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Thursday, May 20, 2010

Les prédateurs des temps modernes

En quelques semaines Goldman Sachs, la plus grande banque d’affaires au monde, est devenue le symbole de ces institutions financières à la fois prédatrices et cupides. Des institutions qui ne reculent devant rien, quitte à faire sombrer la planète entière, pour engranger les gros bénéfices et distribuer en fin d’années primes et bonus dont l’unité de calcul des sommes dues à chaque bénéficiaire est le million de dollars.
La particularité ahurissante de ces prédateurs des temps modernes, de ces « voleurs en cravate », comme les appelle déjà la presse internationale, est qu’ils sont à la fois voleurs et traîtres. Voleurs, parce qu’ils détroussent leurs clients, et traîtres parce qu’ils trahissent des gens qui leur ont confié leur argent et qui leur ont fait confiance. Cette trahison est d’autant plus méprisable que ces prédateurs ont non seulement conseillé à leurs clients d’investir dans des titres qu’ils savaient voués à l’effondrement, mais, pire encore, ils ont joué un grand rôle en précipitant la chute de ces titres contre lesquels ils ont sciemment spéculé, ce qui leur a permis d’engranger des milliards.
Comble de la traîtrise, ces « voleurs en cravate » de Goldman Sachs ont mené en bateau des citoyens après avoir bénéficié de l’argent du contribuable qui a servi à renflouer cette banque et ses semblables lors de la grande crise financière de 2008, crise à laquelle ces prédateurs sont loin d’être étrangers évidemment…
Mais cette manipulation de quelques milliers de clients n’est rien par rapport à ce qu’on vient d’apprendre : l’appétit gargantuesque de ces prédateurs les a poussés à s’attaquer carrément aux Etats, et Goldman Sachs, avec d’autres banques prédatrices, n’est pas étrangère à la crise grave de la Grèce qui a mis en péril le système financier européen tout entier.
Selon le Spiegel et le New York Times, Goldman Sachs, en complicité avec d’autres banques de Wall Street, JP Morgan, Chase Manhattan et d’autres, avaient mis au point un montage financier complexe destiné à cacher l’ampleur de l’endettement de la Grèce, ce qui a permis à ce pays d’emprunter des centaines de milliards de dollars. Ces banquiers savaient pertinemment, cela va sans dire, que la très modeste économie grecque n’avait pas les moyens d’honorer une dette aussi colossale. Mais cela ne fait rien, car plus la Grèce s’endette, plus ces prédateurs engrangent les bénéfices.
D’après la presse européenne, « c’est une cadre de Goldman Sachs, Antigone Loudiadis, qui serait l’architecte du montage financier permettant de dissimuler l’ampleur de la dette de la Grèce. Elle aurait permis à sa banque d’engranger 300 millions de dollars de rémunérations pour ces transactions. »
Le parlement grec enquête depuis des mois sur « la responsabilité des banques américaines » dans la crise financière du pays, et le président Papandréou, dans une récente interview diffusée sur CNN, n’a pas exclu de traîner en justice des banques américaines, dont Godman Sachs.
La pagaille financière internationale trouve son origine donc dans la cupidité et dans la soif inextinguible de gains des grandes institutions financières internationales dont le comportement irresponsable a failli précipiter le monde en 2008 dans une dépression de la taille de celle 1929.
On se rappelle qu’une grande crise a été évitée grâce à rapidité et la compétence avec laquelle l’administration Obama avait réagi. Voulant éviter que de tels dangers ne se reproduisent, Obama et ses collaborateurs ont mis au point un projet de réforme. Discuté actuellement par le sénat, il sera soumis au vote probablement la semaine prochaine, après qu’une version de ce projet ait été adoptée par la Chambre des représentants.
Il va sans dire que les banquiers de Wall Street sont contre et tentent toujours de bloquer la réforme. Fin avril, Obama, soutenu par l’opinion publique et par deux prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz et Paul Krugman, a dénoncé « les efforts furieux des lobbyistes de la profession pour façonner cette loi d'une manière qui serve leurs intérêts propres».
A quelque chose malheur est bon. Les pratiques scandaleuses de la banque Goldman Sachs semble faciliter la tâche d’Obama, tout en rendant ardue celle des « lobbyistes de la profession » dont les réseaux tournent à plein régime avec pour cible principale les parlementaires américains.
L’idée centrale de la réforme proposée par Obama est que l’argent du contribuable ne servira plus à sauver les banques qui se mettent en difficulté par un comportement irresponsable. L’argent du contribuable, en leur servant de filet de sauvetage, n’a fait jusqu’ici qu’encourager les aventures, les spéculations et les prises de risques exagérés par des banques rassurées qu’au bout du compte, et en cas de catastrophe, elles seront renflouées par l’argent public, comme ce fut le cas en 2008. En cas d’adoption de la réforme par le sénat, toute banque qui se met en difficulté et qui n’arrive pas à se sauver elle-même, sera tout simplement démantelée.
Ces prédateurs aux dents longues sont furieux et tentent désespérément d’accréditer l’idée que le président américain est un « communiste », un « dirigiste », un « ennemi de l’économie de marché » etc. Mais Obama a déconstruit toute cette stratégie d’attaque par une phrase simple : « Un marché libre n’a jamais voulu dire un permis de prendre tout ce que vous pouvez prendre », a-t-il lancé à ses détracteurs dans l’un des nombreux discours sur la réforme financière.
Reste à savoir si le sénat va voter cette réforme. Beaucoup de sénateurs qui, avant l’éclatement du scandale de Goldman Sachs étaient férocement contre la réforme, sont maintenant bien embarrassés. Ils aimeraient aider les banquiers de Wall Street, prédateurs, certes, mais généreux en période électorale. Mais s’ils le font, ils donneront l’impression qu’ils se sont rangés du côté de ceux qui n’ont aucun scrupule à détrousser les contribuables, qui sont aussi électeurs. Dans quelques jours, ils doivent pourtant choisir. Choisir entre les intérêts des « voleurs à cravate » et ceux des honnêtes citoyens.

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