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Monday, June 28, 2010

Le dernier anachronisme de la guerre froide

Il y a 60 ans, le 25 juin 1950 exactement, la Corée du nord envahissait la Corée du sud, déclenchant un conflit extrêmement meurtrier. Entre trois et quatre millions de morts, selon les diverses estimations. Séoul, la capitale du sud, tomba en trois jours entre les mains des communistes, et ne sera libérée que le 2 octobre 1950.
En franchissant le 38eme parallèle (frontière politique entre les deux pays), les troupes nord-coréennes, sans s’en douter peut-être, déclenchaient le premier conflit chaud de la guerre froide, pour ainsi dire. Un conflit atroce qui dura un peu plus de trois ans et dans lequel étaient impliquées les forces de l’ONU (composées de troupes essentiellement américaines) à côté des Sud-Coréens, et l’Union soviétique et la jeune République populaire chinoise, âgée d’à peine un an, à côté des Nord-Coréens.
L’armistice fut signé le 27 juillet 1953 dans le village de Panmunjom, situé dans la ligne de démarcation. Mais l’armistice n’étant pas un traité de paix, les deux Corées sont jusqu’à ce jour officiellement en état de guerre, ce qu’elles n’ont pas manqué de démontrer de temps à autre. Le dernier épisode de cette guéguerre est l’attaque en mars dernier, attribuée à Pyongyang par une commission d’enquête internationale, contre une corvette sud-coréenne, causant la mort de 46 soldats.
La division persistante de la péninsule coréenne est sans doute le dernier anachronisme hérité de la guerre froide. Un anachronisme qui a la peau dure, car cela fait 21 ans maintenant que le mur de Berlin s’est écroulé, et avec lui tout l’ordre politique et social de la guerre froide, sauf la division de la Corée en deux pays distincts, deux peuples distincts et deux systèmes politiques antinomiques.
Le plus saisissant est l’évolution suivie par les deux pays depuis leur division au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Cette évolution a abouti en un peu plus d’un demi siècle à la transformation de la Corée en deux pays, l’un développé, l’autre figé, et deux peuples, l’un dynamique et entreprenant, l’autre ligoté par les chaînes d’une idéologie qui a fait largement les preuves de sa stérilité. Deux pays si différents l’un de l’autre qu’il est difficile de croire qu’il y a quelques décennies, ils formaient une unité politique, géographique et démographique unique.
L’évolution de la Corée du sud est remarquable. Il y a un demi siècle, ce pays était pauvre et arriéré. Un pays où la principale force laborieuse était formée par les paysans, et le principal lieu de travail, les rizières.
Aujourd’hui, ce pays est à la pointe du développement économique dans le monde avec une production industrielle riche et variée et une agressivité commerciale que lui envient plusieurs vieilles démocraties industrielles.
Comparée à la Corée du sud, la Corée du nord donne l’impression d’appartenir à une autre époque, pour ne pas dire une autre planète. Nul ne sait ce que le pays produit, ni ce que les gens consomment, ni comment ni de quoi ils vivent. Apparemment, la chose qui compte plus que tout à Pyongyang est la continuité du pouvoir en place et de sa pérennité, sans que ceux qui sont aux commandes n’aient la moindre intention de se pencher un jour sur le bilan de 60 ans de règne communiste.
Alors que la Corée du sud construisait les usines de toutes sortes et les chantiers navals de toutes tailles, la Corée du nord ne s’intéressait qu’au développement militaire, accumulant l’armement et se dotant de l’arme nucléaire.
Il est vrai que la Corée du sud a eu la chance d’être l’alliée privilégiée de grandes puissances industrielles et démocratiques, les Etats-Unis et le Japon, qui l’ont énormément aidée. Grâce à la compétition féroce entre les deux camps de la guerre froide, la Corée du sud a bénéficié des investissements et des transferts technologiques qui lui ont permis de se frayer un chemin et de s’imposer comme l’un des grands fournisseurs de voitures, de navires et d’une infinité de produits électriques et électroniques dans le monde.
L’unique soutien de la Corée du nord est la Chine. Dirigée par un parti communiste, la Chine est en passe de devenir la deuxième puissance économique du monde. Et si elle a réussi un tel exploit, c’est parce qu’elle a fini par adopter le modèle économique sud-coréen après avoir essayé pendant des années le statisme idéologique et social, toujours en vigueur en Corée du nord. Pourtant, c’est ce pays qui bénéficie de l’aide économique et du soutien politique de la Chine. L’un des mystères politiques de l’Extrême-Orient est cette relation privilégiée qui relève de l’alliance stratégique entre un pays aussi dynamique et entreprenant que la Chine et un pays aussi statique et figé que la Corée du nord.
Comment expliquer ce statisme nord-coréen ? Certains estiment qu’il est intimement lié à l’évolution du système politique dans un sens dynastique, où le pouvoir politique se transmet de père en fils. Le fondateur de la Corée du nord, Kim il-Sung a transmis le pouvoir à son fils Kim Jong-il et celui-ci, à 68 ans et avec une santé fragile, s’apprêterait, selon la presse internationale, à transmettre à son tour le pouvoir à son fils Kim Jong-un.
Samedi dernier, l’agence officielle nord-coréenne a rendu publique l’information suivante : « Le bureau politique du comité central du Parti des travailleurs de Corée a décidé de réunir début septembre (...) un congrès du parti afin d'élire sa direction en fonction des
nouvelles exigences du PTC. »
C’est sans doute le caractère à la fois laconique et mystérieux de cette information qui a relancé les spéculations sur la santé de Kim Jong-il et sur son éventuel remplacement par son troisième fils, Kim Jong-un, âgé seulement de 27 ans. Si la tendance dynastique se confirme encore une fois, beaucoup d’eau coulera sous les ponts avant que le dernier anachronisme de la guerre froide ne s’évanouisse, et avant que le rêve d’unité des Coréens ne se réalise.

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