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Monday, April 12, 2010

Sommet sur la sécurité nucléaire à Washington: les deux sujets manquants

Imaginez un fabriquant de tabac qui s’apprêtait à participer à une conférence sur le danger du tabagisme et les moyens de limiter son expansion. On ne pourra pas lui en vouloir, et on le comprendra même si, après mûre réflexion, il décide d’annuler sa participation et de poursuivre discrètement sa contribution à l’expansion des cancers, des maladies cardio-vasculaires et autres épidémies liées ou aggravées par le tabagisme.
Dans le même ordre d’idées, et par souci d’objectivité, on ne peut pas en vouloir au Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, et on le comprend même d’avoir, après mûre réflexion, annulé sa participation à la conférence qui se déroule actuellement à Washington sur les problèmes que posent les armes nucléaires, surtout si elles tombent dans de mauvaises mains. Le Premier ministre israélien a donc annulé sa participation juste deux jours après l’avoir confirmée au cours d’un point de presse.
Le point de presse au cours duquel Netanyahu a confirmé sa participation à la conférence de Washington s’est tenu mercredi dernier et un journaliste de l’Associated Press (AP) a posé au premier ministre israélien la question suivante : « Ne pensez vous pas que votre présence à cette conférence va attirer l’attention sur le programme nucléaire israélien ? » Non, Netanyahu était confiant et rassuré de ce côté : « Personne ne pense qu’Israël est un Etat terroriste. Les gens savent reconnaître un régime terroriste et paria quand ils en voient un. Et croyez-moi, il y’en a quelques uns autour d’Israël ».
La question de savoir si Israël est entouré de « quelques Etats terroristes », comme le prétend Netanyahu, ou ce sont les Etats et les peuples de la région qui sont victimes du terrorisme d’Etat d’Israël, ne peut pas être élucidée par des discours démagogiques et mensongers, mais par l’observation de la pratique sur le terrain.
Qu’observe-t-on depuis près de 43 ans maintenant ? Un Etat qui s’appelle Israël occupe des terres palestiniennes et syriennes, construit des colonies à tour de bras dans lesquelles sont installés plusieurs centaines de milliers de colons (un crime de guerre aux yeux du droit international), déclenche des guerres quand il veut contre les Palestiniens et les Libanais, écrasant des milliers de personnes sous ses bombes, bombarde Bagdad, Damas et même Hammam Chatt, dans la banlieue de Tunis, le 1er octobre 1985 dans une tentative de décapiter la direction palestinienne, sans parler des blocus, des arrestations massives, des humiliations quotidiennes des Palestiniens dans les check-points qui quadrillent les territoires occupés, du mur de l’apartheid qui charcute Jérusalem et la Cisjordanie etc…
Ces quelques faits tragiques tirés d’une liste interminable d’agressions et d’exactions ne relèvent pas du discours démagogique, mais de la réalité quotidienne vécue par les peuples de la région depuis le mois de juin 1967. Par conséquent, si l’on veut dépouiller la phrase sus-mentionnée de Netanyahu de la démagogie qui l’entache et la rendre conforme à la réalité, il faudrait la lire de la manière suivante : « Tout le monde pense qu’Israël est un Etat terroriste. Les gens savent reconnaître un régime terroriste et paria quand ils en voient un. Et croyez-moi, il y’en a un parmi les pays de la région : Israël ».
La vérité étant rétablie, revenons maintenant à l’annulation par le Premier ministre israélien du voyage qu’il devait effectuer à Washington pour assister au sommet organisé par Obama sur la sécurité nucléaire. Tous les commentateurs, y compris israéliens, avancent deux raisons pour expliquer cette annulation. D’abord éviter de rencontrer le président américain avec qui Netanyahu n’est pas dans les meilleurs termes et qui n’aurait sûrement pas manqué de lui poser des questions embarrassantes sur les colonies. Ensuite, avec la présence de la Turquie et de l’Egypte à Washington, Netanyahu était certain qu’il serait interpellé avec insistance pour s’expliquer sur les raisons qui poussent Israël à refuser depuis 40 ans de signer le traité de non prolifération nucléaire et d’ouvrir le site de Dimona à l’inspection de l’Agence internationale pour l’énergie atomique.
L’activisme anti-nucléaire du président Obama est parfaitement louable, même s’il est motivé aussi, entre autres, par le désir de justifier a posteriori son prix Nobel de la paix, dont l’obtention a suscité des réserves, et même une levée de boucliers un peu partout dans le monde. Cela dit, les inquiétudes du président américain de voir des armes de destruction massive tomber entre les mains de terroristes suicidaires sont légitimes et le sommet qui se penche actuellement à Washington sur ce gros problème est le bienvenu.
Seulement l’ordre du jour de ce sommet est biaisé. Tel qu’il est conçu et discuté, cet ordre du jour risque fort de faire du sommet sur la sécurité nucléaire une réunion d’amis qui se sont réunis pour bavarder un moment ensemble avant de se quitter pour s’occuper chacun de ses tâches routinières. Les deux sujets fondamentaux qui manquent à l’ordre du jour du sommet de Washington sont les sources du terrorisme dans le monde et la question nucléaire israélienne.
C’est bien de tenter de sécuriser les armes nucléaires de manière à ce qu’elles ne tombent jamais entre les mains de fanatiques suicidaires. Mais c’est encore mieux de remonter jusqu’aux racines du phénomène du terrorisme : l’injustice, la misère et l’ignorance. Et cet aspect fondamental est totalement ignoré par le sommet de Washington.
D’un autre côté, et c’est une question de crédibilité, le sommet ne peut pas à la fois pointer du doigt le « danger » que représentent des pays qui ne possèdent aucune arme nucléaire et qui, de surcroît, sont signataires du TNP, et ignorer le vrai danger que représente le seul pays détenteur d’armes de destruction massive dans la région et qui, de surcroît, refuse obstinément depuis quatre décennies de signer le traité de non prolifération. Car si Washington ne voit aucun problème dans la détention par Israël de centaines d’ogives nucléaires, des centaines de millions d’Arabes et de musulmans sont d’un avis un peu différent.

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