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Wednesday, July 29, 2015

Déchainement anti-kurde

A peine quelques jours sont-ils passés depuis que les Turcs se sont engagés aux côtés de « la coalition internationale contre le terrorisme » que les observateurs et les commentateurs commencent à se demander sur les réelles intentions d’Ankara. Il est vrai que l’armée turque a bombardé quelques positions de Daech en Syrie sans que l’on sache exactement leurs degrés de précision et d’efficacité, et sans qu’on ait la moindre idée sur le prix payé par les terroristes du fait du changement de la politique de la Turquie qui, soudain, s’est transformée d’un atout principal en un adversaire déclaré des daéchiens. Sans doute est-il encore tôt d’avoir une idée précise et de juger, mais une chose est sûre : les combattants kurdes du PKK (le parti des travailleurs du Kurdistan d’Abdallah Oçalan) ont reçu beaucoup plus de bombes que les terroristes de Daech. Pourtant, le PKK respectait la trêve conclue avec Ankara et qui tenait depuis trois ans. Pour comprendre la nouvelle politique des dirigeants islamistes de Turquie, il faut avoir présents à l’esprit quelques éléments importants. Tout d’abord les élections législatives du 7 juin dernier ont été catastrophiques pour le KDP, le parti islamiste d’Erdogan. Non seulement, il a perdu la majorité qui lui a permis de gouverner la Turquie depuis 2002, mais il a vu la surprenante émergence du parti démocratique des peuples, composé d’organisations et d’associations kurdes, qui a raflé pas moins de 80 sièges. Mais avant cela, et alors que la Turquie était en pleine campagne électorale, les dirigeants islamistes turcs ne cachaient pas leur frustration et leur déception face à la victoire remportée par les Kurdes syriens à Kobani, la fameuse ville kurde du nord de la Syrie, d’où les terroristes de Daech ont été expulsés. Les autorités islamistes de Turquie ont tout fait pour aider les terroristes à occuper Kobani, mais les Kurdes ont pu résister et infliger une défaites cuisantes aux mercenaires du « Calife » Abou Bakr Al Baghdadi Visiblement le prestige international dont se sont auréolés les Kurdes syriens et irakiens grâce à leur combat victorieux contre les terroristes de « l’Etat islamique » a accru le stress et les inquiétudes des dirigeants turcs qui craignent que ce prestige ne galvanise les ambitions des Kurdes de se regrouper au sein d’une entité politico-ethnique. Ces ambitions sont un souci obsessionnel pour les dirigeants turcs qui, utilisant le prétexte de l’attentat perpétré par Daech contre la vile de Suruç, s’engagent dans la lutte contre le terrorisme. Cela fait près de cinq ans que les organisations terroristes islamistes (Al Qaida, Daech, Jabhet Annusra) se déchainent, mettant à feu et à sang le Moyen-Orient et l’Afrique du nord, sans oublier les ravages de Boko Haram au sud du Sahara. Cela fait près de cinq ans que ces organisations sèment la mort et la destruction parmi les musulmans, sunnites et chiites confondus. Les morts se comptent en centaines de milliers, et les déplacés, les déracinés et autres réfugiés se comptent en millions. Face à ce bilan terrifiant, et tout au long de ces années de braise, le PKK, bien que son chef Oçalan soit détenu depuis 18 ans, n’a pas commis le moindre attentat et respectait scrupuleusement le processus de paix engagé depuis trois ans. Le premier attentat commis par le PKK remonte seulement à quelques jours. Deux policiers turcs ont été tués par le PKK qui les accuse de « collaboration » avec les terroristes de Daech dans l’attentat de Suruç contre les Kurdes. Et pourtant, le gros des efforts guerriers des autorités turques sont orientés beaucoup plus vers le PKK plutôt que vers les vrais terroristes. Des manifestations quotidiennes se déroulent à Istanbul, dénonçant la politique à la fois répressive contre les Kurdes et complaisante à l’égard des terroristes islamistes. Ce n’est pas par hasard ni par démagogie que l’un des slogans principaux des manifestants d’Istanbul est « l’AKP complice des Djihadistes ». Encore une fois, les Etats-Unis se mettent dans une situation inextricable, difficile à gérer et dommageable à leurs intérêts et à leur réputation. Parce que les autorités turques leur ont ouvert la base militaire d’Incirlic, ils n’ont pas hésité un instant à approuver les bombardements au nord d’Erbil et de Dohuk, ce qui constitue à la fois une agression contre un pays voisin, l’Irak, et une violation de la trêve conclue avec le PKK. Mais ce n’est pas le plus grave ni le plus étonnant, car les Etats-Unis ont depuis belle lurette habitué le monde à une donnée fondamentale de la réalité internationale : quand ils n’agressent pas eux-mêmes, ils s’alignement systématiquement du côté des agresseurs. Le plus grave est que, dans la campagne de mobilisation contre le terrorisme daéchien qu’ils mènent tambour battant, les Etats-Unis se retrouvent dans la situation abracadabrante où deux ennemis irréductibles, la Turquie et les Kurdes, doivent coordonner leurs efforts pour combattre Daech. Si pour les Kurdes de Turquie, d’Irak et de Syrie, les terroristes daéchiens constituent une menace existentielle, pour la Turquie officielle ce sont les Kurdes, à quelque pays qu’ils appartiennent, qui présentent une menace bien plus grande que le terrorisme islamiste. Comment, dans leur stratégie anti-terroriste, les Etats-Unis vont-ils s’y prendre pour résoudre cette quadrature du cercle ? Aujourd’hui, mardi 28 juillet, l’Otan, qui assume une lourde responsabilité dans le déferlement de la vague terroriste, va se réunir pour étudier la demande d’aide de la Turquie dans sa lutte contre le… PKK. Les terroristes de Daech et leur « Calife » doivent prier jour et nuit pour que Dieu donne longue vie à leurs protecteurs turcs. Surtout qu’aux dernières informations, les milices kurdes qui ont expulsé les daéchiens de Kobani, ont subi hier lundi de lourds bombardements venant de Turquie…

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