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Tuesday, June 29, 2010

La prochaine décennie sera meilleure

Quand on contemple le monde d’aujourd’hui, on ne peut s’empêcher de penser à la réflexion désabusée de William Shakespeare dans Macbeth : « La vie est une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur et qui ne signifie rien ».
Le bruit le plus familier aujourd’hui, relayé par les chaînes satellitaires, est celui des explosions et des bombardements en Irak, en Afghanistan, au Pakistan, à Gaza et ailleurs. Et la fureur, elle, est celle des Américains contre les insurgés, des insurgés contre les Américains et des civils, pris entre plusieurs feux, contre toutes les parties en conflit.
L’histoire retiendra peut-être que l’anarchie et l’instabilité qui règnent dans les foyers de tension majeure et qui mettent le monde en danger sont dues aux politiques très peu inspirées de la plus grande puissance du monde qui, à un certain moment, grisée par « sa » victoire contre le bloc soviétique, a préparé un document stratégique « The New American Century » (Le nouveau siècle américain). Ce document, parrainé et défendu bec et ongles par les néoconservateurs américains, exhortait les Etats-Unis à se maintenir à la première place, à contrôler étroitement ses rivaux et à entraver leurs ambitions de prendre un jour la relève.
Aujourd’hui, le document en question est enterré, non seulement parce qu’il fait honte à ses auteurs, mais surtout pour les désastres qu’il a causés au pays pour avoir donné une fausse idée des capacités américaines de dominer le monde et de la disposition de celui-ci à se faire apprivoiser par Washington.
Paradoxalement, c’est en suivant à la lettre les recommandations contenues dans « The New American Century » que les Etats-Unis se sont affaiblis politiquement, stratégiquement, militairement et financièrement. Les guerres menées à dix mille kilomètres du territoire américain, loin de démontrer l’omnipotence américaine, ont été fatales pour les ambitions planétaires de Washington. Ces erreurs stratégiques ont ouvert la voie à l’émergence de petites et moyennes puissances sur la scène mondiale qui n’hésitent plus à contester la primauté des Etats-Unis en faisant prévaloir leurs propres agendas et en ayant en tête avant tout leurs propres intérêts.
Il est rare de voir des changements aussi importants intervenir en si peu de temps, comme ceux intervenus en cette première décennie du XXIe siècle. On est passé en dix ans d’un système unipolaire avec une seule puissance dominant le monde et se donnant carte blanche de faire tout ce qu’elle veut, à un système multipolaire où des puissances d’envergure mondiale (Chine) ou régionale (Inde, Brésil, Turquie, Afrique du sud), mettant à profit le déclin américain, se frayent leur propre chemin dans le monde.
Quelles sont les conséquences de cette nouvelle configuration internationale pour la paix et la stabilité dans le monde ? Les événements dramatiques de cette décennie qui tire à sa fin ont largement démontré les dangers mortels que comporte la trop grande liberté que s’accorde une seule puissance de façonner le monde en fonction de ses intérêts, ou plutôt de ce qu’elle croit être ses intérêts, et en fonction des lubies de pseudo intellectuels se prenant pour de grands stratèges. Les résultats sont terrifiants : des pays entiers déstabilisés, des morts et des blessés qui se comptent par millions, montée sans précédent de l’instabilité et de l’insécurité, développement spectaculaire du terrorisme, le tout étant le résultat logique de l’action de politiciens suffisamment myopes pour ne rien voir des dangers évidents que comporte le document stratégique « The New American Century ».
Paradoxalement aussi, le déclin américain est dans l’intérêt même des Etats-Unis qui, ayant démontré leur incapacité à mettre en place une politique mondiale bénéfique pour tous, n’ont même pas su profiter eux-mêmes de leur puissance sans précédent. La principale leçon tirée de cette décennie vieillissante est que moins les Etats-Unis sont puissants, moins ils se font du mal à eux-mêmes et aux autres et plus le monde se porte mieux.
La seconde décennie du siècle qu’on entamera dans quelques mois sera en principe meilleure que celle-ci. Cet optimisme est motivé par la multipolarité que l’on souhaite voir renforcée au fil des ans. Une multipolarité qui devrait se poser en modératrice des ardeurs belliqueuses des uns et des autres.
Pour ce qui nous concerne en premier lieu en tant qu’Arabes, c'est-à-dire le conflit du Proche-Orient, la seconde décennie du siècle devrait être déterminante pour deux raisons : 1- En plus du déclin américain qui devrait réduire le poids immobilisateur de Washington sur le conflit, la relation entre les Etats-Unis et Israël est en train de se dégrader lentement mais sûrement. 2- L’émergence de la Turquie en tant que puissance de moins en moins tournée vers l’Occident et de plus en plus tournée vers l’Orient, devrait engendrer un nouvel équilibre régional, d’autant plus défavorable à Israël que les relations entre Tel Aviv et Ankara sont en pleine décomposition.
Ces deux données fondamentales ne peuvent pas rester sans effet sur le comportement futur d’Israël. Ayant perdu un grand allié régional (la Turquie), et de moins en moins assuré de la pérennité de sa relation privilégiée avec les Etats-Unis, ce pays se trouvera dans la prochaine décennie dans un isolement qu’il n’a jamais connu depuis sa création. Les conditions internationales qui ont jusqu’à présent protégé Israël en dépit de son arrogance, de son agressivité et son mépris du droit international ne seront plus les mêmes, et le monde n’aura plus de raisons pour lui accorder un statut particulier ni pour tolérer l’impunité dont il a bénéficié pendant plus de quatre décennies d’affilée. La seconde décennie du siècle sera sûrement meilleure.

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