airelibre

Saturday, September 24, 2011

Washington et la question palestinienne

Il y a quelques jours, le 13 septembre exactement, un anniversaire était passé inaperçu. Peu de journaux dans le monde en ont parlé: le 18eme anniversaire des accords d'Oslo qui, à l'époque, avaient suscité de gros espoirs de paix au Moyen-Orient. Si personne n'a parlé de ces accords, c'est parce qu'ils sont morts et enterrés par l'entêtement israélien à maintenir sous occupation les terres palestiniennes, tout en élargissant méthodiquement cette occupation pour servir des colons venus de toutes parts, le tout sous l'œil complaisant, pour ne pas dire complice des différentes administrations américaines.
En fait, la complaisance et la complicité américaines ont encouragé Israël à saboter systématiquement toutes les négociations isralo-palestiniennes: Madrid 1991, Oslo 1993, Wy River 1997, Camp David 2000, Taba 2001, la feuille de route du Quartet 2002, Annapolis 2007, sans oublier les rencontres bilatérales aussi futiles qu'inutiles tout au long de l'année 2008. Sans oublier aussi les promesses d'Obama au Caire en juin 2009 relatives au gel de la colonisation, ou encore son "plan" qui devait aboutir à l'édification d'un Etat palestinien fin 2010…
En dépit de cette longue histoire de sabotages, de la stérilité des négociations, de l'inutilité des rencontres, de la futilité des promesses qui, comme tout le monde sait, n'engagent que ceux qui y croient, voilà Obama qui remet ça en martelant martialement que rien ne vaut les négociations pour aboutir à un Etat palestinien. Ce même Obama qui, après avoir promis un Etat palestinien pour fin 2010, est décidé à utiliser son droit de veto pour s'opposer à la demande de la Palestine de devenir le 194eme membre de l'ONU. Ce même Obama qui, après avoir soulevé tant d'espoirs dans son discours du Caire de juin 2009, a consterné des centaines de millions d'Arabes et de Musulmans après son discours de septembre 2011 à la tribune de l'Assemblée générale de l'ONU, "le discours le plus sioniste à ce jour
de Barack Obama. Il ne manquait qu'une jolie photographie de Theodor Herzl, le
fondateur du sionisme", pour reprendre le commentaire sarcastique du journaliste israélien Eitan Haber.
Il n'y a que les naïfs ou ceux qui ne sont pas très familiers avec la politique américaine pour s'étonner du "discours le plus sioniste" de Barack Obama. Celui-ci n'a fait que suivre la voie tracée par ses prédécesseurs: promettre pendant les deux premières années du mandat présidentiel une solution au problème palestinien, et renier ces mêmes promesses pendant les deux dernières années en jurant à ceux qui doutent encore que le président-candidat à sa propre succession est le plus grand ami qu'Israël ait jamais connu, qu'il défendra bec et ongles le "plus grand allié stratégique" des Etats-Unis, sans parler de l'adoption aveugle de l'argumentaire connu des dirigeants israéliens, y compris Netanyahu, le plus obtus d'entre eux…
Pendant les deux premières années de son mandat, Obama a fait son discours au Caire et a promis un Etat Palestinien avant la fin de 2010. Au cours des deux dernières années de son mandat, et n'ayant visiblement en tête que la présidentielle de novembre 2012 et l'irrésistible désir de plaire au Lobby israélien, Obama nous a gratifiés d'un discours dont le contenu n'a absolument rien à envier à ceux prononcés à longueur d'années par Benyamin Netanyahu ou par son ministre des Affaires étrangères, le Moldave et ancien videur de boîte de nuit, Avigdor Lieberman. Ces deux la étaient aux anges et ne se lassaient pas de couvrir d'éloges leur ennemi irréductible d'hier devenu subitement aujourd'hui leur meilleur ami. Décidément, Israël a beaucoup de mal à compter se amis parmi la classe politique américaine tellement ils se bousculent à son perron.
Maintenant venons-en à la question essentielle: pourquoi les Etats-Unis qui ont accompli de si grands miracles économiques, scientifiques et technologiques échouent-ils si lamentablement à régler le problème moyen-oriental, très épineux certes, mais sûrement pas au dessus de leurs moyens de grande puissance?
La réponse est simple: les Etats-Unis n'ont jamais considéré le problème du Moyen-Orient comme un problème international relevant exclusivement de la diplomatie américaine. Depuis des décennies, ce problème lancinant fait partie intégrante de la politique intérieure américaine. Les politiciens américains, depuis au moins deux générations, ont intériorisé l'idée que la question du Moyen-Orient est moins un problème à régler qu'une plateforme à partir de laquelle sont lancées les enchères à qui aime Israël le plus frénétiquement, l'aide le plus généreusement et l'approuve le plus aveuglément.
En d'autres termes, le conflit israélo-arabe est, depuis des décennies, appréhendé à Washington moins comme un drame à régler d'urgence que comme un tremplin susceptible de propulser tout flagorneur pro-Israël à des postes de haute responsabilité dans l'environnement politique douillet de la capitale américaine.
Nul ne sait combien cette incongruité politique durera encore. Une chose est certaine: elle ne durera pas indéfiniment. Elle ne durera pas plus qu'elle n'a duré déjà. Le temps ne joue pas en faveur d'Israël. La superpuissance qui le protège et lui assure l'impunité pour un demi siècle de violation des lois internationales montre des signes d'essoufflement.
Avec les guerres d'Irak et d'Afghanistan menées à crédit et qu'ils n'arrivent pas à gagner, des dettes faramineuses qui se comptent en trillions de dollars, des difficultés économiques et financières qu'ils maîtrisent de moins en moins, la montée en puissance de la Chine, de l'Inde, de la Russie, du Brésil, de la Turquie, les Etats-Unis sont en train de quitter imperceptiblement leur statut de grande puissance unipolaire qui façonne le monde à sa façon vers celui d'une puissance parmi tant d'autres dans un monde auquel l'adjectif "multipolaire" colle chaque jour un peu plus. Les Palestiniens qui ont trop patienté, n'attendront plus trop longtemps. Le monde multipolaire qui leur rendra justice se dessine déjà.

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