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Tuesday, January 29, 2013

D'In Amenas à l'université d'Alep

Ils étaient des centaines d’Algériens et des douzaines d’étrangers à travailler sereinement dans le complexe gazier d’In Amenas, ce mercredi 16 janvier, quand les terroristes surgirent. Ceux-ci étaient une quarantaine, dont « 11 Tunisiens », selon les sources officielles algériennes. Cette prise d’otages spectaculaire est à la mesure de la frustration et des pertes subies par les jihadistes au Mali qui, avec l’intervention de l’armée française, voient leur rêve de bâtir dans ce pauvre pays africain « le premier noyau de l’Etat du Khalifa » s’effondrer. L’attaque contre l’un des centres névralgiques de l’économie algérienne par une quarantaine de terroristes vise un triple objectif. Elle vise d’abord à « punir » les autorités algériennes d’avoir permis le survol du territoire par les avions militaires français qui se dirigeaient vers le Mali. Elle vise ensuite à se doter des moyens de faire des pressions sur l’armée française pour l’amener, par le biais du chantage à mettre fin à son intervention auprès des Maliens. Elle vise enfin à s’emparer du maximum d’otages originaires des pays riches afin de monnayer leur libération au prix fort, comme le fait, du reste, depuis des années Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Aucun de ces objectifs n’a été atteint et tous terroristes ont été liquidés, à part trois quatre qui ont été arrêtés par l’armée algérienne. Des arrestations que les Algériens jugent « extrêmement importantes » puisqu’elles peuvent générer des informations précieuses sur les activités secrètes des groupes terroristes dans le Sahel africain. Mais l’aspect le plus dramatique de cette prise d’otages est qu’elle a engendré la mort d’une trentaine de personnes innocentes de différentes nationalités. Au début, et sous le choc causé par l’ampleur du nombre des victimes, certains gouvernements, notamment à Londres et à Tokyo, ont émis certaines critiques sur la manière suivie par les Algériens de libérer les otages. Mais très vite les critiques se sont tues et les témoignages d’approbation et même de félicitation ont afflué de toutes parts vers l’Algérie. Le monde a compris que les autorités algériennes ne pouvaient pas agir autrement pour deux raisons fondamentales. D’abord, le site attaqué est un complexe gazier que les terroristes n’auraient pas beaucoup de difficultés à faire exploser, une perspective effrayante qui a poussé les autorités algériennes à mettre au point « une stratégie très complexe » afin de sauver à la fois le site industriel et ceux qui y travaillent. Ensuite, les blessures de la « décennie sanglante » sont encore vives en Algérie pour que les autorités de ce pays changent de stratégie et envisagent une quelconque négociation avec les terroristes. Pour leur protection et pour la réussite de leur opération, les terroristes comptaient sur le nombre d’étrangers qu’ils comptaient capturer pour s’en servir, dans leur fuite planifiée, comme bouclier contre les attaques attendues de l’armée algérienne. Mais, avec le bombardement des premières voitures chargées d’otages, il était évident dès le début que la priorité des priorités pour les autorités algériennes était de ne laisser aucun terroriste fuir avec des otages. Face à cette détermination des autorités algériennes, il y a celle des terroristes qui, après s’être convaincus qu’ils ne sortiront pas vivants du piège qu’ils se sont eux-mêmes tendu, et fidèles à l’inhumanité intrinsèque qui les caractérise, ces « signataires dans le sang » ont décidé d’emporter avec eux dans l’au-delà les otages qu’ils n’ont pu amener loin dans désert africain. C’est ce qui explique le nombre élevé des victimes innocentes. Le site gazier d’In Amenas était la semaine dernière le théâtre d’une nouvelle bataille de la guerre larvée qui oppose depuis plus deux décennies les autorités algériennes au terrorisme. Encore une fois une bataille gagnée par les autorités algériennes, et encore une fois une bataille perdue par les terroristes. Au-delà des quarante preneurs d’otages, des voitures et de l’arsenal d’armements perdus par les organisations terroristes actives dans le désert africain, la bataille d’In Amenas, en termes de stratégie, pourrait engendrer des répercussions désastreuses pour les jihadistes du Sahel. Ayant entrepris leur prise d’otages spectaculaire dans l’objectif immédiat et urgent d’alléger la pression exercée sur les combattants islamistes au Mali par l’entré en action de l’armée française, c’est l’effet contraire qui risque de se produire. La France ne sera que plus déterminée à libérer « la totalité du territoire malien », et ses alliés allemand, britannique, américain et autres, après le drame d’In Amenas, seront très probablement plus motivés encore à apporter leur aide Mais le drame d’In Amenas ne risque-t-il pas d’avoir des réverbérations sur des milliers de kilomètres, jusqu’en Syrie où les mêmes jihadistes avec les même objectifs et le même drapeau noir sont en train de combattre depuis près de deux ans le régime de Bachar Al Assad ? En effet, la prise d’otages spectaculaire du site gazier algérien ne peut pas ne pas mettre dans l’embarras la France, la Grande Bretagne, les Etats-Unis et quelques autres qui soutiennent l’opposition syrienne, hétéroclite certes, mais dont la composante essentielle est Jibhat Annusra. En termes de cruauté et d’inhumanité, ce front de jihadistes en Syrie n’a rien à envier aux combattants d’AQMI et d’Ansar Eddine dans le Sahara africain. Il y a quelques jours, une opération terroriste menée en Syrie contre l’université d’Alep était plus dramatique encore que le drame d’In Amenas, même si elle était nettement moins médiatisée : un véhicule piégé a explosé au sein de l’université au moment où les étudiants passaient l’examen. Bilan, 80 morts parmi les étudiants et leurs professeurs, sans compter les blessés. Au-delà des contextes très différents des drames d’In Amenas et de l’université d’Alep, les responsables appartiennent à la même nébuleuse terroriste qui, en Afghanistan, en Irak, en Algérie ou en Syrie, pour ne citer que ces pays, a largement démontré son mépris pour la vie humaine et sa haine pour toutes les valeurs qui font la grandeur de l’homme. Peut-être la France et ses alliés européens et américain devraient repenser leur stratégie en Syrie en cherchant d’autres moyens de convaincre Bachar Al Assad de quitter le pouvoir, plutôt que de continuer à soutenir directement ou indirectement les terroristes de Jibhat Annusra, dont la bataille contre le dictature syrienne se résume à faire exploser des voitures piégées n’importe où, peu importe l’identité des morts, pourvu qu’ils tombent en grand nombre. Comme à l’université d’Alep.

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