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Sunday, August 11, 2013

"Citadelles interdites"

La décision du département d’Etat de fermer une vingtaine d’ambassades et de consulats américains au Moyen-Orient et en Afrique du nord, pose à nouveau le problème des menaces terroristes dont les Etats-Unis sont l’objet depuis des décennies. Pour revenir à l’histoire, disons qu’il y a une trentaine d’années, Washington a décidé de s’engager dans la construction d’une « nouvelle génération d’ambassades » à travers le monde avec un plan de construction et une architecture qui prend avant tout en compte la sécurité et la protection du personnel diplomatique américain contre les attaques terroristes orientés contre les intérêts américains. Ce nouveau genre d’ambassades est connu sous le nom de « Inman Buildings », en référence à un ancien directeur adjoint de la CIA, l’amiral Bobby Inman. Celui-ci avait au début des années 1980, et plus précisément après les attaques des ambassades américaines au Liban et au Koweït en 1983, mis en place des règles de construction strictes faisant ressembler ces ambassades plus à des bunkers qu’à des bâtisses accueillant des missions diplomatiques. En plus de cela, l’amiral Inman a introduit un nouveau service dans les ambassades US à l’étranger, le DSS (Diplomatic Security Service). L’intervention de l’ancien directeur adjoint de la CIA dans les affaires du département d’Etat a eu deux conséquences notables : une augmentation faramineuse des dépenses consacrées à la protection des missions diplomatiques américaines dans le monde, et une tension croissante entre le personnel des ambassades et le DSS. Cette tension, cela va sans dire, a eu pour effet d’entraver les efforts des diplomates qui, dans certains cas et certaines circonstances, ne pouvaient pas accomplir leur mission correctement et efficacement, compte tenu des restrictions qui leur sont imposées. Cette politique du tout sécuritaire a été généralisée à un point tel que même la représentation américaine auprès de l’ONU à New York n’y a pas échappé, ce qui a fait dire à Stephen Schlesinger de la ‘Century Foundation’, dans un article publié dans le Washington Post : « Au lieu d’être un lieu accueillant et gai, montrant le désir d’ouverture de l’Amérique sur le monde et soulignant nos valeurs optimistes et progressistes, notre mission diplomatique au siège de l’ONU se dresse comme une forteresse interdite et lugubre avec un seul message : allez-vous-en ». La décision prise il y a une trentaine d’années de transformer les ambassades et consulats américains en « forteresses interdites » les a-t-elle protégés contre les attaques terroristes ? Non si l’on en juge par les séries d’attaques qui ont visé les représentations diplomatiques américaines durant les vingt dernières années. Ces attaques ont eu lieu au Kenya, en Tanzanie, ay Yémen, en Turquie, au Liban, au Soudan, en Arabie Saoudite, en Syrie, en Grèce, au Mexique, en Serbie, sans oublier la Libye et la Tunisie. L’Irak et l’Afghanistan sont évidemment des cas à part. Des analystes américains considèrent que « Inman Buildings » ou pas, le terrorisme restera un phénomène lancinant et continuera à viser la première puissance du monde « dans les 100 prochaines années ». Il est peu probable que les Etats-Unis gardent leur statut de première puissance mondiale pendant cent ans encore, mais ce qui est sûr c’est qu’ils seront encore les plus visés par le terrorisme pendant les années ou peut-être les décennies à venir. Ils resteront les premiers visés parce qu’il n’y a réellement aucun signe en provenance de l’autre côté de l’Atlantique prouvant que les Etats-Unis présentent des signes de guérison du syndrome du pompier-pyromane qui les affecte depuis des décennies. En d’autres termes, il n’y a aucun signe qui prouve que Washington est en train de mettre sur pied une nouvelle politique à l’échelle mondiale où il y a moins d’agressivité, moins d’injustice, moins de soutien inconditionnel à Israël, moins d’indifférence et moins de cupidité envers les damnés de la terre. Une question à laquelle tout honnête homme ne pourra répondre que par l’affirmative : le terrorisme ne sera-t-il pas aujourd’hui nettement moins ravageur et moins étendu dans le monde si George W. Bush n’avait pas pris la décision de détruire l’Irak ? Une précision importante doit être soulignée. L’analyse faite ici ne tend nullement à démontrer que les terroristes s’attaquent aux Etats-Unis parce qu’ils manquent de compassion et de générosité ou parce qu’ils soutiennent l’injustice dans le monde ou encore parce qu’ils agressent ou détruisent des pays plus faibles. Les terroristes se soucient comme d’une guigne du sort des faibles et des opprimés. Bien au contraire, partout où ils frappent, leurs nombreuses victimes se comptent avant tout et en premier lieu parmi les faibles, les opprimés et les innocents. Ils exploitent la politique américaine au Moyen-Orient et ailleurs comme carburant pour leurs activités terroristes dont l’objet n’a évidement rien à voir avec les intérêts des peuples ou des groupes sociaux ou religieux qu’ils prétendent défendre et qui leur servent en réalité de chair à canon. En attendant la guérison des uns et des autres, les victimes de la politique étrangère américaine sont souvent aussi celles du terrorisme. Se comptant par dizaines ou centaines de millions dans le monde, les victimes réelles et potentielles sont coincées entre l’enclume américaine et le marteau terroriste.

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