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Thursday, August 29, 2013

La terrifiante stratégie de l'Occident

Les armes chimiques font-elles réellement plus mal aux êtres humains que les armes conventionnelles ? Pourquoi les corps déchiquetés ou les civils enterrés vivants sous les décombres choquent-ils moins que les personnes mortes par inhalation d’un gaz mortel ? Pourquoi les 100.000 morts en Syrie par des armes conventionnelles provoquent-ils nettement moins d’émoi sur la scène internationale que les quelques dizaines de personnes supposées mortes par des armes chimiques ? Certes l’humanité a fait un progrès appréciable en interdisant l’usage dans les guerres des armes chimiques, classées dans la catégorie d’ « armes de destruction massive ». Mais les armes conventionnelles peuvent être plus dévastatrices que les armes chimiques dans le sens où, avec de telles armes « légales », selon le droit international, on peut raser des villages et des villes et enterrer vivants sous les décombres des civils par centaines de milliers. Il n’y a qu’à se rappeler les bombardements alliés de Dresde et de Tokyo à la fin de deuxième guerre mondiale. La question de l’usage d’armes chimiques dans le conflit syrien comporte plusieurs zones d’ombre qui continuent de faire barrage à l’émergence de la vérité. Celle-ci se dérobe encore aux efforts des enquêteurs onusiens qui ne savent toujours pas où, quand, comment et par qui des armes chimiques ont été utilisées dans le terrifiant conflit syrien. Cet usage d’armes chimiques pose un réel problème, et il est hautement improbable que la vérité, toute la vérité soit découverte un jour tellement les choses sont complexes. Plusieurs suppositions sont en compétition et chacune d’elle comporte un certain degré de crédibilité. On peut citer trois éventualités dont chacune est soutenue par des arguments pour et réfutée par des arguments contre : 1- le régime de Bashar al Assad est le responsable de cet usage d’armes interdites ; 2- l’opposition armée a fait usage de ces armes dans le but de l’attribuer au régime et provoquer une intervention occidentale et 3- il s’agit d’une vaste opération d’intoxication, si l’on peut dire, de l’opinion publique occidentale, et les corps enveloppés dans leurs linceuls et alignés face aux caméras relèvent d’une mise en scène macabre entrant dans le cadre de la guerre psychologique. Face à ces trois éventualités, Washington, Londres et Paris ont choisi la première avant même que les enquêteurs de l’ONU ne terminent leur travail sur le terrain. En fait, ce choix, dicté apparemment par des rapports des services de renseignements américains et européens, est stressant pour le président Barack Obama qui se trouve au pied du mur. Peut-être regrette-t-il maintenant d’avoir raté une occasion de se taire le jour où il a tracé une « ligne rouge » (l’usage d’armes chimiques) que le président Assad ne devrait pas franchir, sous peine de représailles militaires. Car Obama s’est mis dans la position intenable de n’avoir que deux choix aussi mauvais l’un que l’autre. Soit il donne l’ordre de l’intervention militaire, et là il sera confronté à l’hostilité de l’opinion américaine et à l’insignifiance de l’opération du fait de l’absence d’intérêts américains à défendre et d’objectifs stratégiques à accomplir. En d’autres termes, Obama prendra le risque de tuer plus de civils que n’aurait fait tomber l’usage présumé d’armes chimiques rien que pour montrer au monde qu’il est un homme de parole et que ses menaces doivent être prises au sérieux. Soit alors il s’abstiendra d’attaquer la Syrie et la crédibilité de ses menaces sera fortement entamée à la grande satisfaction de Téhéran, de Pyongyang et autres ennemis traditionnels des Etats-Unis. Paris et Londres semblent plus pressés que Washington d’aller déverser leurs bombes sur Damas. Cet empressement est d’autant plus étonnant que la France et la Grande Bretagne sont au centre de la catastrophe libyenne. Les aviations française et britannique ont pris une part active dans la destruction du régime de Kadhafi, sans se soucier le moins du monde de ce qui adviendra après. Résultat de leur exploit : anarchie généralisée, impossibilité d’établir une autorité politique capable de tenir le pays, explosion du terrorisme, pillage systématique de l’armement de Kadhafi, évalué en milliards de dollars nourrissant le terrorisme et alimentant un trafic d’armes à l’échelle continentale etc. Supposons que dans le cas libyen Paris et Londres ne pouvaient pas prévoir une issue aussi catastrophique de leur intervention militaire contre le régime de Kadhafi. Ce n’est pas le cas pour la Syrie. Tout le monde sait que dès la chute de Bashar al Asad, les différentes factions de l’opposition armée s’entredéchireront pour le pouvoir, une perspective d’autant plus cauchemardesque que les terroristes liés à Al Qaida tiennent le haut du pavé et n’hésiteront pas un instant à mettre à feu et à sang la Syrie et à décapiter quiconque s’opposera à leur délire meurtrier. Et c’est à cette espèce extrêmement dangereuse de terroristes qu’Américains, Britanniques et Français vont faciliter la tâche en s’apprêtant à bombarder le principal barrage qui les tient encore à distance : le régime de Bashar. Cela dit, armes chimiques ou pas, le comportement des puissances occidentales de la première guerre d’Irak de 1991 jusqu’à ce jour semble guidé par une stratégie terrifiante dont le résultat, voulu ou non, est l’installation durable de l’instabilité, de l’anarchie et de la guerre dans le monde arabe.

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