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Wednesday, May 05, 2010

Reportage: III- Xi'an, un modèle de développement pour l'Ouest chinois

Les habitués de la rue Sidi Boumendil à Tunis connaissent ces innombrables produits « made in China » et entreposés anarchiquement sur des étalages de fortune. Des cadenas petits et grands, des briquets de toutes les couleurs et de toutes les formes, des réveils, des produits électriques et électroniques par centaines. Il est normal que chaque fois qu’on passe par là c’est le fameux poème de Jacques Prévert « L’inventaire » qui surgit inévitablement dans la mémoire.
Tous ces produits de pacotille de la rue Sidi Boumendil donnent une idée caricaturale des produits « Made in China ». Il faut aller en Chine pour s’en rendre compte. Car la Chine aujourd’hui est une grande puissance industrielle si l’on juge par la production d’acier, que les grands centres industriels, concentrés dans l’est et le sud-est du pays, transforment en voitures, camions, machines outils, équipements et armements pour l’armée chinoise etc.
Avec le boom de la construction qui caractérisent les grandes villes chinoises, les besoins grandissants des industries et le développement assidus du secteur des chemins de fer, la Chine est devenue le premier producteur et le premier consommateur d’acier dans le monde avec une production qui dépasse les 500 millions de tonnes par an.
Une bonne partie de cette masse énorme d’acier est dévorée par les fameuses « zones de développement économique et technologique » qui fleurissent en Chine et qui font que ce pays mérite largement l’appellation « Atelier du monde ». Ces zones, nous explique Chen Pingfei, journaliste dans un quotidien économique à Pékin, consistent en « une concentration de groupes industriels et technologiques, embrassant des domaines aussi divers que les industries automobile et aéronautique, les locomotives pour trains à grande vitesse, les machines outils et autres industries énergétiques. »
Selon notre interlocuteur, ces zones de développement économique et technologique « sont concentrées essentiellement sur la côte est du pays dans des villes comme Guangzhou, Shanghai, Nanjing ou encore Tianjin. » Essentiellement, mais pas exclusivement, car d’autres zones fleurissent loin des côtes, par exemple dans les villes de Chongqin, Chengdu et Xi’an, trois pôles économiques de plus en plus importants et sur lesquels semblent compter les autorités chinoises pour stimuler le développement du centre et de l’ouest du pays, encore très arriérés en comparaison avec la zone géographique baignée par la mer de Chine.
Bien qu’elle n’ait pas encore atteint le développement de ses deux aînées Chongqin et Chengdu, la ville de Xi’an, capitale de la province de Shaanxi, est un cas intéressant qui symbolise à lui seul à la fois l’ambition et le dynamisme de l’économie chinoise. Située à une heure et quart de vol de Pékin, la ville de Xi’an a attiré en peu d’années une centaine de grandes compagnies qui ont fait de gros investissements se chiffrant en milliards de dollars. Et le dynamisme de ces compagnies est tel qu’au plus fort de la récession de 2008, Xi’an affichait un taux de croissance de 15, 6%, et selon les statistiques officielles de la ville, « pendant 13 années d’affilée, Xi’an, en terme de taux de croissance, n’est pas descendue sous la barre de 13%. »
Le fleuron du parc industriel Jingwei de la ville de Xi’an, porte le nom de la province : Shaanxi Automobile Group. Dirigé par un jeune directeur, Fang Hongwei, le groupe emploie 11000 employés dont 2000 ingénieurs et hauts cadres. Parmi eux, un homme brun, trapu, cheveux crépus, bref un non Chinois. C’est un ingénieur yéménite qui, après des études à Pékin, a choisi de rester en Chine et de faire carrière dans ce fleuron de l’industrie automobile chinoise.
L’ingénieur yéménite de Shaanxi Automobile Group n’est pas utile pour sa compagnie seulement dans les ateliers et les chaînes de montage, mais aussi à l’étranger, c'est-à-dire dans les pays arabes qu’il visite en tant que représentant de la compagnie chinoise. Il a été notamment en Algérie où il a négocié un projet de coopération entre des sociétés algériennes et le constructeur automobile de la province de Shaanxi.
Visiblement content de l’occasion de parler sa langue maternelle, l’ingénieur yéménite nous parle avec fierté des performances de sa compagnie: « 271e dans le classement des 500 premières compagnies chinoises, 27e dans le classement des 500 premiers fabricants de machines et 13e dans le classement des 30 entreprises chinoises de l’industrie automobile. »
Notre interlocuteur yéménite cite en vrac chiffres et détails relatifs à la production et à l’exportation des produits de sa société : « Nous avons ici la plus grande chaîne de montage d’Asie d’où sortent 500 poids-lourds par jour, sans compter les camions de taille et de puissance moyennes, les autobus et les mini-bus. Nous exportons dans 50 pays actuellement et en 2009, rien que pour l’Algérie nous avons vendu 10.000 poids lourds. De plus, l’un de nos gros clients, c’est l’armée chinoise que nous équipons à raison de 95% de ses besoins en matière de transport de troupes et autres véhicules et engins mécaniques. »
Enfin cette information qui a l’air anecdotique, mais elle est authentique : « Le mariage est interdit entre un homme et une femme travaillant dans le même service administratif, dans le même atelier ou dans la même chaîne de montage. » L’explication donnée par notre interlocuteur (un même service ne doit pas être affecté par deux absences simultanées) vaut ce qu’elle vaut, mais Shaanxi Automobile Group ne semble nullement considérer cela comme une atteinte à la vie privée de ses employés. « De toute manière », tempère notre interlocuteur, « nous n’avons eu à refuser aucun mariage au sein d’un même service, parce que le problème ne s’est pas encore posé. »
Nous présentant quelques collègues ingénieurs travaillant pour Shaanxi Automobile Group Co. Ltd., notre ami yéménite observe que « la Chine compte sur des talents semblables pour rattraper son retard et développer ses régions orientales longtemps négligées. Et précisément le pôle de développement constitué par le triangle Xi’an, Chongqin et Chengdu est généralement considéré en Chine comme le principal atout des autorités chinoises pour procéder à la conquête industrielle de l’Ouest. Une chose à laquelle la Chine tient tellement et que le monde doit savoir : l’entreprise gigantesque du développement du centre et de l’ouest du pays ne doit pas se contenter de suivre la voie classique du ‘Made in China’, mais explorer et emprunter une autre voie. La voie du ‘Invented in China’. »

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