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Sunday, August 11, 2013

La première et la dernière promesse tenue

Par les temps qui courent, les politiciens qui promettent et ne tiennent pas leurs promesses sont légion. Ce n’est pas propre à la Tunisie, bien sûr, c’est une caractéristique que partagent les hommes politiques à quelque pays et à quelque culture qu’ils appartiennent. Pourtant, les gouvernés ne demandent pas la lune à leurs gouvernants. Pour parler de lune, justement, le mois dernier, juillet 2013, cela faisait exactement 44 ans que l’homme s’est arraché à son milieu naturel pour aller faire un tour sur le satellite le plus proche de la Terre. Cet exploit a été rendu possible parce qu’un politicien, le premier et le dernier sans doute dans l’histoire de l’humanité, a promis la lune au vrai sens du terme à son peuple et a tenu parole, même si c’est à titre posthume : John Fitzgerald Kennedy, 35eme président des Etats-Unis. L’université Ann Arbor dans l’Etat du Michigan est l’une des meilleures universités publiques au monde. A l’entrée de cette université, on ne peut pas ne pas fouler du pied une étrange plaque de cuivre cimentée sur le seuil. N’importe qui des 120.000 habitants de la ville d’Ann Arbor (dont 50.000 étudiants) vous dira avec une pointe de fierté, que c’est là précisément, sur le seuil de l’université que John Fitzgerald Kennedy avait, un jour de l’an de grâce 1961, promis à son peuple la lune. Il avait dit alors : « Dans dix ans, le drapeau américain sera planté sur la lune. » C’était une promesse sous forme de défi que le jeune président lançait à l’Amérique et la sommait de relever. L’Amérique releva le défi dans moins de temps que Kennedy avait promis. Le 21 juillet 1969, la bannière étoilée fut plantée sur le sol lunaire par l’astronaute Neil Armstrong qui effectua simultanément en cette journée mémorable « le petit pas pour l’homme et le pas de géant pour l’humanité. » Kennedy n’avait pas eu la chance de fêter avec ses compatriotes la concrétisation de sa promesse. Mais il a la satisfaction éternelle d’être le premier et le dernier politicien à avoir promis la lune et d’avoir tenu sa promesse. A titre posthume, certes, mais promesse tenue quand même. Les jeunes tunisiens qui n’avaient pas vécu l’événement en direct, peuvent aujourd’hui, s’ils le veulent bien sûr, tout savoir par un simple click sur « Google » tous les détails de l’extraordinaire événement du 21 juillet 1969. Mais les moins jeunes et les vieux ne peuvent oublier l’effervescence sentimentale qui avait suivi le 21 juillet et qui allait de l’émerveillement à l’incrédulité. Comme pour convaincre les incrédules, un caillou lunaire fut exposé dans une vitrine en face du Centre culturel américain, situé à l’époque sous les arcades en plein centre ville. La foule s’agglutinait autour de la vitrine et chacun y allait de son commentaire. Pour les uns, émerveillés, contempler ce caillou venu d’ailleurs procurait une sensation forte. C’était un peu comme si on regardait la lune à une distance non plus de 400.000 kilomètres, mais de 40 centimètres. Comme si on avait à portée de main ce satellite de la Terre qui, depuis la nuit des temps, prenait un malin plaisir à narguer une humanité, inquiète ou fascinée, par l’alternance régulière de ses apparitions et ses disparitions. Et même si les Arabes et les musulmans n’avaient contribué en rien à cette conquête scientifique et spatiale majeure, nous étions tout de même fiers de cet exploit extraordinaire, fruit de l’intelligence humaine et de l’obstination de l’esprit humain qui avait fini par réaliser ce rêve fou enfoui depuis la nuit des temps dans l’inconscient collectif de l’humanité. Pour les autres, incrédules, il n’en est rien. C’est du bluff. Les Américains sont allés à coup sûr chercher ces cailloux dans les Appalaches ou les montagnes rocheuses pour faire croire à leur toute puissance. Mais par la suite, et grâce à la répétition de l’exploit avec la série des « Apollo », la conquête de la lune s’est même un peu banalisée, et les incrédules ont eu la bonne idée de s’évanouir dans la nature. Ceux qui sont aujourd’hui à la retraite ou qui s’apprêtent à la prendre, se rappellent que moins de deux mois après la conquête de la lune, la Tunisie avait connu des inondations catastrophiques, celles de septembre 1969. Là aussi, chacun y allait de son commentaire. Pour les uns, on subissait la colère divine pour notre impiété, pour les autres, la faute incombait au gouvernement incapable de protéger les zones dévastées, mais en se gardant bien de dire comment et par quels moyens. Un honnête citoyen kerkennais, comme il y’en a tant dans les îles Kerkennah, avait lui une explication qui prenait en compte l’actualité scientifique et spatiale brûlante du moment. Angoissé par une pluie torrentielle qui n’arrêtait pas de tomber, désespéré face à l’inexorable montée des eaux qui menaçait sa maison et ses meubles, l’honnête citoyen expliquait à haute voix l’origine de la catastrophe à qui voulait bien l’entendre : « en montant sur la lune, les Américains ne pouvaient pas ne pas trouer le ciel. Et si la pluie ne s’arrête pas, c’est parce que le ciel est désormais troué. C’est une propriété naturelle de l’eau que de s’engouffrer dans tous les trous qu’elle rencontre. » Aussi, notre honnête citoyen, prenant le risque de se mouiller un peu, sortit sa tête de sa fenêtre et s’adressa aux Américains, avec une voix pleine de reproches, en ces termes : « Vous l’avez troué ? Bouchez-le maintenant ! »

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