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Saturday, September 04, 2010

En attendant le miracle

Palestiniens et Israéliens ont finalement repris les négociations directes abandonnées depuis deux ans et que ni les premiers ni les seconds ne voulaient reprendre. Il a fallu tout le poids des pressions américaines pour que le Premier ministre israélien et le président palestinien s’assoient à la même table et se penchent sur un processus de paix moribond.
Cette reprise de contact direct entre les parties ennemies ne suscite ni optimisme ni enthousiasme. Mahmoud Abbas et Benyamin Netanyahu ont fait le voyage de Washington non pas parce qu’ils portent en eux l’espoir du règlement d’un conflit qui s’éternise, mais parce que les Etats-Unis veulent de ce dialogue et ont poussé les intéressés à l’entamer malgré eux.
La double question qui se pose est pourquoi les Américains tiennent-ils tant à ce dialogue direct et pourquoi les Palestiniens et les Israéliens n’en veulent pas ?
C’est devenu une tradition aux Etats-Unis. Chaque administration veut avoir sa contribution au processus de paix, chaque nouveau président veut tenter d’entrer dans l’histoire en aidant à résoudre l’un des conflits les plus complexes que les hommes ont eu à gérer. Bush père était en 1991 derrière l’ouverture de la conférence de Madrid qui a vu pour la première fois Israéliens et Palestiniens réunis à la même table. Clinton a eu sa conférence de Camp David en juillet 2000 qui avait réuni pendant deux ou trois jours Yasser Arafat et Ehud Barak avant d’échouer lamentablement. Bush fils a eu sa conférence d’Annapolis en novembre 2007 préparée dans la précipitation et dont les signes de l’échec étaient évidents avant même qu’elle ne commence. Et aujourd’hui Barak Obama a traîné presque de force les protagonistes du conflit dans l’espoir de les voir signer un accord de paix avant la prochaine élection présidentielle de novembre 2012.
C’est devenu aussi une tradition aux Etats-Unis, chaque président voulant donner l’impression au monde en général, et aux Arabes et aux Musulmans en particulier, que la grande puissance américaine est soucieuse de paix et de stabilité dans la région du Moyen-Orient. Chaque président tente de voiler autant que faire se peut le soutien inconditionnel que les Etats-Unis accordent à Israël en se créant des occasions qui montreraient les Etats-Unis dans le rôle d’arbitre et feraient oublier pendant quelques temps sa complicité flagrante avec l’occupant israélien. Obama, plus que tout autre président, a un besoin brûlant d’un accord de paix israélo-palestinien qui le montrerait aux yeux du monde comme un homme de principe qui tient ses promesses.
Il va sans dire qu’il y a beaucoup plus de chance qu’Obama rejoigne le groupe de présidents américains qui ont échoué face à la complexité du conflit que d’entrer de plain pied dans l’histoire. Il y a peu de chance de le voir réussir à maîtriser les formidables forces pro-israéliennes aux Etats-Unis et de faire jouer à la puissance américaine le rôle qu’elle n’a pu jouer jusqu’à présent, c’est à dire le rôle d’arbitre objectif et honnête.
On en vient à l’autre aspect de la question : pourquoi Israéliens et Palestiniens ont-ils fait preuve de si peu d’empressement face aux exhortations d’Obama de les voir reprendre le dialogue ? Pourquoi ont-ils traîné les pieds avant de céder et de prendre la route pour Washington ?
Aussi bien le gouvernement israélien de Benyamin Netanyahu que l’Autorité palestinienne, présidée par Mahmoud Abbas, sont confrontés à des oppositions intérieures virulentes déterminées à dérailler toute espèce d’accord que les parties en négociation arriveraient à conclure. Les négociateurs israéliens et palestiniens sont conscients des difficultés qui les attendent et ne peuvent ignorer une donnée fondamentale : tout accord nécessite des concessions des deux côtés, et toute concession porte en elle un risque de guerre civile aussi bien pour la société palestinienne que pour la société israélienne.
D’ailleurs les négociations n’ont pas encore commencé que le Hamas d’un côté et les colons de l’autre se sont appliqués à mettre les bâtons dans les roues. Le mouvement islamiste palestinien a organisé, à deux ou trois jours de la reprise des négociations, une attaque contre les colons qui a fait quatre morts. L’attaque, c’est évident, visait à provoquer une réaction violente de l’armée israélienne qui rendrait difficile toute négociation.
De leur côté les colons de Cisjordanie ont brisé le moratoire sur la construction dans les colonies en entamant des travaux de terrassement le jour même où Netanyahu arrivait à Washington. La manœuvre, c’est tout aussi évident, visait à provoquer la fureur des négociateurs palestiniens et de les pousser à tourner le dos aux négociations. C’est dans ce sens que les deux parties, en traînant les pieds avant d’accepter les négociations, semblaient animées par l’idée que le statu quo est préférable au risque de déstabilisation.
Cela dit, la journée du 26 septembre qui marquera la fin du moratoire de dix mois sur la construction dans les colonies, sera cruciale pour cette énième série de négociations que les Américains souhaitent voir aboutir à une solution de deux Etats d’ici un an. Dans trois semaines donc, Netanyahu sera confronté à un dilemme : ou il prolonge le moratoire et fera face à la fureur des colons et de leurs représentants au gouvernement, soit il ne le prolonge pas et fera face à quelques critiques mesurées de l’administration américaine et à la fureur des Palestiniens qui quitteront les négociations.
Si l’on se réfère à la longue histoire des échecs répétés des négociations, la probabilité de succès de ce nouveau round de palabres israélo-palestiniennes est bien mince. En cas de nouvel échec, personne ne s’étonnera, cela va sans dire. En revanche, tout le monde sera étonné en cas de succès et l’on parlera de miracle. Pour cela, il faut que, comme le souhaite la presse israélienne de gauche, que Netanyahu se transforme en un « Gorbatchev israélien ». Mais les miracles, depuis le temps des prophètes, le Moyen-Orient n’en a connu aucun.

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