airelibre

Wednesday, July 22, 2015

Des fous à lier

Après des années de négociations marathoniennes et exténuantes, les 5+1 et l’Iran sont finalement arrivés à un accord sur le dossier complexe du nucléaire iranien. Un soupir de soulagement presque général a été poussé à travers le monde. Presque général, car Israël, obnubilé par le délire de son Premier ministre, pense que certaines clauses de l’accord contiennent une condamnation à mort implicite de l’Etat hébreu. Presque général, car l’Arabie saoudite et certains pays du Golfe pensent que l’accord donne des ailes à leur pire ennemi et accroit ses «capacités de nuisance » dans la région. A part ceux-là, pratiquement tout le monde est soulagé de voir enfin les Etats-Unis et l’Iran, à couteaux tirées depuis plus d’un tiers de siècle, résoudre enfin leur contentieux et s’apprêter à normaliser leurs relations. Mais le contentieux irano-américain est-il réellement résolu ? Aux Etats-Unis, il y a des forces qui ont tout fait pour faire échouer les négociations et qui se mobilisent actuellement pour saboter l’accord, la force principale étant le groupe des parlementaires républicains au Congrès. Ceux-ci, c’est connu, obéissent au doigt et à l’œil à Sheldon Adelson, un richard juif américain, « propriétaire » de leur parti, selon l’expression du journaliste israélien, Uri Avnery. Celui-ci n’a pas tout à fait tort, car les centaines de millions de dollars déboursés par celui-là au profit du parti républicain, font de lui un homme à la fois craint, respecté et obéi par tout républicain soucieux de sa carrière politique. Sheldon Adelson, bras droit d’Israël aux Etats-Unis, est contre l’accord, donc le parti républicain ne peut pas être pour l’accord et est en tain de mobiliser ses troupes au Congrès dans le but de faire échouer l’accord par un vote négatif. Ce qu’il faut remarquer ici est que la puissance combinée de Sheldon Adelson et de l’AIPAC (American Israeli Public Affairs Comittee) n’a pu, en dépit des moyens énormes déployés, empêcher l’administration Obama d’aller de l’avant et de poursuivre sa stratégie de normalisation avec l’Iran. Cet échec confirme la réduction de l’influence des groupes de pression pro-israéliens et de leur incapacité grandissante à imposer leurs vues à l’Exécutif américain, surtout quand il est géré par les démocrates. Les groupes de pression pro-israéliens pourront-ils se rattraper en bloquant l’accord avec l’Iran par le vote attendu dans deux mois au Congrès ? En fait le Lobby israélien a peu de chances de bloquer l’accord pour une raison bien simple. Dans le cas d’un vote négatif au Congrès, le président Obama est autorisé par la Constitution à opposer son veto. Dans ce cas de figure, le Congrès ne pourra annuler le veto présidentiel qu’avec une majorité des deux tiers du Congrès, ce qui est pratiquement impossible. En attendant l’issue de ce bras de fer américano-américain, penchons-nous un peu sur le tohu-bohu provoqué pendant de longues années par cette question parfaitement ridicule du nucléaire iranien. Si un Extraterrestre suivait disons par Skype à partir de chez lui les péripéties de cet imbroglio nucléaire irano-occidental de 2005 à 2015, il prendrait fort judicieusement tous les Terriens pour des fous à lier. Car ce que constaterait notre Extraterrestre est qu’un ensemble de pays, extrêmement puissants économiquement et disposant ensemble de milliers de têtes nucléaires capables de détruire trente fois la Terre, sont pris d’une panique irrationnelle par un millier de centrifugeuses et de quelques réacteurs nucléaires expérimentaux détenus par un pays à genoux sous le poids écrasant d’interminables sanctions internationales. Ce que constaterait aussi notre Extraterrestre est que des pays géographiquement proches de l’Iran (Pakistan, Inde) disposent chacun de sa bombe nucléaire sans que cela n’empêche le moindre Terrestre de dormir sur ses deux oreilles. Enfin, cerise sur le gâteau, ce que constaterait notre observateur lointain est qu’un pays minuscule de cinq millions d’habitants et disposant d’un minimum de deux cents têtes nucléaires, n’a pas cessé une décennie durant de remuer ciel et terre et de provoquer une pollution sonore infernale par ses cris stridents face à ce qu’il appelle « le danger mortel de la bombe iranienne ». Après cela, quel Terrien honnête peut-il en vouloir sérieusement à notre Extraterrestre de nous traiter de fous à lier ? Mais supposons un instant, que l’Iran a réussi à fabriquer sa bombe et à occuper un petit strapontin dans le club nucléaire. Une chose est sûre, le ciel ne nous serait pas tombé sur la tête. Un Iran avec la bombe nucléaire ne serait pas plus dangereux que le Pakistan ou l’Inde. Il ne serait sûrement pas plus dangereux qu’Israël, sans parler des grands détenteurs d’armes de destruction massive que sont les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. L’argument auquel Netanyahu s’accroche désespérément est que l’Iran est dirigé par des « mollahs fous et irrationnels ». En fait pour savoir de quel côté se trouve la folie et l’irrationalité, il suffit de comparer les politiques engagées par les dirigeants d’Israël et les mollahs d’Iran pendant les trente dernières années. Ceux-là ont fait de la guerre, de l’agression et de l’occupation le trépied de leur politique depuis des décennies. Ceux-ci, depuis leur arrivée au pouvoir en 1979, n’ont occupé personne et n’ont agressé personne. La guerre irano-irakienne de 1980 est l’une de fautes historiques de Saddam Hussein qui, encouragé par les Américains, avait commis l’immense erreur d’entrer en guerre contre son voisin pour découvrir que ceux qui l’avaient encouragé, vendaient des armes à la fois aux Irakiens et aux Iraniens… Cela dit, Netanyahu a un peu raison de crier sur les toits que l’Iran peut tricher, frauder et tromper l’Occident au sujet de la bombe. Car, le type sait de quoi il parle. Son propre pays a pendant des années triché, fraudé et trompé le monde entier au sujet de la même bombe. Et un beau jour, on a découvert qu’Israël est assis sur un arsenal de deux cents têtes nucléaires.

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