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Monday, August 17, 2015

"Vous la brisez, elle est à vous"

Bien malin celui qui comprend quelque chose aux interminables négociations entre les frères ennemis libyens. Il n’est même sûr que le « moteur » de ces négociations, l’émissaire de l’ONU en Libye, Bernardino Léon, ait une claire vision de la très complexe situation dans laquelle se trouvent les Libyens aujourd’hui, quatre ans après la chute du régime du colonel Kadhafi. Entre Skhirat et Genève, les négociateurs libyens n’arrêtent pas de conclure des accords vite reniés ou laissés lettre morte. Ceci prouve que les politiciens libyens chargés de trouver une solution pour leur pays ont très peu d’influence sur le terrain dominé exclusivement par des groupes armés motivés par des considérations confessionnelles ou ethniques et menant une guerre totale les uns contre les autres. L’histoire pullule d’exemples où l’Occident intervenait militairement ou pernicieusement dans les affaires d’autres pays. Mais on a rarement vu une intervention aux conséquences aussi désastreuses que celle de l’Otan en Libye en 2011, si l’on exclut celle des Etats-Unis en Irak en 2003. Il y a un adage anglo-saxon qui dit « You break it, you own it », ce que l’on peut traduire grossièrement par « vous la brisez, elle est à vous ». Cela veut dire que si par maladresse vous brisez une pile d’assiettes de porcelaine dans une grande surface, vous passez à la caisse et vous réglez la note. Ce principe qui s’applique aux choses anodines, s’applique a fortiori aux choses sérieuses, précieuses et vitales pour la vie des peuples, par exemple l’institution étatique. En 2011, l’ONU et l’Otan n’ont pas aidé le peuple libyen à se débarrasser d’une dictature, mais lui ont ouvert les portes de l’enfer. Imaginez une famille qui vit dans une maison inconfortable, peu aérée, peu ensoleillée et dont l’air confiné et l’absence de lumière font subir aux membres de cette famille un stress permanent. Imaginons que cette famille qui n’a pas les moyens de reconstruire une maison confortable et moins stressante se voit proposer l’aide d’un entrepreneur. Imaginons que pour toute aide, l’entrepreneur envoie un bulldozer pour détruire la maison avant de s’évaporer dans la nature. Et la pauvre famille qui avait un toit pour s’abriter se retrouve assise sur les ruines de sa maison exposée au soleil brûlant et aux pluies diluviennes. L’ONU et l’Otan ont « aidé » le peuple libyen à la manière de cet entrepreneur satanique. Rappelons ici que le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté le 18 mars 2011 par dix voix contre cinq la résolution 1973 autorisant le recours à la force contre le régime du colonel Kadhafi. Rappelons également que l’Otan, se basant sur ce texte onusien, envoya ses bombardiers détruire un régime qui, en dépit de ses innombrables défauts, assura pendant plus de quatre décennies stabilité et sécurité pour le peuple libyen. Le régime libyen, malgré tous les abus commis contre les droits élémentaires des citoyens, se dressait comme un barrage infranchissable contre l’anarchie, la violence interethnique et interconfessionnelle et contre le terrorisme. A voir ce qui se passe depuis la chute de Kadhafi, on peut même dire que le régime libyen était une pièce maitresse dans le système sécuritaire nord-africain. Comment l’Otan, qui se considère comme le principal pilier du système sécuritaire mondial, peut-elle se permettre un comportement aussi irresponsable ? Un comportement qui a non seulement condamné le peuple libyen à une descente aux enfers, mais aidé à la déstabilisation de toute une région ? Comment l’ONU, qui se considère comme garante de la paix pour tous les peuples de planète peut-elle garder un tel silence face à tant d’irresponsabilité ? Si l’Otan ne pouvait s’empêcher d’intervenir contre le régime dictatorial du colonel Kadhafi, la moindre des choses est qu’elle prenne les dispositions nécessaires pour assurer la stabilité et la sécurité des Libyens jusqu’à ce qu’un autre régime soit mis en place. Au lieu de cela, l’Organisation atlantiste a chois de s’évaporer dans la nature dès la fin de sa mission destructrice. La Tunisie est le voisin le plus touché par la mission destructrice de l’Otan. Il serait fastidieux de citer ici tous les dommages économiques, sociaux et sécuritaires subis par ce petit pays du fait de la transformation de la Libye par l’irresponsabilité de l’Otan à en un paradis pour les terroristes et en un enfer pour les citoyens libyens. Citons seulement les deux actes terroristes les plus catastrophiques pour l’image et l’économie du pays : les attentats du Bardo et de Sousse qui ont fait des dizaines de victimes étrangères. Tout ce qui a trait aux préparatifs de ces attentats (entrainement des terroristes, armes et planification) ont été entrepris en Libye. Il n’est pas absurde d’affirmer ici que l’ONU par sa résolution 1973 et l’Otan par sa mission destructrice assument un certain degré de responsabilité dans la mort de dizaines de touristes étrangers en Tunisie. Dans un monde qui se respecte, ces deux grandes institutions internationales seraient trainées en justice et forcées de payer des dommages et intérêts pour le peuple libyen, pour les familles des touristes assassinés et pour le secteur touristique tunisien. Mais depuis quand vit-on dans un monde qui se respecte ?

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