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Monday, August 17, 2015

Richesse matérielle et indigence intellectuelle

Qu’est-ce qu’une bonne politique pour un Etat quelconque ? C’est d’assurer la prospérité et la stabilité sur l plan intérieur et, sur le plan extérieur, de s’entourer du maximum d’amis et du minimum d’ennemis. Pour cela, deux conditions sont essentielles : les ressources matérielles permettant au peuple de vivre sinon somptueusement du moins correctement, et les ressources humaines (intelligence, capacités intellectuelles) permettant de concevoir les bonnes décisions et de les appliquer. Si l’on assiste aujourd’hui dans la plupart des pays du monde à des problèmes inextricables, à des désordres de grande ampleur ou à des menaces existentielles guettant des peuples et des Etats, c’est parce que l’une ou l’autre de ces conditions ou les deux à la fois font défaut. Quelques rares pays sont dotés à la fois des ressources matérielles et humaines adéquates, ce qui permet à leurs peuples de vivre tranquillement, comme c’est le cas par exemple de la Suisse, de la Suède, de la Norvège, du Danemark, de la Finlande ou encore de la Hollande. Les peuples de ces pays ont la chance d’être gouvernés par des classes politiques suffisamment intelligentes pour assurer une vie prospère et sereine pour leurs citoyens, tout en s’interdisant de s’immiscer dans les affaires intérieures des autres. Ces quelques rares exemples mis à part, le reste des pays du monde font face à des problèmes plus ou moins graves ou vivent des désordres de plus ou moins grande ampleur à cause de la modestie excessive de leurs ressources matérielles et humaines, mais aussi de l’immixtion des puissants de ce monde dans leurs affaires intérieures. Des pays comme les Etats-Unis ou la Grande Bretagne ont les ressources matérielles suffisantes pour faire vivre leurs peuples correctement, mais manquent cruellement des ressources humaines adéquates capables de contribuer au bonheur des autres plutôt qu’à leur malheur. La propension pathologique de ces deux pays à s’immiscer dans les affaires des autres, à piller leurs richesses et à leur imposer des politiques désastreuses ont contribué pendant des décennies et même des siècles au malheur des centaines de millions d’êtres humains en Asie, en Afrique, en Amérique latine et, bien sûr, dans la région du Golfe-Moyen-Orient. A ce niveau, l’Irak est un cas d’école. Ce pays est doté de richesses pétrolières et agricoles exceptionnelles qui auraient pu faire du peuple irakien l’un des peuples les plus prospères et les plus heureux du monde. Si ce peuple est aujourd’hui le plus malheureux du monde, c’est par ce qu’il a eu la malchance d’être gouverné avant, pendant et après le « Baath » par des classes politiques exceptionnellement stupides, ceci d’une part. D’autre part, compte tenu de ses substantielles richesses naturelles, le peuple irakien a suscité depuis le début du siècle dernier la convoitise de puissants pays dont les classes politiques ne sont pas mieux favorisées en termes de matière grise que les classes politiques irakiennes. A titre d’exemple, il serait pratiquement impossible de déterminer avec certitude qui de Saddam Hussein ou de George W. Bush est le plus stupide… L’Arabie saoudite est un autre cas d’école. Voici un pays avec des richesses pétrolières immenses et une population très modeste pour les partager. Avec de tels atouts, l’Arabie saoudite aurait pu non seulement assurer le bonheur et la prospérité chez elle, mais les exporter aussi dans plusieurs régions du monde arabo-musulman. Mais malheureusement, ce qui nous vient aujourd’hui d’Arabie saoudite c’est le fanatisme, le terrorisme, l’intolérance, la haine de l’Autre, de celui qui est différent et réticent à suivre la voie tracée par Ahmad Ibn Hanbal et Mohamed Ibn Abdelwahab. Le monde arabo-musulman est victime dans une large mesure de ce mélange explosif d’une richesse matérielle excessive et d’une indigence intellectuelle non moins excessive. C’est l’indigence intellectuelle et le fanatisme aveugle qui ont fait que l’argent saoudien aille financer les terroristes d’Al Qaida hier en Afghanistan et aujourd’hui en Syrie, plutôt que d’aller s’investir dans des projets de développement au Yémen, au Soudan ou en Mauritanie. Mais la politique saoudienne n’est pas dommageable seulement pour les étrangers. Le pays lui-même est maintenant victime du terrorisme qu’il a implanté chez les autres. Il se brûle aujourd’hui par ceux-là même qu’il a créés et financés pendant des décennies. De l’Afghanistan dans les années 1980 à la Syrie et l’Irak aujourd’hui en passant par de nombreux autres pays, une multitude d’organisations terroristes ont largement bénéficié des pétrodollars saoudiens. Il suffit d’exprimer une haine implacable pour les chiites, de prendre pour maitres à penser Ibn Hanbal et Ibn Abdelwahab et de faire preuve de dextérité dans le maniement des explosifs pour que les pétrodollars commencent à pleuvoir. Beaucoup d’intellectuels pensent aujourd’hui que le pétrole est une malédiction pour le monde arabe. C’est vrai, mais cette affirmation mérite d’être nuancée. Le pétrole est devenu une malédiction pour le monde arabe parce que cette immense richesse d’or noir a toujours été gérée par des classes politiques très indigentes en termes de matière grise. Le philosophe français Descartes a dit, avec ironie sans doute, que « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ». On ne peut en dire autant de la matière grise qui, très visiblement, est la chose la moins partagée dans ce bas monde.

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