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Monday, June 27, 2011

Tragédie grecque

Le cas grec est un exemple singulier de népotisme étatique européen. Avant d'expliciter cette idée, voyons d'abord le sens exact du mot népotisme. La définition qu'en donne le Petit Robert est la suivante:"Abus qu'une personne en place fait de son crédit, de son influence pour procurer des avantages, des emplois à sa famille, à ses amis."
Jusqu'au 31 décembre 1980, l'Union européenne (alors CEE) était formée de neuf pays. Les neuf étaient devenus dix le 1er janvier 1981. Et c'est ce dixième membre, la Grèce, qui, 30 ans après son entrée dans l'UE, cause de graves difficultés à la plus belle structure économique du monde.
C'est l'ancien président français, Valéry Giscard d'Estaing, qui avait plaidé avec le plus de vigueur en faveur de l'entrée de la Grèce au sein de la structure économique européenne. Son idée était simple à expliquer et facile à transmettre: la Grèce étant le berceau de la culture européenne, il était inconcevable qu'elle restât marginalisée et ne bénéficiât pas des avantages économiques qu'offrait l'appartenance à l'Union européenne. En d'autres termes, dans un extraordinaire élan de gratitude, l'Europe ne pouvait pas tourner le dos au pays qui lui a donné la littérature, la poésie, le théâtre, la philosophie, l'astronomie, sans oublier la notion de démocratie.
Il y a trente ans, les neuf pays de la CEE étaient nettement plus développés que la Grèce et les paramètres économiques, sociaux et financiers de cette dernière n'étaient pas tout à fait conformes aux paramètres requis pour l'adhésion. Qu'à cela ne tienne, on manipulera les paramètres, on trichera avec les chiffres, on maquillera la réalité, le but étant que les descendants de Socrate, de Platon, d'Aristote, de Sophocle et d'Aristophane soient associés à la prospérité européenne.
Ce cas singulier de népotisme étatique n'est pas fondamentalement différent du népotisme ordinaire qui fait qu'un haut responsable place délibérément son proche parent non diplômé et incompétent dans un poste qu'il ne peut pas tenir.
Placée par népotisme dans une structure économique très développée, la Grèce aurait pu mettre à profit les trente ans de son appartenance à l'UE pour moderniser son économie, la développer et atteindre les standards européens qui lui manquaient au départ.
Au lieu de retrousser leurs manches et travailler dur, de payer leurs impôts et gérer sainement les budgets familiaux et étatiques, de s'endetter non pas pour mener la belle vie, mais pour investir et fructifier l'argent emprunté, les Grecs (citoyens et responsables étatiques confondus) ont pris le chemin opposé. Quand on travaille modérément et on fraude le fisc frénétiquement, quand on s'adonne à l'hédonisme débridé et à l'épicurisme sans bornes avec l'argent qu'on n'a pas gagné à la sueur de son front mais emprunté, on se retrouve dans la situation des Grecs aujourd'hui qui vivent une véritable tragédie.
Trente ans de pagaille budgétaire, de fraude fiscale généralisée, de mauvaise gestion économique et administrative, le tout aggravé par "une incurie européenne" qui avait "caché et repoussé le scandale grec comme la poussière sous le tapis", comme le soutient l'hebdomadaire français Le Point, le tout donc a fait que la Grèce non seulement rate son adhésion à l'UE, mais met en danger la monnaie unique européenne et en fureur les Allemands qui ne veulent plus payer "la facture de l'inconscience et de l'irresponsabilité" des Grecs.
De l'autre côté de la barrière, il y a le voisin turc qui devait rire sous cape. Il est peut-être en train de se délecter non pas parce que les Grecs vivent une tragédie, mais parce que l'histoire n'a pas tardé à rendre publique son ironie ravageuse. Voici la Turquie, qui s'est vue refuser l'entrée du club européen, fière de ses performances économiques qui suscitent envie et jalousie. Et voilà la Grèce, membre depuis trente ans de ce même club, déprimée, à vau-l'eau et au bord de la faillite.

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