiens. Tom Delay et Dick Armey (leaders de la majorité républicaine au Congrès), ne mâchaient pas leurs mots en soulignant le besoin de soutenir Israël. Delay et le leader de la minorité démocrate au sénat, Trent Lott, visitèrent la Maison blanche et exigèrent que Bush fasse machine arrière.Dans le même temps, le Congrès se démenait pour apporter son soutien à Sharon. Le 2 mai, il écarta les objections de l’administration et vota deux résolutions réaffirmant le soutien à Israël. (Le vote au sénat était de 94 contre 2 et à la Cambre des représentants de 352 contre 21). Les deux résolutions stipulaient que les Etats-Unis «sont solidaires avec Israël » et, pour citer la résolution de la Chambre des représentants, les deux pays «sont maintenant engagés dans une lutte commune contre le terrorisme». La version de la Chambre condamnait «le soutien et la coordination en cours de la terreur par Yasser Arafat» qui était décrit comme «un élément central du problème du terrorisme». Les deux résolutions étaient rédigées avec l’aide du lobby. Quelques jours plus tard, une délégation bipartisane du Congrès partit en mission pour Israël où elle affirma que Sharon devrait résister à la pression américaine pour affronter Arafat. Le 9 mai, une sous commission budgétaire de la Chambre des représentants se réunit pour discuter de l’octroi à Israël d’une enveloppe supplémentaire de 200 millions de dollars pour la lutte anti-terroriste. Powell s’opposa au projet, mais le lobby le soutenait et Powell perdit. En bref, Sharon et le lobby engagèrent un bras de fer avec le président des Etats-Unis et triomphèrent. Hemi Shalev, un journaliste au quotidien israélien Ma’ariv, rapporta que les collaborateurs de Sharon «ne purent cacher leur satisfaction devant l’échec de Powell. Sharon regarda Bush dans le blanc des yeux, se vantaient-ils, et le président cligna les yeux le premier.» Mais c’étaient les défenseurs d’Israël aux Etats-Unis, et non Sharon ou Israël, qui jouèrent un rôle central dans la défaite de Bush.La situation a peu changé depuis. L’administration Bush refusa à jamais de traiter avec Arafat. Après sa mort, elle accepta le leader palestinien, Mahmoud Abbas, mais ne fit rien pour l’aider. Sharon continuait à faire avancer son plan consistant à imposer aux Palestiniens un règlement unilatéral, basé sur le ‘désengagement’ de Gaza et la poursuite de l’expansion en Cisjordanie. En refusant de négocier avec Abbas et en le mettant dans l’impossibilité de se présenter devant son peuple avec le moindre bénéfice tangible, la stratégie de Sharon contribua directement à la victoire électorale du Hamas. Avec le Hamas au pouvoir, Israël a une autre excuse pour ne pas négocier. L’administration américaine soutenait la politique de Sharon (et celle de son successeur, Ehud Olmert). Bush a même endossé les annexions israéliennes des territoires occupés, tournant le dos à la politique réaffirmée par chaque président depuis Lyndon Johnson.Les responsables américains proférèrent quelques critiques légères de la politique israélienne, mais n’avaient rien fait pour aider à la création d’un Etat palestinien viable. Sharon faisait marcher Bush «au doigt et à l’œil», disait l’ancien conseiller de sécurité nationale, Brent Scowcroft en octobre 2004. Si Bush essaie de distancer les Etats-Unis d’Israël, ou même critique la politique israélienne dans les territoires occupés, il est sûr d’encourir le courroux du lobby et de ses partisans au Congrès. Les candidats démocrates à l’élection présidentielle comprennent tout cela, c’est pourquoi John Kerry alla très loin dans le soutien d’Israël en 2004, et Hillary Clinton est en train de faire de même aujourd’hui.Maintenir le soutien américain à la politique israélienne contre les Palestiniens est essentiel pour le lobby, mais ses ambitions ne d’arrêtent pas là. Il veut aussi que l’Amérique aide Israël à demeurer le pouvoir régional dominant. Le gouvernement israélien et les groupes pro-Israël aux Etats-Unis ont travaillé ensemble en vue de façonner la politique américaine envers l’Irak, la Syrie et l’Iran ainsi que son grand projet de réformer le Moyen-Orient.La pression provenant d’Israël et du lobby n’était pas l’unique facteur qui a déterminé la décision d’attaquer l’Irak en mars 2003, mais c’était un facteur fondamental. Certains Américains pensent que cette guerre était pour le pétrole, mais on trouve difficilement une évidence qui soutient cette idée. En revanche, la guerre était motivée, pour une large part, par le désir d’accroître la sécurité d’Israël. Selon Philip Zelikow, ancien membre du comité consultatif des renseignements extérieurs auprès du président, directeur exécutif de la commission du 11 septembre et actuel conseiller de Condoleeza Rice, la «vraie menace» que constituait l’Irak n’était pas une menace contre les Etats-Unis. La «menace non déclarée» était «la menace contre Israël», expliquait Zelikow devant une audience de l’Université de Virginie en septembre 2002. «Le gouvernement américain», ajoutait-il, «ne veut pas trop insister là-dessus rhétoriquement, parce que ce n’est pas populaire à vendre».Le 16 août 2002, 11 jours avant que Dick Cheney ne donne le coup d’envoi de la campagne pour la guerre avec un discours dur devant les vétérans des guerres étrangères, le Washington Post rapportait qu’«Israël exhorte les responsables américains de ne pas retarder les frappes militaires contre l’Irak de Saddam Hussein». A cette étape, selon Sharon, la coordination stratégique entre les Etats-Unis et Israël avait atteint «des dimensions sans précédent», et les responsables des renseignements israéliens avaient donné à Washington une multitude de rapports alarmants sur les programmes irakiens des armes de destruction massive. Comme l’avait expliqué un général israélien à la retraite, «Les renseignements israéliens avaient pleinement contribué à l’image présentée par les renseignements américains et britanniques concernant les capacités non conventionnelles de l’Irak.»Les dirigeants israéliens étaient profondément stressés quand Bush décida de demander l’autorisation du Conseil de Sécurité pour la guerre, et même plus inquiets encore quand Saddam accepta le retour en Irak des inspecteurs de l’ONU. «La campagne contre Saddam Hussein est une nécessité», disait Shimon Peres à des journalistes en septembre 2002. « Les inspections et les inspecteurs sont bons pour les personnes décentes, mais les gens malhonnêtes peuvent venir à bout facilement des inspections et des inspecteurs.»Au même moment, Ehud Barak écrivait une opinion dans le New York Times, avertissant que «le plus grand risque réside maintenant dans l’inaction.» Son prédécesseur en tant que premier ministre, Benyamin Netanyahu, publia une opinion similaire dans le Wall Street Journal intitulée « Arguments pour le renversement de Saddam». «Aujourd’hui, rien moins que le démantèlement de son régime n’est acceptable», écrivait Netanyahu. «Je crois que je parle pour l’écrasante majorité des Israéliens qui soutiennent une action préventive contre le régime de Saddam.» Ou comme l’écrivait le Haaretz en février 2003, «les hiérarchies militaire et politique israéliennes souhaitent vivement une guerre contre l’Irak.»Cependant, comme le suggérait Netanyahu, le désir de voir une guerre se déclencher contre l’Irak ne se limitait pas aux dirigeants israéliens. A part le Koweït, que Saddam avait envahi en 1990, Israël était l’unique pays au monde où les politiciens et le public désiraient la guerre. Le journaliste israélien Gideon Lévy observait alors, « Israël est le seul pays en Occident dont les dirigeants soutiennent la guerre sans réserve et où aucune opinion divergente n’est exprimée. » En fait, les Israéliens étaient si enthousiastes que leurs alliés en Amérique durent leur demander de se calmer un peu, autrement on penserait que la guerre serait menée au nom d’Israël.A l’intérieur des Etats-Unis, la principale force qui poussait vers la guerre se composait d’une bande de néo-conservateurs, dont beaucoup entretenaient des liens avec le Likoud. Mais des leaders des principales organisations du lobby prêtaient main forte à la campagne. Le magazine ‘Forward’ a publié un éditorial dans lequel on pouvait lire : «Comme le président Bush tentait de vendre…la guerre en Irak, les plus importantes organisations juives de l’Amérique s’unirent comme un seul homme pour le défendre. Communiqué après communiqué, les leaders de la communauté ne se lassaient pas de souligner le besoin de débarrasser le monde de Saddam Hussein et de ses armes de destruction massive. Les délibérations des principaux groupes juifs tournaient autour d’un point central : la sécurité d’Israël.»Bien que les néo-conservateurs et les leaders du lobby fussent impatients d’envahir l’Irak, la large communauté juive américaine ne l’était pas. Juste après le déclenchement de la guerre, Samuel Freedman rapporta qu’«une compilation de sondages d’opinions à l’échelle nationale faite par le Pew Research Center montre que les Juifs sont moins partisans de la guerre contre l’Irak que le reste de la population, 52% contre 62%.» En clair, il serait faux de blâmer «l’influence juive». La responsabilité de la guerre est due plutôt, dans une large mesure, à l’influence du lobby, et en particulier les néo-conservateurs en son sein.Les néo-conservateurs étaient déterminés à renverser Saddam bien avant que Bush ne devienne président. Ils firent sensation en 1998 en publiant deux lettres ouvertes adressées à Clinton, l’exhortant à écarter Saddam du pouvoir. Beaucoup parmi les signataires avaient des liens étroits avec les groupes pro-Israël comme JINSA ou WINEP. Parmi eux, on peut citer Elliot Abrams, John Bolton, Douglas Feith, William Kristol, Bernard Lewis, Donald Rumsfeld, Richard Perle et Paul Wolfowitz. Ces gens n’avaient pas de difficultés à persuader l’administration Clinton d’adopter comme objectif général le renversement de Saddam. Mais ils étaient incapables de vendre la guerre comme moyen de réaliser cet objectif. Ils n’étaient pas capables non plus de générer l’enthousiasme pour l’invasion de l’Irak dans les premiers mois de l’administration Bush. Ils avaient besoin d’aide pour réaliser leur objectif. Cette aide arriva avec le 11 septembre. Spécifiquement, les événements de cette journée amenèrent Bush et Cheney à changer de cap et à devenir de grands partisans de la guerre préventive.Au cours d’un important meeting à Camp David avec Bush le 15 septembre 2001, Wolfowitz se fit l’avocat d’une attaque contre l’Irak avant l’Afghanistan, même s’il n’y avait aucune preuve de l’implication de Saddam dans l’agression contre les Etats-Unis et même si l’on savait que Ben Laden était en Afghanistan. Bush rejeta le conseil de Wolfowitz et choisit d’attaquer l’Afghanistan. Mais la guerre contre l’Irak était, depuis, considérée comme une sérieuse possibilité, et, le 21 novembre 2001, Bush chargea les planificateurs militaires de mettre sur pied des plans pour l’invasion.Entre temps, d’autres néo-conservateurs étaient à l’œuvre dans les corridors du pouvoir. Nous n’avons pas encore l’histoire complète, mais des intellectuels comme Bernard Lewis de l’Université de Princeton, et Fouad Ajami, de l’Université Johns Hopkins, jouèrent un rôle important dans la persuasion de Cheney que la guerre était la meilleure option. Il faut noter aussi que des néoconservateurs du staff de la vice-présidence – Eric Edelman, John Hannah et Scooter Libby, le chef de cabinet de Cheney et l’un des hommes les plus puissants de l’administration, jouèrent aussi un rôle. Au début de l’année 2002, Cheney avait persuadé Bush ; et avec le ralliement de Cheney et Bush, la guerre devenait inévitable.En dehors de l’administration, les néo-conservateurs travaillaient d’arrache-pied à affiner leur argumentation, expliquant que l’invasion de l’Irak était essentielle pour remporter la guerre contre le terrorisme. Leurs efforts visaient d’une part à maintenir la pression sur Bush, et d’autre part à vaincre l’opposition à la guerre exprimée à l’intérieur et à l’extérieur du gouvernement. Le 20 septembre 2001, un groupe de proéminents néo-conservateurs et leurs alliés publièrent une lettre dans laquelle on pouvait lire : «Même s’il n’y a aucune preuve de l’implication directe de l’Irak dans l’attaque, toute stratégie visant l’éradication du terrorisme et de ses commanditaires devra inclure une détermination sans faille à écarter Saddam Hussein du pouvoir en Irak.» La lettre rappelait aussi à Bush qu’«Israël a été et demeure le plus sûr allié de l’Amérique contre le terrorisme international.» Dans le Weekly Standard du 1er octobre 2001, Robert Kagan et William Kristol appelaient pour un changement de régime en Irak juste après la défaite des Taliban. Le même jour, Charles Krauthammer proposait qu’après le règlement du sort de l’Afghanistan, la Syrie devrait être la prochaine étape, suivie de l’Irak et de l’Iran : «La guerre contre le terrorisme sera conclue à Bagdad quand nous aurons terminé avec le régime terroriste le plus dangereux du monde».C’était le début d’une campagne de relations publiques sans répit en vue de gagner le soutien à l’invasion de l’Irak. Une part cruciale de cette campagne consistait en la manipulation des renseignements de manière à montrer Saddam comme un homme qui posait une menace imminente. Par exemple, Libby pressa les analystes de la CIA à trouver les preuves qui allaient dans le sens de l’argumentation pour la guerre, et à aider à la préparation de l’intervention (maintenant discréditée) de Powell devant le Conseil de sécurité de l’ONU. Au sein du Pentagone, le groupe d’évaluation de la politique anti-terroriste était chargé de trouver le lien entre Al Qaida et l’Irak que les agences de renseignement avaient échoué à établir. Les deux principaux membres de ce groupe étaient David Wurmser, un néo-conservateur pur et dur, et Michael Maalouf, un Américain d’origine libanaise ayant des liens étroits avec Richard Perle. Un autre groupe du Pentagone, appelé «Bureau des plans spéciaux», était chargé de la tâche de dénicher la preuve qui aiderait à vendre la guerre. Ce groupe était dirigé par Abram Shulsky, un néo-conservateur, ami de longue date de Paul Wolfowitz, et comprenait des maîtres à penser, membres des organisations pro-israéliennes. Ces deux groupes étaient crées après le 11 septembre et dépendaient directement de Douglas Feith.Comme pratiquement tous les néo-conservateurs, Douglas Feith est profondément attaché à Israël ; il entretient aussi, depuis longtemps, des liens avec le Likoud. Il avait écrit des articles dans les années 1990 appuyant la politique de colonisation israélienne et incitant Israël à garder les territoires occupés. Plus important encore, il avait écrit, avec Perle et Wurmser, le fameux rapport «Break Clean», en juin 1996, à l’intention de Benyamin Netanyahu, alors premier ministre. Entre autres choses, ce rapport recommandait à Netanyahu d’«œuvrer à écarter Saddam du pouvoir » et à réaliser ainsi l’«important objectif stratégique de la droite israélienne». Le rapport appelait également Israël à faire le nécessaire en vue de réorganiser tout le Moyen Orient. Netanyahu avait décliné l’offre, mais Feith, Perle et Wurmser s’étaient vite tournés vers l’administration Bush pour l’inciter à poursuivre ces mêmes objectifs. Le chroniqueur du Haaretz, Akiva Eldar, n’avait pas manqué de relever que Feith et Perle avaient «franchi la ligne de démarcation séparant leur loyauté aux gouvernements américains …et les intérêts israéliens».Wolfowitz était également attaché à Israël. Le Magazine Forward l’avait décrit comme étant «le faucon le plus pro-israélien de l’administration», et l’avait sélectionné, en 2002, le premier des 50 notables qui font consciencieusement de «l’activisme juif». Dans le même temps, le JINSA lui accordait la distinction Henry M. Jackson, en récompense à son rôle puissant dans la promotion du partenariat entre Israël et les Etats-Unis. Et le Jerusalem Post l’a décrit comme «un pro-israélien dévoué» et l’a nommé «l’homme de l’année» en 2003.Enfin, il convient d’évoquer brièvement le soutien que prodiguaient, avant la guerre, les néo-conservateurs, à Ahmed Chalabi, un exilé irakien sans scrupules et chef du Congrès National Irakien (CNI). Ils appuyaient Chalabi parce qu’il avait établi des liens solides avec les groupes juifs américains et avait promis, une fois au pouvoir, d’entretenir de bonnes relations avec Israël. C’était précisément le genre de discours que voulaient entendre les partisans d’Israël du changement de régime en Irak. Matthew Berger avait expliqué l’essence du marchandage dans le Jewish Journal : «Le CNI considérait ces bonnes relations comme un moyen d’utiliser l’influence juive à Washington et à Jérusalem en vue de gagner plus de soutien à sa cause. Pour leur part, les groupes juifs y voyaient une opportunité de paver la voie vers de meilleures relations entre Israël et l’Irak si, toutefois, le CNI remplaçait au pouvoir le régime de Saddam Hussein.»Compte tenu de la dévotion des néo-conservateurs à Israël, de leur obsession de l’Irak et de leur influence au sein de l’administration Bush, il n’est pas surprenant que beaucoup d’Américains soupçonnent que la guerre ait été conçue pour servir les intérêts israéliens. En mars 2005, Barry Jacobs, du Comité juif américain, a reconnu que l’idée qu’Israël et les néo-conservateurs avaient comploté pour engager les Etats-Unis dans une guerre avec l’Irak est largement répandue dans les milieux des renseignements. Pourtant, peu de gens osent en parler publiquement. Et ceux qui osent le faire- y compris le sénateur Ernest Hollings et le représentant James Moran- sont condamnés pour avoir abordé la question. Michael Kinsley écrivait fin 2002 que «l’absence de débat public sur le rôle d’Israël… c’est le proverbial éléphant dans la chambre.» Il observait que la réticence d’en parler s’expliquait par la peur de se faire traiter d’anti-sémite. Il y’a peu de doute qu’Israël et le lobby soient des facteurs décisifs dans la décision d’aller en guerre. Sans leurs efforts, il est très peu probable que les Etats Unis aient pris une telle décision. Et la guerre elle-même n’était qu’une première étape. Peu après le déclenchement de la guerre, un gros titre en première page du Wall Street Journal a tout dit : «Le rêve du président : Changer non seulement le régime, mais toute la région : Une région démocratique pro-américaine est objectif qui prend ses racines en Israël et chez les néo-conservateurs».Les forces pro-israéliennes ont toujours cherché à impliquer directement l’armée américaine dans le Moyen Orient. Mais ils avaient eu un succès limité pendant la guerre froide dans la mesure où les Etats-Unis agissaient comme «un équilibreur off-shore» dans la région. La plupart des forces désignées pour le Moyen Orient, comme la Force de Déploiement Rapide, sont gardées «au-delà de l’horizon», loin du danger. L’idée était de faire jouer les pouvoirs locaux les uns contre les autres. C’est ainsi que l’administration Reagan soutenait Saddam contre l’Iran révolutionnaire pendant la guerre Iran-Irak afin de maintenir un équilibre favorable aux Etats-Unis. Cette politique changea après la première guerre du Golfe, quand l’administration Clinton adopta la stratégie de «l’endiguement dual». De substantielles forces américaines seraient stationnées pour endiguer à la fois l’Iran et l’Irak au lieu d’utiliser l’un contre l’autre. Le père de l’endiguement dual n’est autre que Martin Indyk qui élabora cette stratégie pour la première fois en 1993 au WINEP, ensuite il l’appliqua en tant que directeur des affaires du Proche Orient et de l’Asie du sud au Conseil National de Sécurité.Au milieu des années 1990, cette stratégie d’endiguement dual a engendré un grand mécontentement parce qu’elle a fait des Etats-Unis un ennemi mortel de deux pays qui se détestent, et a obligé Washington de supporter le fardeau d’endiguer les deux. Mais c’est une stratégie qui avait la préférence du lobby. Il avait travaillé activement au Congrès pour la préserver. Mis sous pression par l’AIPAC et par d’autres forces pro-israéliennes, Clinton durcit la politique au printemps de 1995 en imposant un embargo économique contre l’Iran. Mais l’AIPAC et les autres voulaient plus. Le résultat était une loi votée en 1996, «Iran and Libya Sanctions Act» qui imposait des sanctions contre les compagnies étrangères qui investissent plus de 40 millions de dollars dans le secteur pétrolier en Iran ou en Libye.Cependant, vers la fin des années 1990, les néo-conservateurs décidèrent que l’endiguement dual n’était plus suffisant et qu’un changement de régime en Irak était essentiel. En renversant Saddam, argumentaient-ils, et en transformant l’Irak en une démocratie flamboyante, les Etats-Unis déclencheraient un large processus de changement à travers tout le Moyen Orient. Le même mode de pensée était lisible dans l’étude «Break Clean» que les néoconservateurs avaient rédigé à l’intention de Netanyahu. En 2002, alors que l’invasion de l’Irak se préparait activement, la transformation politique de toute la région était devenue une profession de foi dans les cercles néoconservateurs. Charles Krauthammer a décrit ce grand projet comme l’enfant de Nathan Charansky, mais les Israéliens, toutes tendances politiques confondues, croyaient que le renversement de Saddam changerait le Moyen Orient dans un sens avantageux pour Israël. Aluf Benn écrivait dans le Haaretz du 17 février 2003 : «Des officiers de l’armée israélienne proches du premier ministre Ariel Sharon, comme le conseiller de sécurité nationale, Ephraim Halevy, parlent de l’avenir merveilleux qui attend Israël après la guerre. Ils s’attendent à voir l’effet domino jouer à plein après la chute de Saddam. Celle-ci serait suivie par la chute de tous les autres ennemis d’Israël… Avec eux disparaîtra la terreur et les armes de destruction massive.»Après la chute de Bagdad en avril 2003, Sharon et ses lieutenants commençaient à exhorter Washington à mettre Damas dans son point de mire. Le 16 avril, Sharon, dans une interview au Yedioth Ahronoth, a appelé les Etats-Unis à exercer «une très lourde pression» sur la Syrie, alors que Shaul Mofaz, son ministre de la défense, a affirmé dans une interview à Ma’ariv : «Nous avons une série de questions à poser aux Syriens, et nous pensons qu’il est approprié que ce soit fait par l’intermédiaire des Américains.» Ephraim Halevy a dit à une audience du WINEP qu’il était maintenant important que les Etats-Unis se montrent durs avec la Syrie, et le Washington Post a rapporté qu’Israël voulait «exacerber la campagne» contre la Syrie en livrant aux renseignements américains des rapports sur les activités du président syrien, Bachar Al Assad. Des membres proéminents du lobby soutiennent les mêmes arguments. Wolfowitz a dit : «il devrait y avoir un changement de régime en Syrie», et Richard Perle a dit à un journaliste qu’ «un court message en quatre mots » devrait être adressé aux régimes hostiles du Moyen Orient : «Vous êtes le suivant ». Début avril 2003, le WINEP a publié un rapport dans lequel il est dit que « la Syrie ne devrait pas rater le message que les pays qui suivent le comportement aventureux, irresponsable et défiant de Saddam, pourraient finir par partager son sort». Le 15 avril 2003, Yossi Klein Halevi a écrit une opinion dans le Los Angeles Times, ayant pour titre : «Prochaine étape, la Syrie», alors que le jour d’après, Zev Chafets a écrit un article pour le New York Daily News intitulé : «La Syrie, amie des terroristes, a aussi besoin de changement». Quant à Lawrence Kaplan, il a écrit dans le New Republic du 21 avril 2003, que «Bachar Al Assad est une menace sérieuse pour l’Amérique».Au Congrès, le représentant Eliot Engel a fait passer une loi qui menace la Syrie de sanctions si elle ne se retire pas du Liban, ne renonce pas aux armes de destruction massive et n’arrête pas de soutenir le terrorisme. La loi appelle en outre le Liban et la Syrie à prendre des mesures concrètes pour faire la paix avec Israël. Cette législation était fortement soutenue par le lobby –l’AIPAC en particulier- et «encadrée», selon l’agence télégraphique juive, par «quelques uns des meilleurs amis d’Israël au Congrès». L’administration Bush était peu enthousiaste vis-à-vis de cette loi, mais la loi contre la Syrie était votée à une écrasante majorité (398 contre 4 à la Chambre des représentants ; 89 contre 4 au Sénat), et Bush la signa le 12 décembre 2003.L’administration elle-même était divisée sur la sagesse de la décision à prendre la Syrie pour cible. Alors que les néoconservateurs étaient impatients d’engager le combat contre la Syrie, le département d’Etat et la CIA étaient opposés à cette idée. Et Bush, après avoir signé la loi, il a souligné qu’il l’appliquerait doucement. Son ambivalence est compréhensible. D’abord, le gouvernement syrien a non seulement livré d’importants renseignements sur Al Qaida depuis le 11 septembre, mais il a aussi informé Washington sur une attaque terroriste qui se préparait dans le Golfe, et donné aux enquêteurs de la CIA accès à Mohamed Zammar, le recruteur présumé de quelques uns des terroristes du 11 septembre. Prendre le régime d’Assad pour cible, mettrait en danger cette précieuse collaboration et saperait, par conséquent, la guerre contre le terrorisme. Ensuite la Syrie n’a pas été en mauvais termes avec Washington avant la guerre d’Irak, (elle a même voté la résolution 1441 de l’ONU), et ne constituait nullement une menace pour les Etats-Unis. En s’attaquant à la Syrie, les Etats-Unis prendraient le risque de ressembler à une brute avec un désir insatiable de s’en prendre aux pays arabes. Troisièmement, mettre la Syrie sur la liste, donnerait à Damas une forte raison da causer des troubles en Irak. Le bon sens veut que, même si l’on a des raisons de mettre la pression sur la Syrie, il faudrait terminer d’abord le travail en Irak. Pourtant le Congrès insiste pour mettre la Syrie en point de mire. Ceci s’explique dans une large mesure par la pression exercée par les responsables israéliens et par des groupes du genre AIPAC. S’il n’y avait pas de lobby, il n’y aurait pas eu de loi anti-syrienne, et la politique de Washington envers Damas aurait été plus conforme aux intérêts nationaux américains.Les Israéliens ont tendance à décrire chaque menace dans les termes les plus alarmants, mais l’Iran est largement vue comme l’ennemi le plus dangereux, parce que c’est le pays où la probabilité d’acquérir des armes nucléaires est la plus forte. Les Israéliens considèrent chaque pays musulman au Moyen Orient avec des armes nucléaires comme une menace à leur existence. «L’Irak pose problème…mais, si vous voulez mon avis, vous devriez comprendre que l’Iran est aujourd’hui plus dangereux que l’Irak», remarquait Binyamin Ben-Eliezer, le ministre israélien de la défense, un mois avant la guerre d’Irak.Sharon commença à pousser les Etats-Unis vers la confrontation avec l’Iran en novembre 2002, dans une interview donnée au Times. Décrivant l’Iran comme le «centre de la terreur mondiale», et déterminé à acquérir l’arme nucléaire, il déclara que Washington devrait s’occuper de ce pays «un jour après sa conquête de l’Irak ». Fin avril 2003, le Ha’aretz rapporta que l’ambassadeur d’Israël à Washington appelait pour un changement de régime en Iran. Le renversement de Saddam, disait-il, «n’est pas suffisant». Selon lui, «l’Amérique devrait aller plus loin. Nous avons encore de grandes menaces de cette magnitude venant de Syrie, venant d’Iran.»Les néoconservateurs, aussi, ne perdaient pas de temps. Ils avaient affiné leur argumentation pour un changement de régime en Iran. Le 6 mai 2003, l’American Enterprise Institute (AEI) co-sponsorisa une conférence sur l’Iran avec la Fondation pour la Défense des Démocraties et le Hudson Institute, deux fervents défenseurs d’Israël. Les conférenciers étaient tous passionnément pro-israéliens, et beaucoup pressaient Washington de remplacer le régime irakien par une démocratie. Comme d’habitude, une pléthore d’articles, écrits par des néoconservateurs, poussaient vers une confrontation avec l’Iran. « La libération de l’Irak était la première grande bataille pour l’avenir du Moyen Orient…Mais la prochaine grande bataille – nous souhaitons qu’elle ne soit pas militaire- sera avec l’Iran », écrivait William Kristol dans le Weekly Standard du 12 mai 2003.L’administration a répondu à la pression du lobby en travaillant dur en vue de mettre un terme au programme nucléaire iranien. Mais Washington a eu peu de succès, et l’Iran semble déterminé à avoir son arsenal nucléaire. Face à ce résultat, le lobby a intensifié sa pression. Des éditoriaux et des chroniques ne cessent de mettre en garde contre les dangers imminents venant du nucléaire iranien, prônent la prudence contre toute tendance à l’apaisement avec un régime «terroriste» et poussent vers l’action préventive en cas d’échec de la diplomatie. Le lobby est en train de pousser le Congrès vers l’adoption d’une loi sur «le Soutien à la Liberté en Iran» qui devrait aggraver les sanctions existantes. Les responsables israéliens, de leur côté, avertissaient qu’ils pourraient engager des actions préventives, si l’Iran continuait sur la voie nucléaire, des menaces visant surtout à garder l’attention de Washington focalisée sur la question. On pourrait objecter qu’Israël et le lobby n’ont pas beaucoup d’influence sur la politique envers l’Iran, parce que les Etats-Unis ont leurs propres raisons d’empêcher ce pays d’acquérir l’arme nucléaire. C’est vrai dans une certaine mesure, mais les ambitions nucléaires de l’Iran ne posent pas de menaces directes pour les Etats-Unis. Si Washington pouvait vivre avec le nucléaire de l’Union Soviétique, de la Chine et de la Corée du nord, elle peut vivre aussi avec le nucléaire iranien. Et c’est pour ça que le lobby est obligé de maintenir une pression constante sur les politiciens et les inciter à la confrontation avec Téhéran. L’Iran et les Etats-Unis ne seraient sûrement pas des alliés, si le lobby n’existait pas, mais la politique américaine envers l’Iran aurait été plus modérée et la guerre préventive ne serait pas une option sérieuse.Il n’est pas surprenant qu’Israël et ses partisans américains veuillent que les Etats-Unis se chargent de traiter n’importe quelle menace qui pèse sur la sécurité d’Israël. Si leurs efforts pour façonner la politique américaine réussissent, les ennemis d’Israël seront affaiblis ou renversés, celui-ci aura les mains libres face aux Palestiniens, et les Etats-Unis, qui auront mené la plupart des combats, auront aussi à payer la facture en termes de morts, d’argent et de reconstruction. Mais même si les Etats-Unis échouent à remodeler le Moyen Orient et se trouvent en conflit avec un monde arabe et islamique de plus en plus radicalisé, Israël finira par se trouver protégé par l’unique superpuissance du monde. Evidemment, il est préférable que les Etats-Unis prennent leur distance ou utilisent leurs atouts pour forcer Israël à faire la paix avec les Palestiniens, mais cette option n’est pas celle que préfère le lobby.Le pouvoir du lobby peut-il être réduit ? On pourrait être tenté de répondre par l’affirmative, compte tenu de la débâcle irakienne, du besoin évident de reconstruire l’image de l’Amérique dans le monde arabe et islamique et des récentes révélations concernant des responsables de l’AIPAC qui ont passé des secrets du gouvernement américain à Israël. On pourrait aussi penser que la mort d’Arafat et l’élection de Mahmoud Abbas, un homme plus modéré, amèneraient les Etats-Unis à pousser vigoureusement et impartialement vers un accord de paix. En un mot, il y’a plusieurs raisons pour que les dirigeants américains prennent leur distance vis-à-vis du lobby et adoptent une politique moyen-orientale plus conformes aux intérêts américains au sens large du terme. En particulier, utiliser la puissance américaine pour réaliser une paix juste entre Israéliens et Palestiniens, aiderait à promouvoir la cause de la démocratie dans la région.Mais rien de tout ça ne va changer. Pas demain en tout cas. AIPAC et ses alliés (y compris les sionistes chrétiens) ne sont pas confrontés à des adversaires sérieux dans le monde du lobbying. Ils savent qu’il est devenu plus difficile aujourd’hui de défendre le dossier israélien, et ils y répondent en engageant plus de collaborateurs et en élargissant la sphère de leurs activités. Par ailleurs, les politiciens américains demeurent très sensibles aux contributions financières à leurs campagnes électorales et aux autres formes de pression politique. Sans parler des grands médias qui, probablement, maintiendront leur sympathie à Israël quoi qu’il fasse.L’influence du lobby provoque des troubles sur plusieurs fronts. Elle accroît le danger terroriste qui menace tous les Etats, y compris les alliés européens de l’Amérique. Elle a rendu impossible la résolution du conflit israélo-palestinien, une situation qui donne aux extrémistes de puissants atouts en termes de recrutement, poussent les terroristes potentiels et les sympathisants à s’organiser et contribue à l’expansion du radicalisme islamique en Europe et en Asie.Tout aussi inquiétante est la campagne que mène le lobby pour un changement de régime en Iran et en Syrie. Elle pourrait amener les Etats-Unis à attaquer ces pays avec des conséquences potentiellement désastreuses. Nous n’avons pas besoin d’un autre Irak. Au minimum, l’hostilité du lobby envers la Syrie et l’Iran prive Washington de la possibilité de les inclure dans la bataille contre Al Qaida et l’insurrection irakienne, et où l’aide de Damas et de Téhéran est vivement désirable.Il y’a ici aussi une dimension morale. Grâce au lobby, les Etats-Unis sont devenus de facto impliqués dans l’expansion israélienne dans les territoires occupés, devenant ainsi complices des crimes commis contre les Palestiniens. Cette situation entrave les efforts de l’administration américaine de promouvoir la démocratie à l’étranger et la rend hypocrite quand elle exhorte les autres Etats à respecter les droits de l’homme. Les efforts américains de limiter la prolifération nucléaire sonnent également hypocrites, compte tenu de la disposition de Washington à accepter l’arsenal nucléaire israélien, ce qui ne fait qu’encourager l’Iran et d’autres encore à rechercher des capacités similaires.Par ailleurs, la campagne du lobby d’étouffer le débat sur Israël est malsaine pour la démocratie. Condamner au silence les sceptiques en mettant en place des listes noires et en organisant des boycotts - ou en suggérant que les critiques sont anti-sémites- viole les principes du débat ouvert dont dépend la démocratie. L’incapacité du Congrès à conduire un débat authentique sur ces importantes questions, paralyse tout le processus de la délibération démocratique. Les partisans d’Israël devraient être libres de défendre leurs idées et de débattre avec ceux qui sont en désaccord avec eux, mais étouffer le débat par l’intimidation doit être fermement condamné.Enfin, l’influence du lobby a été mauvaise pour Israël aussi. Sa capacité de persuader Washington d’appuyer un projet expansionniste, a découragé Israël à saisir des opportunités – y compris un traité de paix avec la Syrie et une application prompte et intégrale des Accords d’Oslo-, ce qui aurait pu sauver des vies israéliennes et réduit le nombre des extrémistes chez les Palestiniens. Nier les droits politiques légitimes des Palestiniens n’a sûrement pas accru la sécurité d’Israël. Et la longue campagne visant à tuer ou marginaliser une génération de leaders palestiniens, n’a fait que renforcer les groupes extrémistes, comme le Hamas, et réduire le nombre de dirigeants palestiniens qui seraient disposés à accepter un règlement juste, et capables de l’appliquer. Israël lui-même serait probablement dans une meilleure situation si le lobby était moins puissant et la politique américaine plus impartiale. Il y’a, cependant, un rayon d’espoir. Bien que le lobby demeure une force puissante, les effets négatifs de son influence sont de plus en plus difficiles à cacher. Les Etats puissants peuvent maintenir des politiques erronées pendant un certain temps, mais la réalité ne peut être ignorée indéfiniment. On a besoin d’une discussion candide sur l’influence du lobby et d’un débat plus ouvert sur les intérêts vitaux américains dans cette région. Le bien-être d’Israël est l’un de ces intérêts, mais son occupation continue de la Cisjordanie et son projet politique régional ne font pas partie de ces intérêts. Un débat ouvert démontrera les limites stratégiques et morales du soutien partial américain, et pourrait changer la politique de Washington dans un sens plus compatible avec son propre intérêt national, avec les intérêts des autres Etats de la région, ainsi qu’avec les intérêts à long terme d’Israël.
Traduit de l’Anglais par Hmida BEN ROMDHANE, auteur du livre «Désastre à Abou Ghraïb»

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