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Tuesday, June 08, 2010

Les limites de l'engagement militaire

Au cœur de la nouvelle stratégie américaine, dévoilée il y a quelques jours par le président américain, se trouve le souci de gérer « les menaces qui guettent la sécurité des Etats-Unis ». Le gros des énergies dépensées en termes de moyens militaires et financiers va dans le sens de l’identification et de l’éradication de ces menaces.
S’agissant de l’identification des menaces qui pèsent sur la sécurité américaine, il faut dire que la clairvoyance politique n’est pas toujours la chose la mieux partagée à Washington. Pire encore, nombre de ces menaces qui donnent aujourd’hui des insomnies à l’establishment washingtonien sont les résultats directs d’une politique très peu inspirée suivie depuis des années par les administrations américaines successives.
Si l’on prend les deux plus gros problèmes actuels de la politique étrangère américaine, l’Afghanistan et l’Irak, on pourra dire sans grand risque d’erreur qu’ils ont été créés et exacerbés par des décideurs américains très mal conseillés et très ignorants des complexités ethniques, culturelles et politiques d’une région située à 10.000 kilomètres de Washington.
La conséquence la plus terrifiante des erreurs américaines commises à l’aube de ce siècle en Afghanistan d’abord et en Irak ensuite, est l’émergence d’une forme de terrorisme aveugle qui s’en prend indistinctement aux occupants et aux occupés, aux oppresseurs et aux opprimés, aux riches et aux pauvres, aux fidèles et aux impies, bref à quiconque ait la malchance de se trouver à proximité du kamikaze au moment où il choisit de se faire sauter au moyen de son véhicule piégé ou de sa ceinture d’explosifs.
On n’aurait probablement jamais assisté à l’émergence d’un tel fléau, si les Etats-Unis, après l’effondrement du régime des talibans en Afghanistan en 2001, avaient concentré leurs efforts sur le renforcent de la sécurité et sur l’aide économique à ce pays meurtri. L’abandon de l’Afghanistan dans un état d’anarchie avancée et la création d’un nouveau foyer anarchique en Irak après la décapitation du régime de Saddam Hussein, sont les deux plus grands cadeaux que les décideurs américains ont offerts à Al Qaida, cette même organisation qui a perpétré à New York et à Washington la plus grande attaque terroriste des temps modernes.
Quand l’ignorance et l’incompétence s’imposent comme les caractéristiques principales du pouvoir, comme on l’a vu dans le cas du régime Bush-Cheney, le pouvoir en question s’engage dans une spirale infernale consistant à servir systématiquement les intérêts de ses ennemis et à desservir les siens propres. Toutes les grandes décisions prises par le couple Bush-Cheney ont eu pour conséquences de déchaîner le terrorisme d’Al Qaida et d’approfondir l’embourbement de l’armée américaine dans des milieux hostiles.
La tâche la plus urgente de l’administration Obama consiste à désembourber l’armée américaine et à ramener chez eux les dizaines de milliers de soldats engagées dans les guerres insensées d’Afghanistan et d’Irak. Dans son ardent désir de respecter le calendrier de retrait de ses troupes, cette administration s’accroche au moindre signe d’espoir qui pourrait suggérer une réduction de l’influence d’Al Qaida dans les régions sunnites irakiennes.
La semaine dernière, le chef d’état major de l’armé US, Mike Mullen, a trouvé « particulièrement encourageant » la « série d’échecs » infligés à Al Qaida par « les forces irako-américaines ». L’optimisme de Mullen semble nourri par le général Ray Odierno, chef des troupes US en Irak qui, vendredi dernier, a assuré que les forces irako-américaines « ont soit tué soit capturé 34 des 42 dirigeants d’Al Qaida en Irak. » Ceux qui restent « tentent de se réorganiser, mais ils ont perdu tout contact avec l’organisation terroriste au nord ouest du Pakistan ».
Selon diverses sources, c’est un fait que l’organisation terroriste fait face à « des problèmes de financement et de recrutement. » C’est un fait aussi que ses chefs, reclus dans les montagnes du Waziristan pakistanais, sont les cibles privilégiées des drones américains. La disparition en mai dernier de Mustapha al Yazid, « numéro 3 », par un missile a été, selon les médias américains « le coup le plus dur subi par Al Qaida depuis 2001 »
Ce n’est pas la première fois que les Etats-Unis crient victoire contre l’organisation terroriste. En été 2006, la mort d’Abu Mosaab Zarkaoui a nourri de grands espoirs aux Etats-Unis. Mais la mort de l’homme le plus recherché d’Irak à l’époque n’a pas empêché ce pays de sombrer dans un cycle terrifiant de violence en 2006 et 2007 avec une moyenne de 3000 morts par mois. Plus récemment encore, la mort ou l’arrestation de nombreux dirigeants d’Al Qaida, comme le clame le général Odierno, n’a pas empêché la soudaine irruption de violence en mai dernier qui a fait 119 morts en une seule journée.
Il faut donc du temps pour savoir si réellement les forces américano-irakiennes sont venues à bout du terrorisme suicidaire en Irak ou si la baisse relative du niveau de violence observée ces derniers jours n’est que le calme précédent de nouvelles tempêtes.
Mais quoiqu’il en soit, et même si toutes les recrues d’Al Qaida en Irak et au Pakistan sont mises hors de combat, l’esprit de cette organisation ne peut être vaincu par la seule force militaire. La seule vraie victoire n’interviendra que par l’assèchement des sources qui nourrissent et qui entretiennent le terrorisme. La première de ces sources étant l’injustice qui continue de sévir furieusement au Moyen-Orient et ailleurs.

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