airelibre

Monday, August 15, 2011

Krach moral

Depuis l'effondrement de la dictature zabaïste, chaque jour qui passe nous fait découvrir une nouvelle dimension du désastre. Chaque procès qui s'ouvre promet des révélations inédites sur l'étendue de la cupidité, de la voracité et de la déchéance morale de la "Famille". Chaque inventaire effectué accroît notre vertige face à l'ampleur de la gangrène qui a affecté l'économie tunisienne, résultant du comportement ahurissant de bandes de malfaiteurs déguisés en hommes d'affaires.
Il faut dire que l'arrogance, l'insatiabilité, les désirs inassouvissables, les caprices inapaisables, la recherche effrénée du lucre, la poursuite infatigable du gain ne sont pas des caractéristiques propres à la "Famille". Ils sont des éléments constitutifs d'une "déferlante", d'une terrifiante déchéance morale à grande échelle qui mine les milieux d'affaires, la haute finance et les politiciens qui les soutiennent et qui sont parfaitement perceptibles un peu partout dans le monde.
En Tunisie et en Egypte, les révolutions sont les réponses appropriées à la déchéance morale et à l'arrogance de classes politiques corrompues qui, en relation étroite avec des prédateurs économiques, ont mis les deux pays en coupe réglée. C'est un peu contre les mêmes fléaux que se battent aujourd'hui les Libyens, les Yéménites et les Syriens et que se battront inéluctablement demain d'autres peuples.
Il ne s'agit pas ici de phraséologie révolutionnaire creuse, mais d'un constat né de l'observation d'une triste réalité qui est loin d'être le monopole d'un seul pays ou d'une seule région et n'épargne point les pays riches.
La logique, le bon sens et la rationalité suggèrent l'idée que le haut degré de confort matériel et l'accumulation sans précédent de richesses dans les pays de l'hémisphère nord les immunisent contre la fièvre de la contestation politique et le fléau des désordres sociaux. C'est compter sans la cupidité pathologique des milieux d'affaires et de la haute finance et la complicité coupable dont font preuve des politiciens dogmatiques influents à Washington et dans plusieurs capitales européennes.
Toutes proportions gardées, les mouvements qui ont mis fin à la dictature de Ben Ali le 14 janvier et le feu à Londres et Birmingham la semaine dernière ont un point commun: la révolte contre l'injustice, l'inégalité, la cupidité et la complicité des politiciens avec les puissances de l'argent.
Toutes proportions gardées, les mouvements qui ont mis fin à la dictature de Moubarak le 25 janvier et poussé des dizaines de milliers d'Israéliens à camper dans les rues de Tel Aviv ont un point commun: la révolte contre l'injustice, l'inégalité, la cupidité et la complicité des politiciens avec les puissances de l'argent.
Mais, le cas le plus aberrant et le plus dangereux se trouve outre-Atlantique. Bien qu'ils semblent, jusqu'à présent, immunisés contre les mouvements sociaux d'envergure et la contestation politique d'ampleur, les Etats-Unis se sont mis dans une situation financière explosive qui menace non seulement les Américains, mais l'ensemble de la planète.
Avec une dette colossale qui se compte en trillions de dollars, le pays le plus riche du monde ne fonctionne et ne marche que grâce à l'emprunt. Comment expliquer cette situation paradoxale où le pays le plus riche du monde se trouve paralysé s'il ne trouve pas où, ou s'il n'est pas autorisé à emprunter de l'argent? Deux mots simples sont derrière ce paradoxe: cupidité et dogmatisme. Cupidité des riches aussi avides à gagner de l'argent que réticents à payer l'impôt. Dogmatisme des politiciens aussi déterminés à refuser la moindre hausse d'impôts pour les riches qu'à imposer des coupes dans les programmes sociaux, pourtant très modestes, dont bénéficient les pauvres…
Le sobriquet de "talibans de la finance" par lequel des commentateurs occidentaux désignent les requins qui sévissent à Wall Street ou encore à la City de Londres, ne fait pas seulement sourire. Il donne à réfléchir et à se poser des questions du genre pourquoi les hommes sont-ils si insatiables? Pourquoi les riches sont-ils "programmés" de telle sorte que plus ils s'enrichissent, plus leur cupidité grandit? Comment se fait-il qu'aucun montant, aussi faramineux soit-il, ne semble suffisant pour venir à bout ou même modérer juste un peu la fièvre accumulatrice des nantis?
Dans un monde où tout se sait, s'entend et se voit à la vitesse de la lumière, la générosité, l'altruisme et la disposition au partage deviennent des impératifs de survie de la planète Terre. Il est remarquable que ces qualités morales se trouvent surtout du côté des pauvres. Quant aux riches qui continuent d'avaler de manière gargantuesque le beurre et l'argent du beurre, ils ne sont même pas conscients du krach moral qui les affecte et qui menace de mener le monde à sa perte.

0 Comments:

Post a Comment

<< Home